Mis en ligne le 22 juin 2017
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Mise au point CD-ALR

INTRODUCTION

Gabapentine et prégabaline sont deux molécules de la classe des antiépileptiques dont l’efficacité sur la douleur neuropathique a été découvert de façon empirique dès 1965 et qui possède une AMM douleur neuropathique » en France. Ils agissent en réduisant le phénomène de sensibilisation centrale par leur action sur une sous-unité (alpha-2-delta) des canaux calciques. C’est sur ces bases physiopathologiques que leur utilisation en préopératoire c’est largement répandue. Cette utilisation large et facile rapportée par les enquêtes de pratique en France n’est pas toujours en adéquation avec les preuves de littérature scientifique. Ce texte à pour objectif de faire une mise au point sur la balance bénéfice-risque de cette classe thérapeutique.

I. Quelle est l’intérêt des gabapentinoides en péri-opératoire ?

Ces dernières années de nombreuses méta-analyses ont été réalisées. Au total, neufs méta-analyses se sont intéressées à la gabapentine [1-9] et sept à la prégabaline en péri-opératoires [1, 10-14], trois d’entre elles ont également évalué les effets préventifs de la douleur à long terme [9, 11, 15]L’objectif de ce texte est de faire la synthèse de l’ensemble de ces revues.

a. Preuves sur l’efficacité en postopératoire immédiat

La gabapentine administrée en péri-opératoire diminue la consommation de morphine de 15 à 30 mg à 24h [2, 8], cette épargne morphinique est associée à une réduction des nausées, des vomissements et de la rétention urinaire, avec un nombre de patient nécessaire à traiter pour avoir un effet secondaire est respectivement de 25, 6, and 7 [8]. La diminution de l’intensité de la douleur est significative à 24 h mais estimée de faible correspondant à 1,3 point sur une échelle de 10 points [2]. La gabapentine administrée en péri-opératoire diminue la consommation de morphine de 8 mg à 24h [11], cette épargne morphinique est associée à une réduction de 38 % des nausées-vomissements et de 50 % du prurit [11]. La diminution de l’intensité de la douleur est significative à 24 h mais estimée de faible correspondant à 0.34 point sur une échelle de 10 points, L’épargne morphinique est nulle dans les chirurgies mineures et de la tête et du cou [11]. Des analyses en sous-groupes montrent une réduction de l’intensité de la douleur quand la prégabaline est administrée dans les chirurgie classées dans le groupe des chirurgies « pro-nociceptives » comprenant la chirurgie du rachis, les arthroplasties et les amputations [14].

b. Preuves sur la tolérance en postopératoire immédiat

Les effets secondaires des gabapentinoides sont fréquents, spécifiques de cette classe thérapeutique et parfois gênant. C’est ainsi que la littérature rapporte sédation qui est augmenté d’un facteur 2 à 4, des vertiges augmentés de plus de 30% [2, 11, 14]. Pour la prégabaline, se surajoute à ces effets, des troubles visuels à type de diplopie. Une augmentation du risque de dépression respiratoire en association avec les morphiniques a été rapporté chez le volontaires sain.

c. Quelle administration, quelle posologie ?

Il n’a pas été montré d’effet dose-dépendante ni pour la gabapentine, ni pour la prégabaline [8, 11]. La dose médiane dans la littérature utilisée pour la prégabaline est de 150 mg [75- 300]) et la dose médiane de gabapentine de 900 mg [150-1800]. Pours certains auteurs, l’administration est débuté la veille au soir, pour d’autre le matin de l’intervention. Il n’a pas été montré de différence dans l’efficacité, ni la tolérance selon le moment de l’administration. A notre connaissance, aucune étude ne s’est intéressée à une administration préopératoire prolongée.

d. Bénéfice sur l’anxiété préopératoire

La gabapentine et la prégabaline sont actives sur le trouble d’anxiété généralisée. Ce sont des molécules qui sont prescrite set ont une AMM dans cette indication. Leur action anxiolytique a été évaluée en préopératoire avec des résultats controversés. Evaluée à l’aide d’une échelle visuelle analogique, une dose de 1 200 mg de gabapentine présente une activité anxiolytique supérieure au placebo[16] mais se révèle moins efficace que 15 mg d’oxazepam [17]. La prégabaline a été plus explorée est à fait l’objet d’une méta-analyse [18]. L’anxiété préopératoire après administration de prégabaline a été évaluée dans 10 essais contrôles randomisés, la combinaison de ces essais n’a pas montré de diminution significative de l’anxiété préopératoire. Evaluée au moyen d’une échelle numérique, des doses de 300 et 600 mg de prégabaline présentent une action anxiolytique similaire à 10 mg de diazepam [19].

