Article du mois, commenté par Hawa KEÏTA-MEYER

Severe Nausea and Vomiting in the Evaluation of Nitrous Oxide in the Gas Mixture for Anesthesia II Trial

Nausées et Vomissements Sévères dans l’évaluation du Protoxyde d’Azote dans le Mélange Gazeux pour l’Anesthésie – Etude ENIGMA II

Anesthesiology 2016; 124:1032-40

Problématique: Le protoxyde d’azote (N20) est reconnu comme un facteur de risque de nausées et vomissements post-opératoires (NVPO), particulièrement dans les chirurgies majeures avec durée d’exposition prolongée au N20. Cependant, la plupart des études ayant évalué et caractérisé les NVPO et l’efficacité des protocoles antiémétiques, se sont intéressées à de la chirurgie mineure en ambulatoire. De fait, le rôle du N20 dans les NVPO sévères (persistantes ou récurrentes) est moins clair.

L’objectif de l’étude était donc de cibler les NVPO prolongés et/ou répétés dans les 3 jours postopératoires.

Questions: Existe –t-il une association entre N20 et NVPO sévères ? Efficacité de la prévention des NVPO dans ce contexte ?

Méthode : Etude reprenant les données d’une étude précédente (ENIGMA-II) publiée en 20081, et ciblant les patients ayant présentés des NVPO sévères. ENIGMA-II était une étude interventionnelle multicentrique prospective randomisée en simple aveugle avec deux groupes de patients:

  • N20 + : mélange N20 70% et O2 30%
  • N20 – : mélange air 70% et O2 30%

La population de l’étude (n = 7 112):

  • Âge ≥ 45 ans
  • Présence d’une pathologie coronarienne connue ou suspectée
  • Chirurgie non cardiaque ≥ 2h

Critère principal de jugement :

  • Incidence des NVPO sévères.

Les NVPO sévères étaient définis par :

  • 2 épisodes ou plus de NVPO à au moins 6h d’intervalle
  • Nécessité d’administrer 3 doses ou plus d’au moins 2 antiémétiques de classes différentes sur une période de 24h dans les 3 jours suivant la chirurgie

Critères secondaires de jugement :

  • Facteurs de risque de NVPO sévères
  • Efficacité de la prophylaxie des NVPO
  • Effet des NVPO sévères sur la qualité de récupération postopératoire
  • Effet des NVPO sévères sur la fièvre post-opératoire
  • Effet des NVPO sévères sur l’infection du site opératoire
  • Effet des NVPO sévères sur la durée d’hospitalisation

Principaux résultats :

L’éviction du N20 réduit significativement le risque de NVPO sévères (11% vs 15%, respectivement pour le groupe N20- et N20+ ; risque relatif (RR) de 0,74 ; P < 0,001). Cet effet est majoré chez les patients asiatiques (RR à 0,55, P = 0,004) mais réduit chez ceux qui reçoivent une prophylaxie des NVPO (RR = 0,89, P = 0,18).

Les facteurs de risque indépendants de NVPO sévères sont la chirurgie digestive, le sexe féminin, l’absence de tabagisme et la durée de chirurgie supérieure à 2h.

Les patients ayant présenté des NVPO sévères ont significativement : une qualité de récupération postopératoire moindre (Score Qro à 10,4 vs 13,1, P < 0,0005), plus souvent de la fièvre en postopératoire (15% vs 20%, P = 0,002), et une durée d’hospitalisation prolongée (7j vs 6j ; P= 0,002 ). Pas de différence significative pour l’infection du site opératoire.

Commentaires : Cette étude suggère que le risque de NVPO sévères est presque éliminé par une prophylaxie antiémétique. Elle suggère également que les NVPO sévères sont présents chez plus de 10% des patients et sont associés à la fièvre postopératoire, une qualité réduite de récupération et une prolongation de la durée d’hospitalisation.

Les conclusions de cette étude sont cependant à prendre avec précaution. Elle a été réalisée à partir d’un critère de jugement secondaire d’une étude antérieure, avec des effectifs qui n’étaient pas initialement calculés pour évaluer les NVPO sévères. Il y a donc un risque de manque de puissance. De plus, ces résultats ne sont pas forcément transposables à la population générale dans la mesure où l’étude incluait des patients de 45 ans ou plus, avec des pathologies coronariennes, opérés pour des chirurgies non cardiaques de 2h ou plus.

Enfin, le recours à des concentrations peropératoires de N20 de 70% ne fait pas partie des pratiques habituelles, notamment en France.

Conclusion : Le N20 augmente le risque de NVPO sévères seulement d’un faible pourcentage (4%) et ce risque accru est quasiment éliminé par la prévention avec des agents antiémétiques. La crainte sur la survenue de NVPO sévères ne semble donc pas être une raison suffisante pour l’éviction du N20.

  1. Myles PS et al. Lancet 2014 ; 384 : 1446-54

file16Severe Nausea and Vomiting in the Evaluation of Nitrous Oxide in the Gas Mixture for Anesthesia II Trial (This article has been selected for the Anesthesiology CME Program. Learning objectives and disclosure and ordering information can be found in the CME section at the front of this issue.)