Plan
Comité
d'organisation
Groupe
de travail
Groupe
de lecture
Introduction
I.
Evaluation clinique d'un traumatisé crânien
grave
II. Prise
en charge
préhospitalière
III.
Imagerie médicale :
stratégie
IV.
Indications neurochirurgicales
V.
Ventilation mécanique
VI.
Sédation et curarisation en dehors
HIC
VII.
Monitorage encéphalique
VIII. Prise en charge de l'HIC
IX.
Multitraumatisé : prise en
charge
X.
Convulsions : traitement
prophylactique
Conclusions
Ces recommandations ont été
établies dans le cadre d'un partenariat entre l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé (ANAES) et : |
|
La Société Française de Neurochirurgie |
|
L'Association de Neuroanesthésie et de Réanimation de Langue Française |
|
L'Association des SAMU de France |
La Société Francophone d'Urgences Médicales |
Le texte complet de ce document peut être obtenu auprès de
Agence Nationale
d'Accréditation et d'Évaluation en Santé
(ANAES)
Service Communication et Diffusion
159, rue Nationale - 75640 Paris cedex 13 - Tél. : 01 42 16 72
72 - Fax : 01 42 16 73 73
© 1998, Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé (ANAES)
Le texte complet
de ce document fait également l'objet d'un numéro
spécial des
Annales Françaises
d'Anesthésie-Réanimation 1999;
18:11-159
L'ensemble du travail a été coordonné par Madame le Docteur Nathalie CLAVIER, Monsieur le Docteur Géry BOULARD et Monsieur le Professeur Alain DUROCHER.
La recherche documentaire a été effectuée par Madame Patricia BRUCKER, sous la responsabilité de Madame Hélène CORDIER, Responsable du Service Documentation de l'ANAES avec l'aide de Madame Laurence FRIGÈRE et Mademoiselle Sylvie LASCOLS.
Monsieur le Professeur Hervé GASTINNE,
Président du Comité d'Organisation, Réanimateur
Médical, Limoges
Monsieur le Professeur Jacques BOUGET, Médecin urgentiste,
Rennes
Monsieur le Docteur Géry BOULARD, Anesthésiste
réanimateur, Bordeaux
Monsieur le Professeur Jean-Pierre CASTEL, Neurochirurgien,
Bordeaux
Monsieur le Professeur Yves CORDOLIANI, Neuroradiologue, Paris
Monsieur le Professeur Philippe DABADIE, Anesthésiste
réanimateur, Bordeaux
Monsieur le Professeur Marc FREYSZ, Médecin urgentiste,
Dijon
Monsieur le Professeur Philippe GAJDOS, Réanimateur
médical, Garches
Monsieur le Professeur Jean LAUGIER, Réanimateur
pédiatrique, Tours
Monsieur le Docteur Gilles ORLIAGUET, Anesthésiste
réanimateur, Paris
Monsieur le Docteur Bernard RIEGEL, Anesthésiste
réanimateur, Lille
Monsieur le Professeur Pascal ADNET,
Anesthésiste réanimateur, Lille
Monsieur le Docteur Jacques ALBANESE, Anesthésiste
réanimateur, Marseille
Monsieur le Docteur Olivier AXLER,Réanimateur médical,
Clamart
Madame le Docteur Michèle BONNARD, Anesthésiste
réanimateur, Clermont-Ferrand
Monsieur le Docteur Géry BOULARD, Anesthésiste
réanimateur, Bordeaux, président du groupe de
travail
Monsieur le Docteur Marc BRAUN, Neuroradiologue, Nancy
Monsieur le Docteur Sylvain CANTAGREL,Réanimateur
pédiatrique, Tours
Monsieur le Professeur Jean CHAZAL, Neurochirurgien,
Chamalières
Madame le Docteur Nathalie CLAVIER, Anesthésiste
réanimateur, Paris
Monsieur le Docteur Jean-Claude DUCREUX, Anesthésiste
réanimateur, Roanne
Monsieur le Docteur Bruno FRANÇOIS, Réanimateur
