Mis en ligne le 9 Août 2010
Questions Fréquentes
Pierre-Yves Dewandre, Anne-Sophie Ducloy-Bouthors, Dan Benhamou, Frédéric J. Mercier
Question 1 – Sur quels critères peut-on évaluer le risque thrombotique veineux en post-partum ?
Question 2 – Quelle prévention antithrombotique (doses et durée) en période du post-partum selon les catégories de risque ?
Question 3 – Quels examens faut-il faire pour établir le diagnostic de thrombose veineuse ?
Question 4 – Quels examens faut-il faire pour établir le diagnostic d’embolie pulmonaire ?
Question 5 – Peut-on faire une scintigraphie et un angioscanner et/ou utiliser des produits de contraste iodés en cas d’allaitement maternel ?
Question 6 – Devant quels signes doit-on penser à la thrombophlébite pelvienne ?
Question 7 – Quelles thérapeutiques pour le traitement de l’embolie pulmonaire cruorique ?
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Question 1 – Sur quels critères peut-on évaluer le risque thrombotique veineux en post-partum ?
La grossesse représente un facteur de risque multipliant par 5 le risque de MTEV par rapport à la population générale. La césarienne, particulièrement lorsqu’elle est réalisée en urgence s’accompagne d’un risque 2 à 5 fois supérieur de MTEV. S’y ajoutent un certains nombres de facteurs de risques additionnels permettant de catégoriser le risque de MTEV en faible, modéré, élevé ou majeur (1).
Risque majeur | – Antécédent de MTEV multiples– Malades traitées au long cours par anticoagulants avant la grossesse pour un épisode de MTEV en rapport avec une thrombophilie |
Risque élevé | – Antécédent de MTEV, sans facteur de risque retrouvé– Antécédent de MTEV associé à l’un des facteurs biologiques de risque suivants • déficit en AT*, SAPL*
• mutation homozygote isolée 20210A ou FV Leiden • anomalies hétérozygotes combinées * (surtout mutation 20210A + Leiden hétérozygote) – Antécédent de MTEV lors d’une grossesse antérieure ou au cours d’un traitement oestrogénique |
Risque modéré | – Antécédent de MTEV, avec facteur déclenchant temporaire lors de l’épisode antérieur– Antécédent de MTEV avec facteur biologique de risque (autre que ceux cités ci-dessus)– Présence d’un des facteurs biologiques de risque, asymptomatique et dépisté dans le cadre d’une MTEV familiale, surtout si :
• déficit en AT*, SAPL* • mutation homozygote isolée 20210A ou FV Leiden • anomalies hétérozygotes combinées * (surtout mutation 20210A + Leiden hétérozygote) – Césarienne en urgence – Césarienne et chirurgie pelvienne majeure associée – Présence de ≥ 3 facteurs de risque faible |
Risquez faible | – Aucun facteur de risque– ou présence de < 3 facteurs suivants :• âge > 35 ans, obésité (IMC > 30 ou poids > 80 kg), varices, HTA
• facteurs obstétricaux : césarienne, multiparité > 4, pré-éclampsie, alitement strict prolongé, hémorragie du post-partum, etc.) • maladie thrombogène sous-jacente (syndrome néphrotique, MICI en poussée, infection intercurrente systémique, etc.) |
- Pour les formes asymptomatiques de SAPL et de déficit en antithrombine, l’évaluation du risque est établie au cas par cas selon notamment l’importance des antécédents familiaux. IMC : indice de masse corporelle ; MICI : maladie inflammatoire chronique de l’intestin.
Question 2 – Quelle prévention antithrombotique (doses et durée) en période du post-partum selon les catégories de risque ?
En fonction des catégories de risque, la stratégie prophylactique suivante à été proposée. (1)
Question 3 – Quels examens faut-il faire pour établir le diagnostic de thrombose veineuse ?
Une thrombose veineuse profonde sera suspectée devant un tableau clinique évocateur incluant gonflement, rougeur et température accrue d’un membre inférieur. Néanmoins, en péripartum plus que dans d’autres situations, le diagnostic clinique est peu fiable et un diagnostic objectif est crucial.
L’examen paraclinique de première intention est l’échographie-Doppler. En cas de confirmation du diagnostic, l’anticoagulation sera initiée ou poursuivie.
Un échographie-Doppler négatif associé à une suspicion clinique faible, permettra l’abstention ou l’arrêt thérapeutique. Un échographie-Doppler négatif associé à une forte suspicion clinique conduira à la poursuite du traitement et à un nouvel examen dans les 7 jours .
L’apport des D- Dimères est peu contributif en péripartum vu leur élévation physiologique dans ce contexte. Les autres examens complémentaires utiles comprennent la phlébographie, la vénographie par CT scan et la visualisation direct du thrombus par résonance magnétique (MRIDTI : Magnetic Resonance Direct Thrombus Imaging), ces dernières techniques étant particulièrement utiles pour la visualisation des veines iliaques) (2,3).
Question 4 – Quels examens faut-il faire pour établir le diagnostic d’embolie pulmonaire ?
L’embolie pulmonaire sera suspectée devant un tableau de dyspnée, tachypnée, douleur thoracique, hémoptysie et tachycardie. Son caractère massif sera suspecté en cas de cyanose, d’état de choc voire d’arrêt cardiorespiratoire.
