Mis en ligne le 5 Février 2008
Questions Fréquentes
Dr Marc Leone
Anesthésie Réanimation
Hôpital Nord MARSEILLE
Question 1 – Quels sont les critères conduisant à considérer le patient en sepsis grave ?
Question 2 – Quels examens bactériologiques sont nécessaires dès le début de la prise en charge ?
Question 3 – A quel moment administrer l’antibiothérapie à large spectre ?
Question 4 – Quels sont les objectifs de la réanimation du patient en sepsis grave ou choc septique ?
Question 5 – Comment prédire la réponse au remplissage ?
Question 6 – Comment gérer la défaillance vasculaire ?
Question 7 – Comment gérer la défaillance cardiaque ?
Question 8 – Que faire devant un choc réfractaire aux catécholamines ?
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Question 1 – Quels sont les critères conduisant à considérer le patient en sepsis grave ?
Le repérage précoce des patients est un point fondamental. Un délai maximum de 90 min est suggéré pour cette phase. Les patients ayant un tableau de réponse inflammatoire systémique accompagnée d’une hypotension et / ou d’une hyperlactatémie sont détectés. Une défaillance d’organe est recherchée : hypoxémie artérielle, oligurie aiguë, créatinine > 2,0 mg·dL-1 (177 µmol·L-1), anomalies de la coagulation, thrombocytopénie, hyperbilirubinémie [1]. L’hyperlactatémie est un critère important puisque l’hypotension à ce stade est inconstante. On parle d’état de choc cryptique [2].
[1] Martin C, Brun-Buisson C. Prise en charge initiale des états septiques graves de l’adulte et de l’enfant. Ann Fr Anesth Reanim 2007 ; 26 : 53-73.
[2] Rivers E, Nguyen B, Havstad S, Ressler J, Muzzin A, Knoblich B, Peterson E, Tomlanovich M ; Early Goal-Directed Therapy Collaborative Group. Early goal-directed therapy in the treatment of severe sepsis and septic shock. N Engl J Med 2001 ; 345 : 1368-1377
Question 2 – Quels examens bactériologiques sont nécessaires dès le début de la prise en charge ?
Une hémoculture est réalisée dès que le diagnostic est suspecté. le traitement ne doit en aucun cas être retardé pour répéter ce prélèvement. Le reste du bilan bactériologique consiste en la réalisation d’un prélèvement bronchique (si la trachée du patient est intubée ou qu’une fibroscopie bronchique est réalisée), un examen cytobactériologique des urines et des prélèvements orientés par l’examen clinique (ponction lombaire…). Selon le tableau clinique, une première antigénurie Legionella est demandée, sachant qu’une seconde est nécessaire 48 h plus tard. Ce bilan est réalisé dans les 60 minutes suivant le diagnostic.
Question 3 – A quel moment administrer l’antibiothérapie à large spectre ?
L’antibiothérapie probabiliste est à large spectre afin d’augmenter les chances d’avoir un traitement actif contre les bactéries responsables de l’infection. Une antibiothérapie probabiliste appropriée est associée à une amélioration de la survie des patients [1,2]. Les antibiotiques sont choisis selon un protocole de service sur les éléments suivants : foyer suspecté, âge, antécédent de traitement antibiotique récent, hospitalisation en cours ou récente, vie en institution médicalisée, immunodépression. L’antibiothérapie probabiliste est réévaluée à la 72ième heure selon les résultats des prélèvements bactériologiques et l’évolution clinique.
L’antibiothérapie probabiliste est administrée dès la première heure après la suspicion diagnostique. Il est démontré que chaque heure de retard d’administration de l’antibiothérapie par rapport au début de l’hypotension diminue la survie du patient de 7,6 % [3]. Ce délai est encore raccourci en cas de syndrome méningé. Il est ici nécessaire de souligner l’importance de vérifier que les antibiotiques sont prescrits mais également administrés. Ceci impose aux structures de prévoir ce type d’événement afin de ne pas retarder la prise en charge.
[1] Leone M, Bourgoin A, Cambon S, Dubuc M, Albanese J, Martin C. Empirical antimicrobial therapy of septic shock patients : adequacy and impact on the outcome. Crit Care Med 2003 ; 31 : 462-467.
