Récemment, est apparu dans l’arsenal thérapeutique une « nouvelle molécule » : la eskétamine. Initialement, elle était indiquée chez les adultes pour le traitement des épisodes dépressifs caractérisés résistants n’ayant pas répondu à au moins deux antidépresseurs différents au cours de l’épisode dépressif actuel modéré à sévère (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3191469/fr/spravato-esketamine). Nous ne rentrerons pas dans les détails de l’intérêt de cette thérapeutique dans cette indication, mais de la psychiatrie à l’anesthésie réanimation médecine péri opératoire il n’y a qu’un pas, et il serait tentant de s’approprier cette molécule qui nous semble familière. C’est ce qui a été fait par les autorités en donnant un avis favorable au remboursement dans les indications suivantes :
- induction et maintien de l’anesthésie générale, comme seul anesthésique ou en association avec des hypnotiques ;
- anesthésie et soulagement de la douleur (analgésie) en médecine d’urgence ;
- contrôle de la douleur liée à la respiration artificielle (intubation).
Un avis défavorable a été donné au remboursement en adjuvant d’une anesthésie régionale ou locale, au regard des alternatives disponibles (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3282241/fr/esketamine-idd-5-mg/ml-et-25-mg/ml-esketamine).
Cependant, cette molécule n’apporte, pour le moment, pas de progrès dans la prise en charge (qui comprend la kétamine) dans l’induction et le maintien de l’anesthésie générale, en anesthésie et soulagement de la douleur en médecine d’urgence et le contrôle de la douleur liée à la respiration artificielle.
L’HAS considère le Service Médical Rendu (SMR) comme insuffisant : « Le service médical rendu par ESKETAMINE IDD (eskétamine) est insuffisant dans le traitement adjuvant d’une anesthésie locale ou régionale, pour une prise en charge par la solidarité nationale et au regard des alternatives disponibles ». Quant à l’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) elle est classée V (c’est-à-dire absence d’ASMR). En effet, la Commission de la Transparence considère que l’eskétamine n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu dans la stratégie thérapeutique (qui comprend la kétamine) :
- de l’induction et du maintien de l’anesthésie générale,
- comme seul anesthésique ou en association avec des hypnotiques.
- en anesthésie et soulagement de la douleur en médecine d’urgence.
- du contrôle de la douleur liée à la respiration artificielle.
La littérature est pour le moment encore peu fournie pour juger de la plus-value ou non de cette nouvelle formulation. Le coût est plus important que la kétamine. En outre, s’ajoute à cela le risque d’erreur médicamenteuse qui existe déjà avec la kétamine 50 mg et 250 mg. Ce risque serait potentiellement aggravé par la coexistence de eskétamine (forme et couleur des ampoules). Ce risque pousserait les pharmacies hospitalières à complétement substituer la kétamine par la eskétamine.
En résumé, d’autres études sont nécessaires afin de trancher quant au bénéfice par rapport à la formulation de base avant de l’utiliser quotidiennement dans nos institutions.
Pr. Vincent MINVILLE – Comité CD-ALR de la SFAR
Pôle Anesthésie – Réanimation – Médecine Péri Opératoire
Centre Hospitalier et Universitaire de Toulouse
RESTORE, UMR 1301 Inserm – 5070 CNRS – Université Paul Sabatier, Université de Toulouse, Toulouse, France.
1, avenue du Pr Jean Poulhès
TSA 50032 – 31059 Toulouse Cedex.
France.