Cette suspicion clinique sera renforcée par la présence d’une image S1Q3 à l’ECG de même que l’existence d’une hypoxie et d’une hypocapnie prononcée à l’analyse des gaz du sang (l’hypocapnie modérée est physiologique avec le développement de la grossesse).
L’échographie cardiaque sera contributive lorsqu’elle démontrera des signes de cœur droit aigu et d’HTAP.
L’apport des D- Dimères est peu contributif en péripartum, vu leur élévation physiologique dans ce contexte.
En cas de forte suspicion clinique et en l’absence de contre-indication, il faut considérer l’instauration du traitement anticoagulant avant la confirmation du diagnostic par une technique d’imagerie appropriée.
La confirmation du diagnostic repose sur la scintigraphie de ventilation/ perfusion ou sur l’angioscanner (souvent plus facile à obtenir en urgence).
En cas de coexistence de signes cliniques de TVP et d’EP, le premier examen à réaliser est l’échographie-Doppler des membres inférieurs. Sa positivité permet d’affirmer le diagnostic d’embolie pulmonaire (2,3).
Question 5 – Peut-on faire une scintigraphie et un angioscanner et/ou utiliser des produits de contraste iodés en cas d’allaitement maternel ?
La scintigraphie ventilation-perfusion est possible chez la femme enceinte et chez la femme qui allaite. Il n’est pas nécessaire d’interrompre l’allaitement car le marqueur se bloque dans la circulation pulmonaire ; 2% seulement passent dans la circulation générale et ne sont pas excrétés dans le lait. Sa seule contre-indication est le shunt droit-gauche massif.
L’angioscanner est possible chez la femme enceinte et chez la femme qui allaite sans restriction car l’irradiation est inférieure à 2mSv.
L’effet des marqueurs iodés est plus discuté : il a été démontré un passage transplacentaire avec diffusion à l’ensemble des tissus fœtaux dont la thyroïde et donc un risque d’hypothyroïdie transitoire et d’augmentation de la TSH. Mais ces incidents concernent surtout les angiographies où la charge iodée est importante. En post-partum, la glande mammaire concentre le produit avec passage à l’enfant allaité, mais les conséquences sont infracliniques.
Question 6 – Devant quels signes doit-on penser à la thrombophlébite pelvienne ?
La thrombophlébite des veines ovariennes est une complication sournoise des accouchements par voie basse ou plus souvent des césariennes. Son diagnostic doit être évoqué en cas de douleur pelvienne et/ou de fièvre récurrente rebelle au traitement antibiotique. Le scanner abdominal (ou l’IRM) permet de confirmer le diagnostic et identifie éventuellement le caractère flottant du caillot dans la veine cave inférieure. Le traitement doit être débuté en urgence pour éviter les complications graves que sont l’extension à la veine cave, aux veines rénales et aux veines iliofémorales, l’infarctus ovarien, l’embolie pulmonaire et le choc toxi-infectieux avec défaillance multiviscérale. Il associe une antibiothérapie par voie intraveineuse à large spectre intégrant le staphylocoque et une anticoagulation efficace.
Question 7 – Quelles thérapeutiques pour le traitement de l’embolie pulmonaire cruorique ?
- Le traitement curatif initial des thromboses veineuses profondes et/ ou des embolies pulmonaires non massives sera : HBPM 2 X 100 UI/kg par voie sous cutanée.
- En cas d’embolie pulmonaire massive chez une femme enceinte ou en post-partum
Protocole de thrombolyse = Actilyse : 100 mg en deux heures : 10 mg IV lente en 2 minutes puis 90 mg en SAP en 2 heures (si < 65kg, ne pas dépasser 1,5 mg/kg = 75mg pour 50 kg). Si accouchement dans les six heures précédentes ou qui suivent = préférer l’embolectomie chirurgicale ou la thrombolyse in situ.
Héparinothérapie : à débuter en première intention ou après la thrombolyse dès que le TCA est inférieur à 2 fois le témoin.
Héparine non fractionnée: 100UI /kg en bolus puis 300 à 500 UI/kg/j
[Par ex., chez une femme de 100kg : 10 000UI en bolus, puis 30 000 à 50 000 UI/j]
Contrôle TCA 4 heures après le début de la SAP pour un TCA entre deux et trois fois le témoin. Adaptation posologie selon TCA.
Traitement de la décompensation cardiaque droite : par dobutamine 5 mcg/kg/min.
Intégrer le risque hémorragique = embolisation ou ligature des artères utérines si les risques thrombotique et hémorragique sont conjugués.
- Anticiper = disposer d’Actilyse dans les maternités.
Références
- SFAR. Prévention de la maladie thromboembolique veineuse périopératoire et obstétricale. RPC 2005.
- Greer I.A. & Thomson A.J. Management of venous thromboembolism in pregnancy. Best Practice & Research Clinical Obstetrics and Gynaecology. 2001; 15 (4) : 583-603.
- Chunilal S.D. & Bates S.M. Venous thromboembolism in pregnancy: diagnosis, management and prevention. Thromb Haemost 2009; 101: 428-438.
Pierre-Yves Dewandre, Anne-Sophie Ducloy-Bouthors, Dan Benhamou, Frédéric J. Mercier