L’anémie péri-opératoire (généralement par carence martiale) et la transfusion sont des facteurs indépendants qui augmentent le risque de morbi-mortalité en chirurgie majeure. La gestion du capital sanguin (ou PBM : Patient Blood Management) est une démarche organisationnelle innovante qui permet d’optimiser la prise en charge des patients devant avoir une intervention chirurgicale à risque hémorragique.
La HAS a publié en 2022 des recommandations en péri-opératoire et en obstétrique [1], pour le dépistage et le traitement d’une anémie (et/ou carence martiale) afin d’éviter la transfusion. Malgré l’intérêt majeur pour les patients et le bénéfice médico-économique potentiel, ces recommandations ne sont pas encore assez largement adoptées. Comme l’a rappelé l’OMS [2], il est pourtant urgent de mettre en place ces mesures, qui se heurtent à de nombreux freins [3].
Les freins classiques sont comme toujours les dogmes, les vieilles habitudes et la résistance au changement qui nécessitent un fort leadership de plusieurs acteurs. Plus que la connaissance réelle de ces recommandations, c’est le manque de sensibilisation de tous les acteurs à cette thématique : les patients, les autorités sanitaires, les sociétés savantes et tous les professionnels de la santé y compris les administratifs. La mise en œuvre du PBM est donc un défi tant en raison du nombre de ses items à appliquer tout au long du parcours patient que de la nécessité de coordonner ses acteurs pluridisciplinaires. Enfin la transfusion est encore trop souvent considérée comme le seul traitement efficace et rapide de l’anémie alors qu’elle est un facteur indépendant de morbi-mortalité peri-opératoire.
Ainsi, pour lever ces barrières et généraliser l’implémentation, la mise en avant de l’intérêt médical comme économique, la promotion des recommandations et la formation de tous les acteurs du péri-opératoire au sens large est nécessaire. Cette démarche PBM peut s’appuyer sur les acteurs de la réhabilitation améliorée après chirurgie et ses items doivent être intégrés aux protocoles RAC. Le comité de sécurité transfusionnelle et d’hémovigilance de l’établissement est également un relais utile. Enfin comme toute démarche novatrice, la mise en place se fait progressivement et doit s’accompagner d’objectifs précis évalués régulièrement par un audit et son suivi d’indicateurs.
La HAS et le COPP de la SFAR vont donc vous proposer en 2024 des outils pour vous aider à la mise en place de la gestion du capital sanguin dans vos établissements.
Dr Alexandre THEISSEN, pour le COPP.
Références :
[1] Haute Autorité de Santé. Gestion du capital sanguin en pré, per et post opératoire et en obstétrique. Recommandations de bonne pratique. Juillet 2022. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3193968/fr/gestion-du-capital-sanguin-en-pre-per-et-post-operatoire-et-en-obstetrique
[2] https://www.who.int/publications/i/item/9789240035744
[3] Axel Hofmann, Donat R Spahn, Anke-Peggy Holtorf; PBM Implementation Group. Making patient blood management the new norm(al) as experienced by implementors in diverse countries. BMC Health Serv Res. 2021;21:634.