médical, Limoges
Monsieur le Docteur Laurent HOLZAPFEL, Réanimateur
médical, Bourg-en-Bresse
Monsieur le Professeur Jacques LAGARRIGUE, Neurochirurgien,
Toulouse
Monsieur le Docteur Christian LEMBEYE, Médecin-Chef adjoint
sapeurs pompiers, Mont-de-Marsan
Madame le Docteur Éliane MELON, Anesthésiste
réanimateur, Créteil
Monsieur le Docteur Gilles ORLIAGUET, Anesthésiste
réanimateur, Paris
Monsieur le Docteur Hubert TONNELIER, Anesthésiste
réanimateur, Épinal
Monsieur le Professeur Jean-Claude DOSCH, Radiologue,
Illkirch-Graffenstaden
Monsieur le Docteur Marc ALAZIA, Médecin urgentiste,
Marseille
Monsieur le Professeur Bernard ALLIEZ, Neurochirurgien, Marseille
Monsieur le Docteur Pierre ARNAUD, Anesthésiste
réanimateur, Challans
Monsieur le Professeur François BEAUFILS, Réanimateur
pédiatrique, Paris
Monsieur le Professeur Laurent BEYDON, Anesthésiste
réanimateur, Angers
Monsieur le Docteur Patrick BLANCHET, Anesthésiste
réanimateur, Cornebarrieu
Monsieur le Professeur Jacques BOUGET, Médecin urgentiste,
Rennes
Monsieur le Docteur Charles BOUSQUET, Neurochirurgien, Perpignan
Monsieur le Professeur Serge BRACARD, Neuroradiologue, Nancy
Monsieur le Professeur Philippe BRET, Neurochirurgien, Lyon
Monsieur le Docteur Nicolas BRUDER, Anesthésiste
réanimateur, Marseille
Monsieur le Professeur Jacques BRUNON, Neurochirurgien,
Saint-Étienne
Monsieur le Professeur Jean-Marie CAILLE, Neuroradiologue,
Bordeaux
Monsieur le Professeur Pierre CARLI, Anesthésiste
réanimateur, Paris
Monsieur le Professeur Jean-Pierre CASTEL, Neurochirurgien,
Bordeaux
Monsieur le Docteur Juan Manuel CASTELLOTE, Agencia de Evaluacion
Tecnologias Sanitarias, Madrid
Monsieur le Docteur Michel CAZAUGADE, Anesthésiste
réanimateur, Mont-de-Marsan
Monsieur le Docteur Jacques COGNARD, Anesthésiste
réanimateur, Saint-Junien
Monsieur le Docteur Alain COMBES, Réanimateur médical,
Meaux
Monsieur le Professeur Yves CORDOLIANI, Radiologue, Paris
Monsieur le Professeur Jean COSTIL, Réanimateur
pédiatrique, Paris
Monsieur le Professeur Philippe DABADIE, Anesthésiste
réanimateur, Bordeaux
Monsieur le Docteur Joël DAVID, Médecin-Chef - DDSC,
Paris
Monsieur le Docteur Pierre DAOUDAL, Anesthésiste
réanimateur, Vesoul
Monsieur le Docteur Dominique DEMEURE, Anesthésiste
réanimateur, Nantes
Monsieur le Professeur Hervé DERAILOND, Neuroradiologue,
Amiens
Monsieur le Docteur Gérard Philippe DESBONNETS, Médecin
généraliste, Fleurbaix
Monsieur le Professeur Jean-Emmanuel de LA COUSSAYE,
Anesthésiste réanimateur, Nîmes
Monsieur le Docteur Jean-Marie DESBORDES, Anesthésiste
réanimateur, Poitiers
Monsieur le Professeur Denis DEVICTOR, Réanimateur
pédiatrique, Kremlin-Bicêtre
Monsieur le Docteur Joël DUBERNET, Médecin
généraliste, Castillon-la-Bataille
Monsieur le Professeur Bertrand DUREUIL, Anesthésiste
réanimateur, Rouen
Monsieur le Professeur Daniel FLORET, Réanimateur
pédiatrique, Lyon
Monsieur le Docteur François FRAISSE, Anesthésiste
réanimateur, Saint-Denis
Monsieur le Professeur Philippe FREREBEAU, Neurochirurgien,
Montpellier
Monsieur le Docteur Marc FREYSZ, Médecin urgentiste, Dijon
Monsieur le Professeur Jean-Claude FROMENT, Neuroradiologue, Lyon
Monsieur le Professeur Philippe GAJDOS, Réanimateur
