Mis en ligne le 11 juin 2018
Enquêtes

Introduction

Des données récentes suggèrent qu’une analgésie péridurale thoracique pourrait avoir un effet anti-inflammatoire et un effet bénéfique sur la perfusion splanchnique ou la fonction respiratoire. Son utilisation reste cependant controversée en réanimation en dehors de la période postopératoire et de la traumatologie. De nombreuses situations peuvent faire limiter le recours à l’analgésie péridurale en réanimation, mais peu de publications rapportent sa pratique en situation aiguë. Notre objectif était d’établir un état des lieux de la pratique de l’analgésie péridurale en réanimation et d’en répertorier les principales limites afin de servir de base à de futures études.

Matériels et Méthodes

Entre mai et septembre 2013, un questionnaire électronique portant sur la pratique de l’analgésie péridurale en réanimation a été envoyé par e-mail aux médecins exerçant dans une réanimation française et inscrits sur les annuaires électroniques de la Société de Réanimation de Langue Française et de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation.

Résultats

508 médecins ont répondu au questionnaire, ce qui correspond à un taux de réponse de 14%. 92% d‘entre eux étaient des anesthésistes-réanimateurs de formation. 65% des personnes ayant répondu déclarent utiliser l’analgésie péridurale en réanimation, avec un protocole écrit dans 30% des cas. Les indications principales de l’analgésie péridurale sont l’analgésie postopératoire après chirurgie lourde (85% des répondeurs) et la traumatologie thoracique (57%). 17% des répondeurs considèrent que la pancréatite aiguë est une indication potentielle de l’analgésie péridurale en réanimation.

La durée rapportée de maintien du cathéter péridural est en moyenne de 4 jours. Toutefois, 25% des médecins utilisant la péridurale en réanimation disent ne pas se fixer de durée maximale de maintien du cathéter. Pour 45% des répondeurs, la présence d’un sepsis ne représente pas une contre-indication formelle à la mise en place d’une péridurale. Pour la majorité des médecins ayant répondu, la suspicion d’une coagulopathie, malgré un taux de plaquettes supérieur à 100 G/L et un taux de prothrombine supérieur à 70%, ou la nécessité de recourir à un traitement par amine vasopressive et/ou inotrope, ne sont pas des contre-indications formelles à la mise en place ou au maintien d’une analgésie péridurale. 34% des médecins pratiquant l’analgésie péridurale en réanimation considèrent que le recours à une sédation profonde n’exclut pas nécessairement la mise en route ou le maintien d’une analgésie péridurale. Un tiers d’entre eux avouent également que, selon eux, l’absence de consentement du patient ne contre-indique pas sa mise en place en pratique courante.

Conclusion

Bien que ce type d’enquête déclarative comporte un certain nombre de limites, la pratique de l’analgésie péridurale ne semble pas anecdotique au sein des réanimations françaises. La majorité des médecins ayant répondu au questionnaire pratiquent l’analgésie péridurale en réanimation de façon courante. Toutefois, nous rapportons une grande hétérogénéité dans la pratique actuelle de l’analgésie péridurale dans les réanimations françaises. Ses indications et contre-indications restent peu documentées en réanimation, et son intérêt en médecine aiguë reste à évaluer. Ces données sur les modalités actuelles de la pratique de l’analgésie péridurale en réanimation et sur ses principales limites pourraient servir de base à de futures études prospectives, observationnelles voire interventionnelles.