Bourgain Jean louis, Trouiller Pierre, Theissen Alexandre pour le Comité Analyse et Maîtrise du Risque de la Société Française d’Anesthésie Réanimation

Les accidents liés à la délivrance des gaz pendant l’acte anesthésique sont de plus en plus rares. Ils sont encore responsables de décès ou de coma, le plus souvent à cause du mésusage du dispositif ou de l’absence de son contrôle avant utilisation (1). Les systèmes rudimentaires comme les valves de non-ré-inhalation sont dans la liste des dispositifs en cause.

En février 2016, la société AMBU signalait aux autorités compétentes le danger d’utilisation de leur valve de non-ré-inhalation A, réutilisable (figure 1) lorsqu’elle est connectée à un circuit d’anesthésie sans valve de surpression 1. Des accidents barotraumatiques ont été décrits dans ce contexte soit par malposition ou par entretien défectueux de la valve, soit par utilisation d’un débit de gaz frais trop important. La prévention de ces accidents barotraumatiques passe par l’adjonction d’une valve de surpression (figure 2).

Dans cette lettre d’information, l’industriel précise deux points importants :

  1. L’utilisation d’une valve A avec un système d’anesthésie, requiert un test de bon fonctionnement du système entier avant que celui-ci soit raccordé au patient.
  2. Toujours poser une valve de surpression dans le circuit anesthésique lors de l’utilisation de valves sans réinhalation

Ce type d’alerte a concerné d’autres valves comme celle dite de Waters ou celle de Digby-Leigh 2, confortée par des études scientifiques montrant que les propriétés mécaniques des valves dépendent des modèles, les plus anciens n’étant pas les plus dangereux (2). L’usage multiple de ces dispositifs requiert une stérilisation et/ou un démontage qui altère leurs propriétés mécaniques.

Dans tous les cas, les messages de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) sont convergents : il faut respecter les consignes d’utilisation et tester le matériel avant utilisation. L’application de ces recommandations se heurte à de vraies difficultés : d’une part, les consignes de sécurité de ce matériel ancien sont méconnues et d’autre part les tests de fonctionnement de ces valves reposent sur des manœuvres subjectives difficilement reproductibles (3). C’est une des raisons pour laquelle ces dispositifs ne sont pas testés lors de l’ouverture de la salle dans près de 2/3 des cas (4).

Il faut donc se résoudre à utiliser des valves à usage unique insérées dans un circuit spécifique en ne se dispensant pas d’en vérifier le bon fonctionnement avant utilisation.

L’utilisation de ces circuits en salle d’opération est très rare puisqu’ils viennent en secours, en cas de défaillance du système de délivrance des gaz anesthésiques à travers le circuit principal (panne de mélangeur ou d’alimentation en O2 de la salle). Depuis des années, la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation dissuade d’utiliser ce circuit de secours pour l’induction et/ou le réveil (5). Il présente l’inconvénient majeur de ne pas permettre le monitorage des pressions d’insufflation et de la spirométrie. Son usage n’est plus actuellement recommandé, dans la mesure où ventiler à la main peut générer des sur-distensions importantes qui passent inaperçues en l’absence de monitorage. La seule indication de ce circuit est la ventilation manuelle lorsqu’ on suspecte une défaillance de la machine 3.

Ce risque d’accident est présent principalement pendant le transport ou en SSPI (Salle de Surveillance Post-Interventionnelle) et en cas d’utilisation du circuit accessoire en réanimation ; la sécurité d’un patient intubé doit être assurée avec les mêmes contraintes qu’au bloc opératoire 3. Pour ceux qui choisissent le sevrage de la ventilation contrôlée en SSPI, la stratégie de ventilation et de monitorage pendant le transport puis en SSPI doit être déterminée en tenant compte de ces impératifs de sécurité

En dehors de la salle d’opération, les patients intubés ou porteurs d’un dispositif supra-glottique doivent être surveillés par capnographie qu’ils soient en ventilation spontanée ou contrôlée. Lorsque le patient nécessite la ventilation en pression positive, l’utilisation d’insufflateur manuel ou de circuit à haut débit type Mapleson est encore largement répandue. Lorsqu’ils ne sont pas testés avant utilisation, ils portent potentiellement les mêmes risques que ceux qui ont fait interdire la valve A de la société AMBU. L’adjonction d’une valve de surpression est une proposition logique. Néanmoins, l’analyse de la documentation de ces dispositifs (tableau 1) donne des informations disparates avec la possibilité de ventiler à des pressions élevées, en contradiction avec les recommandations prônant la ventilation protectrice. Certains modèles ne disposent pas de valves de surpression et la variabilité de la performance de ces dispositifs n’est précisée que pour deux modèles.