médical, Garches
Monsieur le Professeur Hervé GASTINNE, Réanimateur
médical, Limoges
Monsieur le Docteur Jeannot GAUDIAS, Anesthésiste
réanimateur, Illkirch-Graffenstaden
Monsieur le Docteur Philippe GAUSSORGUES, Réanimateur,
Villeurbanne
Mademoiselle le Docteur Dominique GOBBO, Médecin
généraliste, Bassens
Monsieur le Docteur Christian GOERENS, Anesthésiste
réanimateur, Paris
Monsieur le Docteur Patrick GOLDSTEIN, Anesthésiste
réanimateur, Lille
Monsieur le Docteur Claude GONZALEZ, Médecin-Chef sapeurs
pompiers, Melun
Monsieur le Docteur Jean-Pierre GRAFTIEAUX, Anesthésiste
réanimateur, Reims
Monsieur le Docteur Jean-François HEAUTOT, Radiologue,
Rennes
Monsieur le Docteur Jean-Michel HERPE, Radiologue, Saintes
Monsieur le Docteur Philippe HUBERT, Réanimateur
pédiatrique, Paris
Madame le Docteur Mireille HUMMER, Anesthésiste
réanimateur, Nancy
Madame le Docteur Carole ICHAI, Anesthésiste
réanimateur, Nice
Madame le Docteur Marie-Josée JEANNOT, Anesthésiste
réanimateur, Toulouse
Madame le Professeur Renée KRISOVIC, Anesthésiste
réanimateur, Lille
Monsieur le Docteur Jean-Pierre LAFONT, Médecin
généraliste, Morières-lès-Avignon
Monsieur le Docteur Claude LAPANDRY, Anesthésiste
réanimateur, Bobigny
Monsieur le Professeur Jean LAUGIER, Réanimateur
pédiatrique, Tours
Monsieur le Docteur Bernard LEGROS, Anesthésiste
réanimateur, Tours
Monsieur le Docteur François LENFANT, Anesthésiste
réanimateur, Dijon
Monsieur le Professeur Claude MANELFE, Neuroradiologue, Toulouse
Monsieur le Professeur Claude MARSAULT, Neuroradiologue, Paris
Monsieur le Docteur Pierre MECHALY, Médecin
généraliste, Chilly-Mazarin
Monsieur le Docteur Philippe MEYER, Anesthésiste
réanimateur, Paris
Monsieur le Docteur Gilles ORLIAGUET, Anesthésiste
réanimateur, Paris
Monsieur le Docteur Hervé Dominique OUTIN, Réanimateur
médical, Poissy
Monsieur le Docteur Rémy PELERIN, Anesthésiste
réanimateur, Lorient
Monsieur le Professeur Paul PETIT, Anesthésiste
réanimateur, Lyon
Monsieur le Professeur Michel PINAUD, Anesthésiste
réanimateur, Nantes
Monsieur le Docteur Patrick POCHET, Médecin
généraliste endocrinologue, Clermont-Ferrand
Monsieur le ProfesseurThierry POTTECHER, Anesthésiste
réanimateur, Strasbourg
Monsieur le Docteur Jean-Pierre PRUVO, Neuroradiologue, Lille
Monsieur le Docteur Jean-Loup RAGGUENEAU, Anesthésiste
réanimateur, Paris
Monsieur le Professeur Charles RAYBAUD, Neuroradiologue,
Marseille
Monsieur le Docteur Joël REMOND, Neurochirurgien,
Villeurbanne
Monsieur le Docteur Marc RENOUX, Médecin
généraliste, Saint-Jean-de-Luz
Monsieur le Docteur Bernard RIEGEL, Anesthésiste
réanimateur, Lille
Monsieur le Professeur Roger ROBERT, Neurochirurgien, Nantes
Monsieur le Professeur François SEGNARBIEUX, Neurochirurgien,
Montpellier
Madame le Docteur Bernadette STILHART, Neurochirurgien, Colmar
Monsieur le Professeur Marc TADIÉ,Neurochirurgien,
Kremlin-Bicêtre
Monsieur le Docteur Aram TER MINASSIAN, Anesthésiste
réanimateur, Angers
Monsieur le Docteur Michel THICOÏPÉ, Anesthésiste
réanimateur, Bordeaux
Monsieur le Docteur Jean-Baptiste THIEBAULT, Neurochirurgien,
Paris
Monsieur le Professeur Michel TREMOULET, Neurochirurgien,
Toulouse
Monsieur le Docteur Olivier TUEUX, Anesthésiste