[2] Garnacho-Montero J, Garcia-Garmendia JL, Barrero-Almodovar A, Jimenez-Jimenez FJ, Perez-Paredes C, Ortiz-Leyba C. Impact of adequate empirical antibiotic therapy on the outcome of patients admitted to the intensive care unit with sepsis. Crit Care Med 2003 ; 31 : 2742-2751.
[3] Kumar A, Roberts D, Wood KE, Light B, Parrillo JE, Sharma S, Suppes R, Feinstein D, Zanotti S, Taiberg L, Gurka D, Kumar A, Cheang M. Duration of hypotension before initiation of effective antimicrobial therapy is the critical determinant of survival in human septic shock. Crit Care Med 2006 ; 34 : 1589-1596.
Question 4 – Quels sont les objectifs de la réanimation du patient en sepsis grave ou choc septique ?
Les principaux objectifs de la réanimation de ces patients sont constants. Il s’agit de conserver une pression artérielle moyenne > 65 mmHg [1], une diurèse > 0,5 ml/kg·h, de supprimer les signes d’hypoperfusion et de normaliser la saturation centrale veineuse en oxygène (ScvO2 > 70 %) [2]. La diminution de la lactatémie est un bon signe [3]. Il faut donc répéter cet examen.
Bien que ces objectifs puissent être l’objet de débat quand ils sont considérés individuellement, ils constituent un socle commun qui peut être appliqué dans la plupart des structures et sur une majorité de patients. Ces objectifs imposent un équipement minimal du patient qui est posé dès les premières heures (avant 120 minutes) de la prise en charge : un cathéter artériel (fémoral si choc) et une voie veineuse centrale en territoire cave supérieur.
[1] Bourgoin A, Leone M, Delmas A, Garnier F, Albanese J, Martin C. Increasing mean arterial pressure in patients with septic shock : effects on oxygen variables and renal function. Crit Care Med 2005 ; 33 : 780-786.
[2] Rivers E, Nguyen B, Havstad S, Ressler J, Muzzin A, Knoblich B, Peterson E, Tomlanovich M ; Early Goal-Directed Therapy Collaborative Group. Early goal-directed therapy in the treatment of severe sepsis and septic shock. N Engl J Med 2001 ; 345 : 1368-1377.
[3] Nguyen HB, Rivers EP, Knoblich BP, Jacobsen G, Muzzin A, Ressler JA, Tomlanovich MC. Early lactate clearance is associated with improved outcome in severe sepsis and septic shock. Crit Care Med 2004 ; 32 :1637-1642.
Question 5 – Comment prédire la réponse au remplissage ?
L’évaluation de la précharge du patient pour prédire sa réponse au remplissage est certainement l’étape la plus délicate de la prise en charge du patient en sepsis grave. La « Surviving Sepsis Campaign » préconise d’obtenir une pression veineuse centrale (PVC) entre 8 et 12 mm Hg [1]. Toutefois, la PVC est un paramètre dont la pertinence est faible. Une conférence d’experts sur le remplissage vasculaire a estimé qu’une valeur de PVC inférieure à 5 mm Hg laisse augurer d’une réponse positive au remplissage vasculaire [2]. La conférence de consensus française recommande de rechercher des signes d’hypoperfusion cliniques tels que les marbrures. En pratique, de nombreuses équipes utilisent des indices dynamiques fournis par le cathétérisme artériel. La mesure de la variation des pressions systolique ou pulsée (VPP) a une pertinence supérieure à celle de la PVC [2]. Un VPP supérieur à 13 % chez un patient (sédation, ventilation mécanique et absence de troubles du rythme) est un excellent indice de précharge-dépendance [3]. Le test de lever de jambe passif [4] et l’utilisation de l’échocardiographie [5] sont également des aides utiles pour prédire la réponse au remplissage. En tout état de cause, apprécier la réponse prédite au remplissage est indispensable, et chaque équipe doit élaborer un protocole pour atteindre cet objectif.
