Mis en ligne le 8 mars 2017
Article du mois
Anesthesia techniques and mortality after total hip or knee arthroplasty
Perlas A et al, Anesthesiology 2016 ; 125 : 724-31.
Contexte : Le débat sur la mortalité après arthroplastie totale de genou (ATG) et/ou de hanche (ATH) en fonction de la technique anesthésique est toujours d’actualité en dépit de l’évolution vers des chirurgies moins invasives adaptée à l’ambulatoire.
Objectif principal : définir si la rachianesthésie (RA) s’associe à une réduction de la mortalité à J30 par rapport à l’anesthésie générale (AG).
Patients et méthodes : étude rétrospective utilisant une analyse par score de propension à partir d’une base de donnée monocentrique de patients opérés d’ATG ou d’ATH unilatérales entre 01/2003 et 12/2014 avec comme critère principal la mortalité à J30. Les objectifs secondaires étaient : infarctus du myocarde (IDM), un critère composite associant arrêt cardiaque/IDM/arythmies, embolie pulmonaire, transfusion supérieure à 2CG et la durée de séjour. L’établissement du score de propension représentant la probabilité conditionnelle de recevoir une RA a utilisé une régression logistique résumant en une variable unidimensionnelle l’ensemble des covariables choisies susceptibles d’influencer les critères primaire et secondaire. Les groupes RA et AG ont été comparés après appariement (objectif : différence standardisée inférieure à 6%) pour valider l’homogénéité des deux groupes ne différant que par la technique anesthésique (RA vs AG).
Résultats : N=10868 patients (2315 AG et 8553 RA) dans l’effectif (nombre de RA multiplié par 2,67 en 11 ans). Après appariement effectué sans remise de patients et validation d’ajustement (différence standardisée moyenne 0,2%), 2135 patients ayant eu une AG ont été appariés avec 2135 patients opérés sous RA. Le risque relatif de mortalité à J30 était réduit de 58% dans le groupe RA (0,19% vs 0,8%, OR 0,42 ; IC95% : 0,21 – 0,83), p=0,0045). Parmi les critères secondaires, la RA est associée à une réduction de l’exposition transfusionnelle (OR 0,62 ; IC95% 0,47-0,8) et de la durée de séjour (médiane 5,7j vs 6,6j, p=0,0001), les autres critères secondaires n’étant pas impactés.
Conclusion des auteurs : L’étude met en évidence une association forte entre rachianesthésie et réduction de la mortalité à 30 jours et de la durée de séjour après chirurgie prothétique de genou et de hanche.
Discussion : Il s’agir de la première étude rapportant une réduction de la mortalité avec la RA pour chirurgie prothétique. Les auteurs retrouvent également une réduction de la transfusion avec la RA. Ceci confirme une tendance observée dans des études plus anciennes (Hu et al, J Bone Joint Surg Br 2009 ; 91 :935-42). Enfin, une tendance à la réduction des évènements thromboemboliques est observée avec la RA. Ce résultat, déjà rapporté dans la littérature (Macfarlane et al Br J Anesth 2009 : 103 ; 335-45) peut sembler surprenant car les patients ont tous reçu une thromboprophylaxie par HBPM. Cependant, l’incidence des évènements thromboemboliques est très faible (1.17%). Pour observer une différence significative il faudrait un collectif de patients beaucoup plus important.
Points forts : Il s’agit d’une grande étude de cohorte ayant inclus un très grand nombre de patients ayant utilisé une méthodologie robuste de score de propension
Points faibles : La limite majeure, malgré l’utilisation d’une analyse par score de propension, réside dans le caractère monocentrique, rétrospectif et l’absence d’analyse de sensibilité pour déterminer des variables manquantes potentiellement impliquées dans le critère primaireL’analyse par score de propension nécessite que les covariables choisies n’affectent pas le choix de la technique et qu’il n’existe pas de variable(s) méconnues. Les causes de décès étaient inconnues, les techniques anesthésiques très succinctement décrites et non incluses dans le modèle de régression car issues de pratiques trop variées. Néanmoins, l’effectif reste important après appariement avec un effet positif sur le critère primaire. Les résultats sur les critères secondaires sont des explications possibles à la baisse du risque de décès sous RA mais ne peuvent être individuellement discutées car non significatives.
Conclusion de l’analyse : cette étude montre tout d’abord une mortalité faible après ATH et ATG malgré les comorbidités présentes avec un bénéfice de la RA. Ces résultats viennent renforcer les études prospectives anciennes n’ayant pas la puissance suffisante. La RA constitue un réel choix de première intention au cours des ATH et ATG mais au sein d’un processus de réhabilitation programmé avec un objectif de raccourcissement d’hospitalisation.