réanimateur, Pau
Monsieur le Docteur Michel ZERAH, Neurochirurgien pédiatrique,
Paris
Nous tenons à remercier les membres du conseil scientifique de l'ANAES pour avoir bien voulu relire et critiquer ce document, en particulier le Docteur Georges MALLARD et Monsieur William SOUFFIR.
Les traumatismes constituent un problème majeur de santé publique. Parmi les traumatismes, les lésions cranio-cérébrales sont fréquentes et potentiellement graves tant à court terme (risque vital) qu'à long terme (handicap). Cependant, les études épidémiologiques portant sur le traumatisme crânien (TC) sont peu nombreuses. L'une des difficultés épidémiologiques du TC est l'existence de différents degrés de gravité qui peuvent être appréhendés par des méthodes variables selon les études.
La prise en charge des TC graves a considérablement évolué au cours des quinze dernières années, prenant en particulier en compte un élément physiopathologique majeur : la survenue de lésions secondaires dont le risque est l'ischémie surajoutée. Ainsi, aux lésions primaires, engendrées par l'impact, telles qu'une embarrure ou un hématome rapidement collecté, peuvent se surajouter, pendant les heures et les jours qui suivent le traumatisme, des lésions secondaires liées soit à des facteurs systémiques (hypotension artérielle, hypoxie... ), soit à des facteurs intracrâniens (hypertension intracrânienne, crises comitiales...). Dans les deux cas, la voie finale commune est constamment ischémique avec des conséquences bien établies dans le domaine de la morbidité et de la mortalité. Les causes d'agression secondaire systémiques ou non peuvent le plus souvent être prévenues ou traitées. Le diagnostic des agressions d'origine intracrânienne bénéficie quant à lui des méthodes d'imagerie qui guident les thérapeutiques. La prise en compte du concept d'agression secondaire constitue ainsi une avancée majeure dans la prise en charge du TC.
La prise en charge du TC en phase aiguë relève de choix stratégiques tout au long de la chaîne de prise en charge depuis le ramassage, le transfert préhospitalier, jusqu'à la phase hospitalière qui associe imagerie, anesthésie, réanimation, monitorage et neurochirurgie.
Les recommandations proposées ont été classées en grade A, B ou C selon les modalités suivantes :
En l'absence de précision, les recommandations proposées ne correspondent qu'à un accord professionnel. Cette classification a pour but d'expliciter les bases des recommandations. L'absence de niveau de preuve doit inciter à engager des études complémentaires lorsque cela est possible ; cependant l'absence de niveau de preuve ne signifie pas que les recommandations élaborées ne sont pas pertinentes et utiles (exemple de l'efficacité de la mastectomie dans le cancer du sein, des antibiotiques dans l'angine...).
I. EVALUATION CLINIQUE D'UN TRAUMATISME CRANIEN GRAVE
Un TC grave est un traumatisé dont le score de Glasgow (GCS) est ¾ 8 et dont les yeux sont fermés. Cette définition s'entend après correction des fonctions vitales. Le GCS doit être utilisé en précisant de manière descriptive chaque partie du score (grade B). Chez l'enfant de moins de 5 ans, le GCS pédiatrique est mieux adapté (grade C).