En conclusion, l’ANSM recommande depuis 2015 que ces dispositifs soient commercialisés en tant que dispositifs à usage unique, ne devant pas être restérilisés 2. Ces dispositifs doivent être vérifiés avant utilisation et les utilisateurs avertis du risque de barotraumatisme que ne préviennent pas forcément les valves de surpression.

1 Information de sécurité de la société AMBU : http://ansm.sante.fr/S-informer/Informations-de-securite-Autres-mesures-de-securite/Valve-A-d-anesthesie-valve-unidirectionnelle-reutilisable-Ambu-Information-de-securite

2 Information de sécurité de l’ANSM : http://ansm.sante.fr/afssaps/S-informer/Informations-de-securite-Autres-mesures-de-securite/Modalites-de-retraitement-des-valves-de-Waters-Digby-Leigh-adultes-et-pediatriques-et-raccords-angulaires-Information-de-securite

3 Document de formation disponible sur le site de la SFAR : http://www.sfar.org/wp-content/uploads/2015/07/Socle-de-connaissances-Formation-Referent-Materiel-Anesthesie-SFAR.pdf

4 Décret no 94-1050 du 5 décembre 1994 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000549818&categorieLien=id

Références

  1. Mehta SP, Eisenkraft JB, Posner KL, Domino KB. Patient injuries from anesthesia gas delivery equipment: a closed claims update. Anesthesiology 2013;119:788-95.
  2. Coisel Y, Galia F, Conseil M, et al. [Risk of barotrauma when using non-reinhalation Waters valves: a comparative study on bench test]. Ann Fr Anesth Reanim 2013;32:749-55.
  3. Bourgain JL. [Alternative breathing system or simplicity does not rhythm with safety]. Ann Fr Anesth Reanim 2013;32:732-3.
  4. Sweeney N, Owen H, Fronsko R, Hurlow E. An audit of level two and level three checks of anaesthesia delivery systems performed at three hospitals in South Australia. Anaesth Intensive Care 2012;40:1040-5.
  5. Bourgain JL, Feiss P, Beydon L, Nivoche Y. [Pros and cons of adding an accessory breathing system to the main circle circuit. II. Arguments against their use]. Ann Fr Anesth Reanim 1998;17:385-91.

Figure 1 : Valve A Ambu® – Valve unidirectionnelle réutilisable Référence A019 001 000. La commercialisation de cette valve est interrompue.

Valve a ambu

Figure 2 : Insufflateur manuel à usage unique, muni d’une valve de surpression

Insufflateur manuel

Tableau 1 : Caractéristiques des valves de surpression des insufflateurs manuels telles que décrites dans la notice d’utilisation

Fabricant

Modèle Usage  Sécurité sur la pression d’insufflation
Ambu Mark IV adulte Réutilisable Limitation pression : 70 cm H2O
Mark IV Baby Réutilisable Limitation pression : 45 cm H2O
SPUR II adulte > 20 Kg Usage Unique Non indiqué
SPUR II Enfant 10-20 Kg Usage Unique 40 cm H2O
SPUR II Nourrisson 2,5-12 Kg Usage Unique 40 cm H2O
Laerdal BAG II Adulte > 20 Kg Usage Unique Non fourni
BAG II Enfant 10-20 Kg Usage Unique 35 ± 5 cm H2O blocable
BAG II Nourrisson 2,5-12 Kg Usage Unique 35 ± 5 cm H2O blocable
Intersurgical BAVU Adulte (1 – 1,5 litre) Usage Unique 40 cm H2O
BAVU enfant Usage Unique 40 cm H2O
BAVU nourrisson Usage Unique 40 cm H2O