Mis en ligne le 25 Septembre 2012
Questions Fréquentes
Hervé QUINTARD
Réanimation médico chirurgicale
Hôpital St Roch (CHU Nice)
NICE
Quintard.h@chu-nice.fr
Question 1 – Pourquoi l’extubation est elle une période à risque en réanimation ?
Question 2 – Quelles sont les complications rencontrées lors de l’extubation ?
Question 3 – Quels sont les facteurs de risque d’échec d’extubation ?
Question 4 – Le « test de fuite » doit-il être systématique en réanimation ?
Question 5 – Les corticoïdes ont-ils leur place de manière systématique pour éviter la réintubation sur œdème laryngé ?
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Question 1 – Pourquoi l’extubation est elle une période à risque en réanimation ?
L’extubation représente souvent la dernière étape d’un long processus de prise en charge réanimatoire. Ce n’est pas pour autant que cette période doit être sous-estimée. Cependant, alors que les échecs d’intubation font l’objet d’une littérature abondante et de consensus, la gestion de l’extubation ne bénéficie pas d’un tel engouement. Les échecs d’extubation, définis comme la nécessité d’une réintubation dans les 48h, sont fréquents (3 à 29 %) [1]. Ils sont associés à un allongement de la durée de séjour en réanimation faisant passer celle-ci de 9,9±0,8 à 26,3±3,1 jours( p<0,001), ainsi qu’une augmentation de la durée globale de séjour hospitalier (21.7±1.4 vs 35.7±3.4 ; p<0,001) [1]. Il existe également un impact direct sur la mortalité, une étude récente décrit une augmentation de mortalité d’un facteur 5 par rapport à un groupe de patient extubé avec succès [2].
L’univers de la réanimation est un milieu propice pour développer une perte d’autonomie de gestion des voies aériennes supérieures (nous ne parlerons pas des facteurs de risque d’échec de sevrage respiratoire bien étudiés dans la littérature et qui constituent l’étape préalable nécessaire à la décision d’extubation [3-7]). En effet, différentes études ont montré que la durée de ventilation, l’intubation en urgence dans des conditions difficiles et la gravité des patients étaient associées à une augmentation du risque d’obstacle laryngé à l’extubation gênant la filière oropharyngée [8]. Les réflexes laryngés protecteurs sont également profondément altérés suite à l’utilisation de prothèses endotrachéales [9]. Plus récemment, il a été décrit une altération de la fonction diaphragmatique, proportionnelle à la durée de ventilation mécanique [10, 11]. D’autres facteurs de risque généraux (anémie, âge,…) propices aux échecs d’extubation sont fréquemment retrouvés dans la population de réanimation [12].
Question 2 – Quelles sont les complications rencontrées lors de l’extubation ?
Une conférence d’expert tenue en 2008 a recensé les complications rencontrées lors de l’extubation [12] :
– Obstacles des voies aériennes : Il apparaît que les obstacles des voies aériennes sont les plus fréquents. Ces lésions sont secondaires à la présence de « zones de conflit » engendrées par la présence d’une sonde à rayon de courbure antérieure dans la filière laryngo-trachéale. De plus la présence d’un ballonnet sur la sonde peut créer des zones d’ischémie muqueuse propices au développement de l’inflammation. Les lésions observées s’étendent de l’ulcération de corde vocale jusqu’à la complète sténose laryngée responsable d’un stridor lorsqu’elle obstrue à plus de 50 % la filière aérienne. Une étude autopsique de patient de réanimation a retrouvé une corrélation entre la durée d’intubation et l’importance des lésions [13]. La présence d’un stridor ne signifie cependant pas réintubation systématique, en effet Miller et coll. décrivent dans leur série une réintubation nécessaire dans 1 cas sur 2 [16].
– L’encombrement respiratoire : il constitue l’autre cause principale d’échec d’extubation, celui-ci est souvent relié à la perte de l’autonomie musculaire et en particulier diaphragmatique que développent les patients en réanimation [11]. De plus, la perte des réflexes de toux, réflexe protecteur, ne fait qu’aggraver le risque d’échec [9].