Score |
Adulte |
Enfant < 5 ans |
|
Ouverture des yeux |
idem adulte |
|
Meilleure réponse verbale |
|
|
Meilleure réponse motrice |
idem adulte |
15 |
Total |
15 |
II. PRISE EN CHARGE PREHOSPITALIÈRE
La prise en charge préhospitalière des traumatisés crâniens graves repose sur :
Les solutés à utiliser sont (grade B) :
Après intubation et ventilation une sédation est préconisée dès la prise en charge initiale du TC grave ; cette sédation est adaptée à l'état hémodynamique du blessé.
Chez l'enfant, la prise en charge tient compte des spécificités suivantes :
On ne connaît pas les valeurs minimales acceptables pour la pression artérielle chez l'enfant avec TC grave, mais on peut adapter les valeurs de l'adulte en tenant compte des variations physiologiques liées à l'âge :
Age |
PAS (moy±2 ds*) |
6 mois |
80 ± 20 mmHg |
* ds : écrat-type (déviation standard)
L'orientation du patient victime d'un TC grave doit se faire vers une structure disposant d'un service de réanimation, d'un scanner, d'un avis neurochirurgical et d'un laboratoire adapté, tous opérationnels en permanence. Il n'existe pas à ce jour d'accord professionnel concernant les critères d'orientation initiale entre un centre de proximité, non pourvu d'un service de neurochirurgie sur place, et un centre plus distant mais comprenant un service de neurochirurgie. Quel que soit le choix, la structure doit être capable de mettre en place la procédure d'évacuation d'un hématome intracrânien et ce sans délai.
III. STRATEGIE DE L'IMAGERIE MEDICALE
La radiographie du crâne est inutile chez le TC grave car elle ne permet pas de prédire l'existence ou non d'une lésion cérébrale (grade A).
Un bilan tomodensitométrique (TDM) cérébral (sans injection) doit être réalisé pour tout patient victime d'un TC grave (grade C).
Techniquement la TDM doit être réalisée de la manière suivante :
La réalisation d'une nouvelle TDM cérébrale dans les 24 premières heures suivant le traumatisme est indiquée :
L'imagerie par résonance magnétique, en dépit d'une très grande sensibilité (en particulier pour la mise en évidence des lésions de la ligne médiane et de la substance blanche), n'a pas fait la preuve de son intérêt à la phase aiguë du TC.
L'indication d'une exploration vasculaire (angioscanner, angiographie conventionnelle ou imagerie par résonance magnétique) peut se poser à la phase aiguë d'un TC grave. La suspicion d'une dissection artérielle ou d'une fistule carotido-caverneuse doit inciter à réaliser un bilan angiographique.
L'examen radiologique du rachis s'impose pour tout TC grave (GCS ¾ 8) puisque l'examen clinique est toujours incomplet (grade B).
Les explorations doivent comprendre :
Pour la TDM, l'exploration idéale est l'acquisition volumique hélicoïdale en haute résolution avec reconstruction multiplanaire.
IV. INDICATIONS NEUROCHIRURGICALES À LA PHASE PRÉCOCE (hors pose de capteur de pression intracrânienne)
Les indications neurochirurgicales formelles à la phase précoce du TC grave sont :
Un hématome intracérébral ou une contusion hémorragique, d'un volume supérieur à 15 ml, avec déplacement de la ligne médiane supérieur à 5 mm et oblitération des citernes de la base, devrait être évacué le plus précocement possible.
Une embarrure fermée compressive (épaisseur > 5 mm, effet de masse avec déplacement de la ligne médiane > 5 mm) devrait être opérée.
Dans tous les cas, le volet est préférable au simple trou de trépan.
Le drainage de LCR à partir de ventricules de volume normal ou petit semble être utile à la phase aiguë du TC pour le contrôle de l'hypertension intracrânienne.
La lobectomie peut être préférable dans certains cas à l'évacuation d'un hématome ou d'une contusion (à la condition qu'elle intéresse la région traumatisée, siège de l'hémorragie).