II. Les gabapentinoides en péri opératoires ne préviennent pas la douleur chronique

A ce jour, les gabapentinoides aux doses et aux modalités administrées en péri-opératoire n’ont pas montré d’efficacité à réduire l’incidence de la douleur à long terme. Les trois méta-analyses évaluant l’effet des gabapentinoides à long terme rapportent des résultats contradictoires mais surtout très controversés par la présence de biais de publications majeurs [9, 11, 15]. En effet, aucune de ces méta-analyses à pris en considération de nombreuses études réalisées, non publiées et négatives. Pourtant, ces études sont facilement accessibles sur la base d’enregistrement de clinicaltrial.gov. L’ensemble de ces études non publiés représente prés de 60 % des preuves et viennent d’être regroupées dans une récente meta-analyse qui confirme l’absence d’effet préventif de la pregabaline sur la douleur chronique[20] .

III. Quelle est la place des gabapentinoides par rapport aux autres anti-hyperalgésiques ?

Une des questions fréquemment posée par le clinicien est celle de la comparaison des anti-hyperalgésiques. L’absence d’étude face-face ne permet pas de répondre directement à cette question. Une synthèse comparative des revues de la littérature sur le bénéfice mais également les risques des anti-hyperalgésiques utilisés en péri-opératoire permet de répondre indirectement à cette question. La kétamine est l’anti hyperalgésique de choix pour les raisons suivantes. Premièrement, la kétamine est l’anti hyperalgésique qui présente la meilleure balance bénéfice/ tolérance (Tableau 1). En effet, si la kétamine et les gabapentinoides présentent un bénéficie similaire en terme d’épargne morphinique et de réduction des nausées/vomissements. Les gabapentinoides sont responsables d’une augmentation du risque de sédation, de vertiges et de troubles visuels postopératoires [11, 14] qui limitent grandement leur utilisation, surtout dans le cadre de l’ambulatoire et de la récupération rapide après chirurgie.

IV. Y a-t-il un intérêt à associer plusieurs anti-hyperalgésiques ?

Un audit français mené par le comité douleur de la SFAR a montré que l’association d’anti hyperalgique (gabapentinoide + ketamine) était une pratique fréquente chez les médecins prescripteurs de gabapentinoides. Il est important de préciser que cette pratique n’est pas supportée par des données de la science. A notre connaissance, à ce jour une seule étude a évalué l’intérêt d’associer un gabapentinoide à la kétamine [21]. Cette étude, évaluant l’intérêt d’une combinaison de prégabaline et de kétamine en chirurgie orthopédique de PTH, n’as pas montré de bénéfice de la combinaison que se soit en terme d’épargne morphinique, de diminution des douleurs ou d’hyperalgésie secondaire [21]. L’association de kétamine à d’autres anti hyperalgésiques en péri-opératoire n’est donc pas à utiliser en pratique quotidienne, d’autant plus qu’une telle association pourrait augmenter les effets indésirables.

V. Gestion d’un traitement par gabapentinoides au long cours en anesthésie

Le risque de l’arrêt du traitement antiépileptique prescrit dans le cadre de la douleur neuropathique chronique est d’introduire un déséquilibre dans la thérapeutique antalgique, souvent difficile à mettre en place et à équilibrer. L’arrêt brutal d’un traitement antiépileptique donne lieu à un risque de convulsion. Un syndrome de sevrage a été également été décrit avec les gabapentinoides. Le maintien des antiépileptiques en péri opératoire présente un risque nul, il n’existe pas de risque d’interaction avec les produits d’anesthésie. Le maintien des gabapentinoides en péri opératoire est d’autant plus recommandé qu’un certain nombre d’études ont montré son intérêt dans la diminution de l’hyperalgésie postopératoire. Il a donc été est recommandé de poursuivre en péri opératoire les traitements par antiépileptiques à visée antalgique [22].

CONCLUSION

L’utilisation de gabapentine ou prégabaline en prémédication permet de réduire l’intensité douloureuse des 24 heures, la consommation de morphine et le risque de nausées vomissements. Les deux produits sont néanmoins responsables d’une augmentation du risque de sédation et de vertiges [1-14]. La prégabaline est également responsable de troubles visuels [11, 14]. Il n’y a aucun effet détectable sur la prévention de la douleur chronique post chirurgicale[20]. Si on considère la balance bénéfice/ risque, les gabapentinoides n’ont pas leur place en utilisation systématique, ni en chirurgie ambulatoire. Il n’y a pas de preuve de l’intérêt d’associer les gabapentinoides à la kétamine. L’anti hyperalgésique de choix reste la kétamine.

References

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