Mis en ligne le 18 avril 2017
Article du mois
The effect of endotracheal tubes versus laryngeal mask airways on perioperative respiratory adverse events in infants: a randomised controlled trial
Drake-Brockman T F E, Ramgolam A, Zhang G, Hall GL, von Ungern-Sternberg B.
Lancet Vol 389 18 Février 2017
Par le Dr Basim ALKURAYA et le Pr Souhayl DAHMANI, pour le conseil scientifique de la société Française d’Anesthésie et de Réanimation.
Position du problème :
Les complications respiratoires périopératoires (CRP) sont les complications les plus fréquentes en anesthésie pédiatriques et celles qui amènent majoritairement aux complications cardio-vasculaires (la majorité des arrêts cardiaques sont d’origine respiratoires). Ainsi, en diminuer la fréquence est un objectif recherché en anesthésie pédiatrique. Une méta-analyse de 2014 a montré que l’utilisation du masque laryngé était associée à une diminution des complications respiratoires au réveil de l’anesthésie (1). Toutefois, cette revue incluait des études de faibles effectifs et s’intéressant à des patients d’âge particulièrement grands par rapport à la population susceptible de développer plus fréquemment des complications respiratoire. En effet, comme le souligne les auteurs la fréquence des complications respiratoires périopératoire est de 15 % pour la population pédiatrique mais peu doubler chez les enfants de moins de 1 an ou chez les enfants enrhumés (2). Les auteurs ont donc réalisé une étude randomisée contrôlée comparant la ventilation par sonde trachéale versus masque laryngé chez des enfants de moins de 12 mois.
Méthode : cette étude réalisée sur une période de 5 ans a inclus les patients de moins de 12 mois devant bénéficier d’une chirurgie générale programmée autre qu’abdominale (intrapéritonéale), thoracique ou ORL. Etait également exclu les patients présentant une cardiopathie ou une malformation pulmonaire.
L’anesthésie était laissée à la discrétion du médecin responsable. Toutefois, la ventilation était standardisée avec une pression d’insufflation de 10 cmH2O et une PEP à 5 cmH2O et l’anesthésie était maintenue avec du sévoflurane à au moins 1 MAC ajustée. Le matériel utilisé pour la sécurisation des voies aérienne était un masque laryngé classique ou une sonde d’intubation à basse pression.
Les CRP étaient classées en majeures (laryngospasme, Bronchospasme) ou mineures (Désaturation, obstruction des voies aériennes, toux sévère, stridor postopératoire). L’objectif principal était une réduction de l’incidence des CRP. L’étude devait inclure 138 patients par groupe pour montrer une baisse de 15 % de l’incidence des CRP (de 35 % à 20 %)(2) avec un risque alpha de 5 % et une puissance de 80 %. Une analyse intermédiaire était prévue après inclusion de la moitié de l’effectif théorique. Plusieurs objectifs secondaires ont été définis en fonction du temps intra ou postopératoire de survenu des CRP, du type de CPR et du terrain des patients (patient présentant une infection des voies aériennes supérieures). L’analyse s’est faite en intention de traiter.
Résultats : L’étude s’est arrêtée après l’analyse intermédiaire après inclusion de 83 patients dans le groupe masque laryngé (ML) et 94 dans le groupe intubation trachéale (IT).
Les chirurgies réalisées étaient essentiellement des chirurgies générales de l’orthopédie, de la chirurgie plastique et l’anesthésie pour imagerie : 20 % de hernies inguinales, 13 % de cystoscopies, 17 % d’IRM, 17 % d’orchidopéxie, 6 % d’hypospadias et 5 % de circoncision. Entre 9 et 16 % des patients étaient d’anciens prématurés et l’âge moyen était de 8 mois.
L’incidence des CRP était de 18 % dans le groupe ML et 53 % dans le groupe IT (p < 0.0001). Cette différence persistait aussi bien pour les CRP majeures ou mineures et aussi bien en intra qu’en postopératoire.
Le masque laryngé était associé à une baisse de toutes les complications prise de manière individuelles et cette baisse des CRP persistait chez l’enfant présentant des antécédents respiratoire et tout particulièrement l’enfant atopique ou enrhumé.
Discussion : cette étude qui était attendue vient confirmer que l’utilisation du masque laryngé même chez l’enfant de moins de 1 an est associée à une meilleure sécurité anesthésique. Les critiques, rapportés en toute honnêteté par les auteurs, concernant l’absence de standardisation de l’anesthésie et tout particulièrement sur l’utilisation du ML (volume de remplissage du coussinet, monitorage de pression, algorithme en situation de fuite ou de déplacement) ou de l’IT (pas de monitorage de pression obligatoire) sont largement contrebalancés par le fait que l’utilisation de ces deux dispositifs s’est faite dans cette étude comme dans la vraie vie avec des résultats sans équivoques.
Le seul point de critique majeur de cette étude est le fait que 19 % des patients dans le groupe IT ont été curarisé. Cela pourrait avoir des conséquences en terme de mécanique respiratoire (augmentation des zones d’atélectasies liées à l’anesthésie), de complications respiratoires (des lésions, même minimes pourraient être plus fréquentes sans curarisation lord d’une intubation trachéale) et enfin, une mauvaise décurarisation pourrait être responsable d’une augmentation des complications respiratoires postopératoires (la moitié des complications respiratoires étaient postopératoires dans cette étude). Mais cela renvoie à un autre débat sur les curares passionnant et « passionné » en anesthésie pédiatrique….
Ainsi, cette étude est un argument de plus en faveur de l’utilisation du masque laryngé en pédiatrie et tout particulièrement chez l’enfant de moins de 1 an dans le cadre de la chirurgie ambulatoire comme en témoigne le profil de chirurgies inclus dans cette étude et se prêtant tout particulièrement à ce mode de prise en charge.
Références Bibliographiques
- Luce V, Harkouk H, Brasher C, Michelet D, Hilly J, Maesani M, et al. Supraglottic airway devices vs tracheal intubation in children: a quantitative meta-analysis of respiratory complications. Paediatr Anaesth. 2014 Oct;24(10):1088–98.
- Von Ungern-Sternberg BS, Boda K, Chambers NA, Rebmann C, Johnson C, Sly PD, et al. Risk assessment for respiratory complications in paediatric anaesthesia: a prospective cohort study. Lancet. 2010 Sep 4;376(9743):773–83.