La craniectomie décompressive semble être utile à la phase aiguë du TC grave dans des situations extrêmes d'hypertension intracrânienne non contrôlée.
La mesure de la pression intracrânienne est une aide pour la décision de ces indications neurochirurgicales.
L'ensemble de ces conclusions s'applique à l'enfant et à l'adulte.
Tout patient TC grave doit bénéficier dès la phase initiale d'une intubation trachéale avec ventilation contrôlée (grade B).
Le ventilateur doit être réglé pour obtenir une PaO2 au moins supérieure à 60 mmHg et une PaCO2 entre 35 et 40 mmHg (grade B). L'hyperventilation (PaCO2 ¾ 35 mmHg) devrait être évitée durant les 24 premières heures après le TC. En l'absence d'hypertension intracrânienne une hyperventilation doit toujours être évitée.
Les aspirations trachéales peuvent entraîner une élévation de la pression intracrânienne et doivent être précédées d'une préoxygénation et être limitées en durée (grade C).
L'utilisation d'une ventilation en pression expiratoire positive (PEP) jusqu'à 15 cmH2O et la modulation des paramètres de ventilation peuvent être proposées si nécessaire pour atteindre les objectifs de PaO2, à condition de contrôler le retentissement de ces nouvelles conditions sur la PaCO2 et la pression artérielle (grade C).
VI. SEDATION ET CURARISATION EN DEHORS DU TRAITEMENT D'UNE HYPERTENSION INTRACRANIENNE
La sédation est préconisée dès la prise en charge initiale des TC graves (grade C). Les objectifs de cette sédation incluent :
La maîtrise de ces éléments participerait à la stabilisation de l'état hémodynamique cérébral et au maintien de l'équilibre entre apport et demande cérébrale en O2.
Le choix des drogues se fait après évaluation du patient en se fondant sur une bonne connaissance de la pharmacologie des médicaments employés. Il importe d'éviter une chute de pression artérielle, l'objectif étant de préserver une pression artérielle systolique au moins supérieure à 90 mmHg (grade C). La sédation associe le plus fréquemment benzodiazépines et morphinomimétiques.
Il n'y a aucune donnée de la littérature concernant la durée nécessaire de la sédation des TC graves. En l'absence de mesure de la pression intracrânienne, on peut proposer de réévaluer l'indication de la sédation une fois par 24 heures (fenêtres thérapeutiques).
La seule indication spécifique de la curarisation chez le TC grave est le contrôle d'une hypertension intracrânienne qui serait due à une mauvaise adaptation au ventilateur malgré une sédation optimale.
VII. MONITORAGE ENCEPHALIQUE DU TRAUMATISE CRANIEN GRAVE
L'intérêt du monitorage encéphalique dans la prise en charge du TC grave n'a jamais donné lieu à un essai clinique prospectif randomisé, afin d'établir son efficacité (ou son absence d'efficacité) pour améliorer le pronostic du traumatisme crânien sévère. Par conséquent, il n'existe pas de données suffisantes pour recommander un monitorage encéphalique standard.
Malgré l'absence de données fondées sur une méthodologie scientifiquement rigoureuse, il existe une importante expérience clinique publiée indiquant que le monitorage de la PIC :
Par conséquent, le monitorage de la PIC est utilisé par la plupart des experts du TC et est accepté comme une intervention à faible risque, à haut rendement et de coût raisonnable.
Le monitorage systématique de la PIC est recommandé chez les patients présentant un TC grave :
Chez les patients avec TC grave (GCS ¾ 8) avec une TDM cérébrale normale, un âge inférieur à 40 ans, pas de déficit moteur et un état hémodynamique stable, le risque d'HIC est beaucoup plus faible et doit conduire à discuter au cas par cas l'indication d'un monitorage de la PIC.
Dans tous les cas, le monitorage de la PIC doit être couplé au monitorage de la pression artérielle moyenne (PAM), avec calcul de la pression de perfusion cérébrale (PPC = PAM - PIC).
