Le concept de réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC), élaboré à la fin du XXème siècle par Kehlet et son équipe pour la chirurgie colorectale a, aujourd’hui, largement diffusé à toutes les spécialités chirurgicales et personne ne conteste son efficacité. Les atouts qui ont favorisé l’adhésion des différents acteurs sont sa facilité d’application (par exemple, donner une boisson sucrée ou amener un plateau repas), et son universalité ; tous les patients opérés d’une même procédure chirurgicale peuvent bénéficier du même programme RAAC. Cependant, bien qu’ils aient fait la preuve de leur efficacité pour réduire le taux de complications postopératoires, ils échouent, au moins partiellement, dans un nombre non négligeable de cas. Ainsi, par exemple, entre 1 patient sur 5 et 1 patient sur 6 continue de présenter des complications postopératoires après une chirurgie colorectale. Cela signifie que des patients « ne répondent pas » au programme RAAC, ou, a minima, que celui-ci n’est pas suffisant chez certains pour éviter toute complication. Identifier ces patients en préopératoire et leur proposer un « complément » au parcours de soins RAAC est probablement le nouvel enjeu pour permettre d’améliorer encore la qualité des soins en chirurgie.
A l’aube du XXIème siècle, Fried et ses collègues identifiaient un phénotype particulier chez les sujets âgés : la Fragilité. Cinq critères permettent de le caractériser : une faiblesse musculaire; une vitesse de déplacement inférieure à 0,8 m/s (soit <250 m parcourus en 6 minutes); une faible activité physique; un sentiment d’épuisement et une perte de poids involontaire >5% en un an. A l’issue de l’interrogatoire et de l’examen, les patients sont classés en 3 catégories : non-fragile (0 critère), à risque de fragilité (1 à 2 critères), et, fragile (au moins 3 critères). Chaque patient peut à l’occasion d’un stress (comme une chirurgie) basculer d’une catégorie à l’autre.
A la même époque où Kehlet conceptualisait cette révolution copernicienne pour la prise en charge des patients en chirurgie, Older montrait que, pour une chirurgie donnée, la morbi-mortalité postopératoire était corrélée à la VO2 max mesurée en préopératoire. Plusieurs études ont confirmé ce lien et ont montré que, par exemple, parcourir une distance inférieure à 440 mètres en 6 minutes exposait à un risque accru de complications postopératoires, et que plus la distance était faible, plus la fréquence et la gravité des complications postopératoires étaient importantes. Le lien entre la fragilité et les travaux de Older est évident : le niveau de capacités fonctionnelles du patient en préopératoire est un déterminant important de son avenir. Plusieurs études montrent que le niveau de fragilité préopératoire est un facteur prédictif de mortalité après une chirurgie supérieure à la classe ASA. Identifier les patients fragiles, et, peut-être plus encore les patients « à risques » de fragilité doit devenir un des éléments de la consultation d’anesthésie, au même titre que l’évaluation préopératoire d’une éventuelle coronaropathie ou de l’équilibre glycémique d’un patient diabétique. De plus, des travaux montrent que le simple fait d’identifier ces patients en préopératoire, et de les intégrer dans un parcours de soins dédié, réduit de manière importante la mortalité postopératoire.
Cependant, nous savons bien qu’il ne suffit pas de soulever un problème pour qu’il soit résolu. Plein de questions concernant la Fragilité reste à résoudre. Quels sont les outils à notre disposition pour évaluer la Fragilité ? Pour quels types de procédures, doit-on chercher à « optimiser » le patient en préopératoire ? Comment l’optimiser ? Quelle gestion peropératoire ? Quel parcours en postopératoire ? L’objectif des membres de la COPP, c’est, à travers des newsletters régulières, de vous proposer des synthèses avec des éléments de réponses à ces différentes questions.