[1] Dellinger RP, Carlet JM, Masur H, Gerlach H, Calandra T, Cohen J, Gea-Banacloche J, Keh D, Marshall JC, Parker MM, Ramsay G, Zimmerman JL, Vincent JL, Levy MM ; Surviving Sepsis Campaign Management Guidelines Committee. Surviving Sepsis Campaign guidelines for management of severe sepsis and septic shock. Crit Care Med 2004 ; 32 : 858-873.
[2] Teboul JL ; groupe d’experts de la SRLF. [SRLF experts recommendations : Indicators of volume resuscitation during circulatory failure]. Ann Fr Anesth Reanim 2005 ; 24 : 568-576.
[3] Michard F, Teboul JL. Predicting fluid responsiveness in ICU patients : a critical analysis of the evidence. Chest 2002 ; 121 : 2000-2008.
[4] Boulain T, Achard JM, Teboul JL, Richard C, Perrotin D, Ginies G. Changes in BP induced by passive leg raising predict response to fluid loading in critically ill patients. Chest 2002 ; 121 : 1245-1252.
[5] Vieillard-Baron A, Prin S, Chergui K, Dubourg O, Jardin F. Hemodynamic instability in sepsis : bedside assessment by Doppler echocardiography. Am J Respir Crit Care Med 2003 ; 168 : 1270-1276.
Question 6 – Comment gérer la défaillance vasculaire ?
Devant un patient en état de choc, l’expansion volémique est la première mesure thérapeutique à visée hémodynamique. La première expansion volémique est réalisée par des cristalloïdes [1]. Les données de la littérature entre cristalloïdes et colloïdes restent l’objet de débat. Le volume recommandé est d’au moins 500 mL (ou 20 mL/kg) en 15 minutes, à renouveler si les objectifs ne sont pas atteints. Dans l’étude de Rivers et collaborateurs, les patients du groupe « précoce » ont reçu en moyenne 4,9 l de liquides pendant les six premières heures de la prise en charge [2]. Les catécholamines à action vasopressive sont introduites si : (1) la pression artérielle diastolique est inférieure à 40 mmHg à tout moment de la prise en charge ; (2) les objectifs de précharge sont atteints mais l’état de choc avec une pression artérielle moyenne inférieure à 65 mm Hg persiste. La noradrénaline est préférée à la dopamine par la majorité des auteurs. _ Toutefois, la dopamine reste une alternative acceptable [3-5]. Les catécholamines sont toujours administrées via un cathéter veineux central, en dehors des minutes durant lesquelles le patient est en train d’être équipé. Chez les patients dont la lactatémie augmente sans hypotension, l’administration de vasodilatateurs (dérivés nitrés) est suggérée afin d’améliorer la microcirculation [2].
[1] Société Française d’Anesthésie et de Réanimation ; Société de Réanimation de Langue Française. Prise en charge hémodynamique du sepsis sévère (nouveau-né exclu). Ann Fr Anesth Reanim 2006 ; 26 : 1096-1097.
[2] Rivers E, Nguyen B, Havstad S, Ressler J, Muzzin A, Knoblich B, Peterson E, Tomlanovich M ; Early Goal-Directed Therapy Collaborative Group. Early goal-directed therapy in the treatment of severe sepsis and septic shock. N Engl J Med 2001 ; 345 : 1368-1377.
[3] Martin C, Viviand X, Leone M, Thirion X. Effect of norepinephrine on the outcome of septic shock. Crit Care Med 2000 2000 ; 28 : 2758-2765.
[4] Sakr Y, Reinhart K, Vincent JL, et al. Does dopamine administration in shock influence outcome ? Results of the Sepsis Occurrence in Acutely ill Patients (SOAP) study. Crit Care Med 2006 ; 34 : 589-597.
[5] Levy B, Dusang B, Annane D, et al. Cardiovascular response to dopamine and early prediction of outcome in septic shock : a prospective multi-center study. Crit Care Med 2005 ; 33 : 2409-2410.
Question 7 – Comment gérer la défaillance cardiaque ?
