Mis en ligne le 6 Février 2018
Contexte professionnel
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Comité Optimisation des Parcours Patients
Le développement des différentes approches d’optimisation de l’hospitalisation, à savoir l’ambulatoire et la Réhabilitation Rapide Améliorée après Chirurgie (RRAC), impose une réflexion sur la prise en charge de la douleur à domicile. Plusieurs études ont montré que sa prise en charge, notamment en ambulatoire, était fréquemment insuffisante (1-4) et c’est même une des premières causes de retard de sortie, de ré-hospitalisation ou de consultations extra-hospitalières. Bien que les causes de douleur aigue à domiciles soient multiples, il est important d’insister sur l’importance des protocoles antalgiques (parfois inadaptés) ainsi que de sur l’impact de l’information et de l’éducation des patients (souvent négligées). .
En pratique, chacun des 3 paliers doit avoir sa place dans la prise en charge de la douleur en tenant compte de son intensité prévisible. C’est l’idée du concept d’analgésie multimodale défini dans les années 90 par Henrik Khelet. Celui-ci proposait une combinaison d’antalgiques morphiniques et non-morphiniques agissant de façon complémentaire à différents niveaux des voies de la douleur (5). Sa finalité était d’obtenir une analgésie optimale en réduisant les effets secondaires, particulièrement ceux liés aux morphiniques (concept d’épargne morphinique).
Le schéma classique est d’utiliser des antalgiques de palier I ou II en traitement systématique, en dehors des contre-indications et de prévoir un traitement complémentaire de secours. Ce traitement de secours peut être soit un palier II, soit un palier III (OP3) selon l’intensité prévisible de la douleur postopératoire.
Si la prescription de paliers II ne pose pas de problème particulier, il n’en est pas de même avec les OP3. Les contraintes juridiques encadrant leurs prescriptions n’est pas forcément compatible avec des prescriptions anticipées et à la demande.
Les patients étant vus à la consultation d’anesthésie plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant l’intervention, l’idéal serait :
1) de leur donner une ordonnance permettant une prescription « à la demande »,
2) qu’ils puissent aller chercher le traitement avant l’intervention
3) qu’il ne leur soit délivré qu’un nombre limité de gélules.
Le but de cette lettre est de préciser comment assurer la compatibilité réglementaire des prescriptions dans ce contexte et, éventuellement, de proposer une évolution de la législation.
Que dit la législation sur les conditions de prescriptions d’OP3 ?
Seuls, un médecin, un chirurgien-dentiste (dans le cadre de son activité) ou une sage-femme (dans les limites de la liste autorisée) peuvent prescrire des OP3 (6).
La prescription doit être faite sur des ordonnances sécurisées correspondant à un papier filigrané blanc naturel sans azurant optique, mentions pré-imprimées en bleu, numérotation de lot et carré en micro-lettres. Seuls des éditeurs agréés par l’AFNOR (Association française de normalisation) sont autorisés à les fabriquer (7).
Le rédacteur doit indiquer en toutes lettres le nombre d’unités thérapeutiques par prise, le nombre de prises et le dosage de la spécialité. Le prescripteur peut rédiger l’ordonnance manuellement ou informatiquement (8).
Il est interdit de prescrire ces médicaments pour un traitement d’une durée supérieure à vingt-huit jours. Cette durée peut être réduite pour certains médicaments à 7 ou 14 jours (9).
En ce qui concerne les conditions de délivrance, l’ordonnance est exécutée dans sa totalité ou pour totalité de la fraction du traitement si elle est présentée dans les trois jours suivant sa date d’établissement ou suivant la fin de la fraction précédente. Sinon elle est exécutée uniquement pour la durée de la prescription ou de la fraction de traitement restant à courir. Par conséquent, le pharmacien est tenu de déconditionner la spécialité pour ne délivrer que le nombre exact d’unités thérapeutiques prescrites (10).
Que peut-on faire et ne pas faire ?