Concernant la technique de mesure de la PIC, dans l'état actuel de la technologie:
Malgré l'intérêt potentiel du monitorage cérébral par DTC après TC, aucune donnée de la littérature ne permet actuellement de recommander son utilisation. Compte tenu de son caractère non invasif, la réalisation d'études prospectives évaluant l'apport du DTC pour la prise en charge des TC, en particulier pour le diagnostic et le suivi du traitement d'une HIC et d'un éventuel vasospasme cérébral, est justifiée.
La SjO2 semble un bon indicateur de l'oxygénation cérébrale, bien que cette méthode présente des difficultés techniques et des limites d'interprétation. La mesure de la SjO2 permet de détecter, au lit du patient, la survenue d'épisodes d'ischémie cérébrale, ou de situations à risque d'ischémie cérébrale, dont bon nombre seraient accessibles à une adaptation thérapeutique simple. Sa mesure pourrait aussi permettre d'adapter certains choix thérapeutiques. La survenue d'épisodes de désaturation jugulaire semble étroitement corrélée à un devenir péjoratif et l'incidence des épisodes de désaturation paraît suffisamment élevée pour justifier les risques minimes du cathétérisme. Cependant, une étude prospective évaluant l'effet du monitorage de la SjO2 après TC sur le devenir des patients serait nécessaire avant de pouvoir recommander l'utilisation de cette technique.
L'EEG est la méthode de détection de crises épileptiques ne donnant pas lieu à des manifestations cliniques, en particulier convulsives. Il doit être effectué chaque fois que de telles crises sont suspectées. Il peut ainsi être recommandé pour la surveillance des TC graves sédatés et curarisés.
Les potentiels évoqués n'apportent rien dans la prise en charge thérapeutique des TC graves à la phase initiale.
VIII. PRISE EN CHARGE DE L'HYPERTENSION INTRACRANIENNE
Les limites de l'HIC à partir desquelles une thérapeutique doit être instituée sont difficiles à déterminer. Les données de la littérature conduisent à recommander d'instaurer un traitement spécifique pour des chiffres de PIC supérieurs à 20-25 mmHg.
Dans certaines situations, un seuil de PIC plus élevé peut être toléré, à condition que la PPC soit maintenue. La PPC est le gradient de pression qui permet le flux sanguin cérébral. Elle peut être considérée comme égale à la différence [pression artérielle moyenne - pression intracrânienne]. L'autorégulation du débit sanguin cérébral permet normalement le maintien d'un débit sanguin cérébral stable malgré des variations de la PPC entre environ 50 et 150 mmHg.
Cependant, lorsque la PPC évolue en dehors de ces limites, ou si l'autorégulation est altérée, ce qui s'observe parfois après TC grave, la PPC devient le déterminant principal du débit sanguin cérébral.
Le maintien d'une PPC supérieure à 70 mmHg pourrait être recommandé car il semble associé à une réduction de la morbidité et de la mortalité. Il faut néanmoins souligner qu'aucune étude ne démontre l'efficacité du maintien actif de la PPC au-dessus de 70 mmHg.
Une fois reconnue l'importance de la PPC, la question du seuil de PIC apparaît plus étroitement liée au risque d'engagement cérébral, variable d'un patient à l'autre, et pour un même patient, en fonction des différentes thérapeutiques utilisées.
Il n'existe pas de données disponibles spécifiques à l'enfant en ce qui concerne les limites de PIC ou de PPC.
Le traitement de l'HIC comporte de multiples aspects. En règle générale, les différentes modalités thérapeutiques sont introduites après avoir évalué leurs avantages et inconvénients respectifs pour chaque patient et adaptées aux objectifs fixés en terme de PIC et de PPC. Dans tous les cas, une lésion chirurgicalement curable doit être recherchée, au besoin par la répétition de la TDM cérébrale.
Mesures générales
Lutte contre l'hyperthermie ; éviter la gêne au retour veineux jugulaire ; oxygénation adéquate (grade B) ; normocapnie (limite basse : 35 mmHg) (grade B) ; prophylaxie des convulsions ; maintien d'une volémie optimale afin d'obtenir une PPC de 70 mmHg ou plus ; sédation, analgésie (voire curarisation) ; élévation de la tête du lit, sans dépasser 30°.