L’atteinte myocardique, au niveau des cardiomyocytes, est constante chez les patients septiques [1]. Toutefois, du fait de la vasodilatation induite par le sepsis, son expression clinique est de l’ordre de 15 à 30 % des patients en choc septique. Afin d’en réaliser le diagnostic, un échantillon sanguin est prélevé sur la voie veineuse centrale posée en territoire cave supérieur. La saturation veineuse centrale en oxygène (SvcO2) est déterminée à partir de cet échantillon. Sa validité a été discutée, mais la corrélation avec la saturation en sang veineux mixé (ou ses variations) est correcte. Une valeur de SvcO2 < 70 % indique une dette en oxygène qui est liée soit à une surconsommation d’oxygène, soit à une anémie aiguë, soit à une désaturation artérielle ou encore une diminution du débit cardiaque [1]. L’adaptation de la ventilation (SpO2 > 95 %), la transfusion de concentrés globulaires rouges (but : hémoglobine > 8 g/dL) et la sédation (score de Ramsay à 2) corrigent les trois premiers éléments. Si la valeur de la SvcO2 reste < 70 % après ces corrections, la baisse du débit cardiaque en est responsable soit du fait d’une hypovolémie persistante, soit d’une insuffisance cardiaque. Par conséquent, une nouvelle évaluation de la précharge est réalisée. Si une réserve de précharge existe, un complément de remplissage est nécessaire. Si le remplissage semble optimal, l’administration de dobutamine (à partir de 5 µg/kg/min) est envisagée. La dobutamine agit sur les récepteurs bêta 1. C’est un inotrope pur qui induit une vasodilatation. Son introduction ne se conçoit que chez des patients parfaitement pris en charge, l’utilisation de l’échocardiographie à ce stade est actuellement incontournable. L’introduction de dobutamine est nécessaire chez moins de 15 % des patients [2]. La dobutamine n’est jamais employée en première intention sans vasopresseur associé ni monitorage hémodynamique chez les patients en choc septique.
[1] Marx G, Reinhart K. Venous oximetry. Curr Opin Crit Care 2006 ;12 : 263-268.
[2] Rivers E, Nguyen B, Havstad S, Ressler J, Muzzin A, Knoblich B, Peterson E, Tomlanovich M ; Early Goal-Directed Therapy Collaborative Group. Early goal-directed therapy in the treatment of severe sepsis and septic shock. N Engl J Med 2001 ; 345 : 1368-1377.
Question 8 – Que faire devant un choc réfractaire aux catécholamines ?
Chez certains patients en choc septique, il n’existe pas de réponse hémodynamique satisfaisante aux catécholamines. En association avec la noradrénaline, la vasopressine à faible dose (0,04 U/min) ou son analogue la terlipressine en bolus (1 à 2 mg) améliore le niveau de pression artérielle de certains de ces patients. La vasopressine induit une vasoconstriction via la stimulation des récepteurs V1 [1]. La terlipressine est une « prodrug » qui est métabolisée en vasopressine. La vasopressine n’a aucune action inotrope positive. L’augmentation des résistances vasculaires systémiques est à l’origine d’une diminution du débit cardiaque qu’il est nécessaire de surveiller. Les effets sur la circulation digestive restent débattus, mais une hypoperfusion est probable [1]. Les résultats de l’étude VASST, en cours de publication, montrent qu’aucun effet n’est observé sur la mortalité quand la vasopressine est systématiquement adjointe à la noradrénaline. Toutefois, un effet existe quand elle est introduite pour de faibles doses de noradrénaline. Un bolus de terlipressine (1 mg) ou la vasopressine à 0,04 U/min peut être envisagé raisonnablement chez un patient ayant un choc réfractaire à la noradrénaline dans les premières heures sous contrôle d’un débit cardiaque élevé (> 3,5 L/min) [2].
[1] Delmas A, Leone M, Rousseau S, Albanese J, Martin C. Clinical review : Vasopressin and terlipressin in septic shock patients. Crit Care 2005 ; 9 :212-222.
[2] Société Française d’Anesthésie et de Réanimation ; Société de Réanimation de Langue Française. Prise en charge hémodynamique du sepsis sévère (nouveau-né exclu). Ann Fr Anesth Reanim 2006 ; 26 : 1096-1097.
Dr Marc Leone