Il est donc possible de prescrire des OP3 avec des ordonnances informatisées à condition qu’il s’agisse d’ordonnances sécurisées (AFNOR). Le nombre d’unités thérapeutiques, le nombre de prises et le dosage doivent être notés en toutes lettres. Cette obligation n’est pas applicable à la durée du traitement.
Concernant le nombre de comprimés prescrits, le déconditionnement des OP3 est possible et donc la délivrance d’un nombre limité d’unités thérapeutiques également. Cette pratique semble en accord avec la douleur aigue post-opératoire pour laquelle un petit nombre d’OP3 est souvent nécessaire. Une telle pratique offre également une « alarme » post-opératoire : une consommation importante d’OP3 devant inciter un consultation post-opératoire. Elle permet également d’éviter une auto-médication inadaptée à distance de la chirurgie.
Pour ce qui est de la validité de l’ordonnance, elle doit être exécutée dans les 3 jours suivant sa réalisation. Ce qui a du sens si, le traitement est débuté immédiatement, mais beaucoup moins dans le cas présent, car il existe un délai de fait entre la consultation d’anesthésie et la période postopératoire. Une solution plus appropriée serait de préciser la date de l’intervention sur l’ordonnance avec une mention stipulant que le patient devrait récupérer son traitement, par exemple dans les 3 jours précédents. Il paraît en effet plus judicieux que le patient aille récupérer son traitement dans les jours précédents son hospitalisation. Mais à moins d’antidater l’ordonnance, ce qui n’est pas autorisé, cette solution ne peut être envisagée actuellement.
Au total
Si le protocole est clairement expliqué au patient et les modalités écrites sur l’ordonnance la prescription d’OP3 en postopératoire et au domicile reste compatible avec la législation. Qui plus est, la délivrance d’un nombre limité de forme galénique est une sécurité supplémentaire. Concernant le moment de la délivrance il n’y a pas d’autre solution actuellement que de rappeler au patient de récupérer ses traitements dans les 3 jours suivant la consultation d’anesthésie.
En pratique : |
◼ La douleur au domicile après chirurgie ambulatoire ou en RRAC est sous estimée |
◼ Sa prise en charge doit se faire dans une approche multimodale d’épargne morphinique |
◼ Selon le type de chirurgie, les antalgiques de palier III doivent être envisagés en traitement de secours chez des patients prenant déjà systématiquement des paliers I et/ou II |
◼ La prescription de palier III dans ce contexte doit répondre aux mêmes critères que dans le cadre de la douleur chronique |
◼ La prescription d’un nombre limité de formes galéniques est possible et préférable dans ce contexte. |
◼ Le patient doit récupérer son traitement dans les 3 jours suivant la date de prescription.
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Références
1) Robaux S, Coulibaly Y, Konate B, Boileau S, Cornet C, Dautel G, Laxenaire MC, Bouaziz H. Acute postoperative pain management at home after ambulatory surgery : a French pilot survey of general practitio- ners’views. Anesth Analg, 2002 ; 95 : 1258-62
2) Rawal N, Hylander J, Nydahl PA, Olofsson I, Gupta A. Survey of postoperative analgesia following ambulatory surgery. Acta Anaesthesiol. Scand 1997 ; 41 : 1017-22
3) Beauregard, L, Pomp A, Choiniere M. Severity and impact of pain after day-surgery. Can J Anaesth, 1998 ; 45 : 304-11.
4) Farci BEH, Chung F, Kamming D, Curti B, King S. Thirty percent of patient have moderate to severe pain 24hr after ambulatory surgery : a survey of 5703 patients. Can J Anaesth 2004 ; 51 : 886-91.
5)Kehlet, H.; Dahl, J.B. The value of “multimodal” or “balanced analgesia” in postoperative pain treatment. Anesth. Analg. 1993, 77, 1048–1056.
7) Arrêté du 31 mars 1999 modifié fixant les spécifications techniques des ordonnances mentionnées à l’article R.5194 du code de la santé publique (JORF du 1er avril 1999)