Mis en ligne le 16 Mai 2013 et modifié le 29 Mai 2013
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Complément du communiqué du 6 février 2013
Limitation de la prescription de codéine chez l’enfant
Après le retrait du dextropropoxyphène et l’éclairage de l’ANSM (Agence Nationale pour la Sécurité du Médicament) sur les risques liés à l’utilisation abusive dans certains pays du tramadol, les antalgiques de palier 2 sont de nouveau dans la tourmente. La publication simultanée d’un article (N Engl J Med 2013 ; april 24), d’une recommandation de la FDA (« food and drug administration » américaine) le 20 février 2013 et d’une alerte de l’ANSM le 12 avril 2013, a pour conséquence la limitation des prescriptions analgésiques de codéine chez l’enfant et son interdiction chez la femme allaitant.
Enquête à l’échelle des agences européennes.
Le Comité pour l’Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence Européenne du Médicament (EMA) a diligenté une enquête fin 2012 afin d’évaluer le rapport bénéfice/risque des médicaments à base de codéine utilisés comme antalgiques chez l’enfant (http://www.ema.europa.eu). En effet, quelques cas de dépressions respiratoires ayant exceptionnellement été associés au décès du patient ont été décrits chez des enfants ayant reçu ce médicament. Cet évènement grave n’est pas toujours lié à la dose mais le plus souvent, au métabolisme de la codéine chez des patients « métaboliseurs ultrarapides ». Dans l’attente des résultats de cette enquête, l’ANSM recommande de n’utiliser la codéine chez l’enfant de plus de 12 ans qu’après échec du paracétamol et/ou des AINS, de ne plus utiliser ce produit chez les enfants de moins de 12 ans, de ne plus utiliser ce produit après amygdalectomie ou adénoïdectomie(du fait du facteur aggravant du syndrome d’apnée obstructif du sommeil), de ne plus utiliser ce produit chez la femme qui allaite.
Explications d’ordre génétique.
Pour être efficace, la codéine doit être activée et donc transformée en morphine au niveau hépatique par O-déméthylation, grâce au cytochrome P2D6 (N Engl J Med 2004 ; 351 : 2827-31). Chez les individus bons métaboliseurs, (EM : extensive metabolizers, environ 70% des caucasiens), leur activité enzymatique normale permet de produire de la morphine, dont la proportion correspond à environ 10% de la dose de codéine. On distingue toutefois trois autres groupes : les métaboliseurs intermédiaires, à l’activité enzymatique diminuée (environ 10 à 15% des caucasiens) mais surtout les métaboliseurs lents (PM : poor metabolizers, 5 à 10% des sujets caucasiens) et les métaboliseurs ultrarapides (ultrarapid metabolizers : UM, environ 1 à 10% des caucasiens). Les patients porteurs de ce profil génétique sont donc susceptibles de développer une production augmentée de morphine et donc un risque d’intoxication sévère avec dépression respiratoire pour des posologies standardisées. Ce risque a été souligné il y a plus de 15 ans chez l’adulte par une équipe suédoise (Ther Drug Monitor 1997 ; 19 : 539-42) et plus récemment chez des enfants recevant ce médicament en postopératoire, voire même après allaitement lorsque la mère (UM) était traitée par de la codéine. Le risque est encore plus important dans certaines populations africaines (telles que les éthiopiens) dont le taux d’UM est bien plus élevé. La détermination du profil génétique n’est pas à faire en routine, aujourd’hui.
Quelle(s) alternative(s) ?
Aucune alternative thérapeutique n’a été proposée jusqu’à présent. Compte tenu des difficultés de prise en charge de certaines douleurs modérées à sévères chez l’enfant, en particulier après amygdalectomie, il serait urgent que l’ANSM réunisse un groupe d’experts issus des Sociétés Savantes concernées, afin d’établir des recommandations de substitution.
Pr Frédéric Aubrun, Dr Hélène Beloeil.
Comité Douleur/ALR SFAR 14 mai 2013