Drainage contrôlé du liquide céphalorachidien
Après l'institution des mesures générales, si un monitorage de la PIC est décidé, le drainage contrôlé du LCR par le système de mesure par voie intraventriculaire est la première mesure à utiliser pour le contrôle de l'HIC. Ce drainage du LCR doit être contrôlé, pour éviter un drainage excessif, en maintenant la PIC à la limite supérieure des objectifs fixés.
Thérapeutiques spécifiques de l'hypertension intracrânienne
Thérapeutiques de l'hypertension intracrânienne réfractaire
Dans le cadre de l'HIC réfractaire, seuls les barbituriques sont d'efficacité prouvée (grade C). Les complications potentielles de ce traitement imposent l'utilisation d'un monitorage hémodynamique approprié. En France, la molécule utilisée dans ce cadre est le thiopental. Les posologies sont adaptées en fonction de leurs effets sur la PIC et en fonction de leurs taux circulants (maximum 30 µg/ml chez l'adulte, 50 µg/ml chez l'enfant).
D'autres thérapeutiques ont été proposées, mais n'ont pas fait la preuve indiscutable de leur efficacité :
IX. PRISE EN CHARGE DU MULTITRAUMATISE
Des lésions extracérébrales associées doivent être systématiquement recherchées chez tout TC grave. Leur description précise permet de hiérarchiser les urgences et les priorités thérapeutiques (grade C). Les lésions extracérébrales sont particulièrement suceptibles d'engendrer des agressions cérébrales secondaires d'origine systémique (ACSOS) dont la prévention et le traitement rapide sont indispensables à toutes les étapes de la prise en charge. Dans ce cadre, les filières de soins ont un rôle à jouer (grade C).
Concernant la stratégie de prise en charge d'un
multitraumatisé avec TC grave, les données de la
littérature sont insuffisantes pour formuler des
recommandations fondées sur un niveau de preuve scientifique
élevé.
On peut cependant conclure que :
La prise en charge de l'anesthésie pour lésions extracérébrales doit tenir compte des éléments suivants :
Le transfert d'un TC grave représente une période à risque de complications vitales. L'indication doit être soigneusement pesée au regard du bénéfice attendu du transfert. La continuité des soins et de la surveillance doit être assurée.
La prise en charge d'un enfant multitraumatisé avec TC grave ne diffère pas fondamentalement de celle de l'adulte multitraumatisé et il n'y a pas de base scientifique pour préconiser une prise en charge différente. Il semble néanmoins souhaitable de diriger ces enfants vers une structure où sont disponibles neurochirurgie et réanimation pédiatrique, le pronostic en étant probablement amélioré (grade C).
X. TRAITEMENT PROPHYLACTIQUE DES CRISES CONVULSIVES
La prévention systématique des crises convulsives tardives (survenant au moins 7 jours après le TC) par la phénytoïne, la carbamazépine ou le phénobarbital n'est pas recommandée (grade A).
Il n'existe aucune donnée scientifique prouvant que la prévention des convulsions précoces (7 premiers jours après TC) améliore le pronostic. Cependant, l'administration prophylactique d'anticonvulsivants peut être utile chez les patients à haut risque. Les facteurs de risque des convulsions post-traumatiques précoces incluent :
La phénytoïne et la carbamazépine sont efficaces pour prévenir les convulsions post-traumatiques précoces (grade A). Il n'existe pas de données concernant le rôle de la sédation par benzodiazépines dans ce cadre.
CONCLUSIONS
L'évolution de la prise en charge des TC graves ces dernières années a été marquée par les progrès de l'imagerie et de la réanimation. Les indications opératoires sont mieux définies.
La coexistence de " lésions primaires " directement liées au traumatisme et de " lésions secondaires " ischémiques nécessite une prise en charge pluridisciplinaire, dans laquelle urgentistes, anesthésistes, radiologues, réanimateurs et neurochirurgiens sont impliqués.