Question 3 – Quels sont les facteurs de risque d’échec d’extubation ?
La recherche de facteurs de risque responsables d’obstacle laryngé a fait l’objet d’une littérature riche sur le sujet.
– Facteurs épidémiologiques : le sexe féminin est associé à un risque accru de stridor.
– Les circonstances d’intubation : l’univers pré hospitalier ou en contexte de traumatologie sont des situations propices au développement de ce type de lésions[14].
– Type et durée d’intubation : L’utilisation de sondes d’intubation à gros diamètre par rapport au poids du patient est reconnue comme un facteur favorisant. Les études sont discordantes sur l’impact de la durée d’intubation sur l’apparition de ce type de lésion. En effet, une étude récente a retrouvé de manière surprenante, une augmentation de la fréquence de ces lésions dans un groupe de patient intubé moins de 7 jours[14]. Cependant la méta analyse conduite par Jaber et coll. retrouve une corrélation positive par rapport à la durée de ventilation [8].
– Volume de sécrétion pré extubation : La présence de sécrétions abondantes, d’aspirations trachéales régulières (<2h), et l’absence de toux ont été retrouvés comme des facteurs influant significativement l’échec d’extubation [15].
– L’autoextubation constitue également un facteur de risque important[8].
– Conditions d’extubation : un nombre d’infirmières insuffisant dans l’unité a été retenu comme un facteur aggravant d’échec d’extubation [12].
Question 4 – Le « test de fuite » doit-il être systématique en réanimation ?
La détection précoce des complications laryngo-trachéales est un élément essentiel pour prévenir la réintubation, facteur indépendant d’aggravation du pronostic. Une des méthodes repose sur la réalisation d’un test de fuite (« Cuff leak test »), consistant à la mesure du volume de fuite (volume inspiré –volume expiré) autour de la sonde trachéale ballonnet dégonflé en ventilation contrôlée, après aspiration trachéale. Différentes études ont essayé de définir le seuil de fuite pouvant faire évoquer un risque laryngé lors de l’extubation. Il semble qu’un seuil de 110 mL de fuite [16]ou un pourcentage de fuite de 15,5% [17]puissent être utilisés avec une bonne sensibilité et spécificité[8]. Cependant l’ensemble des études définissant ces seuils s’est intéressé à la présence d’un stridor lors de l’extubation et non pas à la nécessité de réintubation. Il semble dans ce cas que la valeur prédictive négative de ce test ne soit pas significative [18, 19]. Ce test pourrait avoir son intérêt dans la définition d’une population à risque, nécessitant une vigilance accrue.
Question 5 – Les corticoïdes ont-ils leur place de manière systématique pour éviter la réintubation sur œdème laryngé ?
L’utilisation des corticoïdes dans le contexte de l’extubation provient de la pratique pédiatrique. Les études chez l’adulte sont moins convaincantes. Ceci peut s’expliquer par différentes raisons. Tout d’abord tous protocoles de corticoïdes utilisés dans la littérature sont différents en termes de type de molécules utilisé (Methylprednisolone, Hydrocortisone,…), de dose, de fréquence, et de délai de réalisation. Par ailleurs, la discordance entre les résultats des différentes études peut aussi s’expliquer par le caractère très hétérogène des populations étudiées. Le risque de réintubation ne semble pas être diminué par l’utilisation de corticoïdes systématique dans la population générale de réanimation. Par contre, l’intérêt de cette thérapeutique semble s’imposer lorsque l’on s’intéresse spécifiquement à une population à facteur de risque de développement d’œdème laryngé sélectionnée par test de fuite. Par ailleurs, l’utilisation ponctuelle de corticoïdes au moment de l’extubation n’est d’aucun intérêt, une administration préventive plusieurs heures avant l’extubation (>4h) semble nécessaire pour obtenir un effet [20]. L’utilisation de méthylprednisolone 20mg 12 h avant l’extubation puis 20 mg/4h jusqu’à l’extubation pourrait être proposée en pratique clinique sur une population à risque [14].
Références
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