Mis en ligne le 12 Mai 2014
Questions Fréquentes

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Bénédicte RINGUIER, Gérald BOUSSICAULT, Catherine JEUDY
Département d’Anesthésie-Réanimation
CHU ANGERS


Q1. Comment reconnaître un choc septique chez l’enfant?
Q2. Quels prélèvements microbiologiques?
Q3. Quels sont les germes les plus fréquents?
Q4. Quelle conduite à tenir pour les premières heures?
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Q1. Comment reconnaître un choc septique chez l’enfant?

Le choc septique est la première cause de mortalité chez l’enfant dans le monde. La reconnaissance du choc septique fait appel à des critères précis définis dans la Surviving Sepsis Campaign et dont les caractéristiques pédiatriques ont été reprécisées récemment [1-3]. Les tableaux 1 à 3 rapportent les définitions du SIRS, de l’infection, du sepsis, du sepsis sévère et du choc septique, les critères de dysfonction d’organe et les normes de fréquence cardiaque (FC), fréquence respiratoire (FR), pression artérielle systolique (PAS) et numération leucocytaire en fonction de l’âge.
En résumé, un enfant est septique s’il a une infection suspectée ou confirmée et des signes systémiques de réponse à cette infection. Il est en sepsis sévère s’il présente une dysfonction d’organe. Il est en choc septique si sa dysfonction cardiovasculaire persiste malgré une expansion volémique de 40 ml/kg pendant la première heure [3].
Le choc septique en pédiatrie est caractérisé par une hypovolémie sévère qui répond fréquemment à un remplissage “agressif” et face à laquelle les possibilités d’adaptation cardiaque sont limitées. Le maintien du débit cardiaque par une accélération de la FC, possible chez l’adulte, est difficile voir impossible chez l’enfant ayant une FC de base déjà élevée. En cas d’hypovolémie, l’adaptation cardiaque de l’enfant est donc limitée et sa réponse systémique se traduira par une augmentation continue des résistances vasculaires qui explique pourquoi l’hypotension artérielle apparaît tardivement et qui peut finir par être péjorative, en étant responsable d’une défaillance myocardique [4].

Tableau 1. Définitions (d’après 1-3).

SIRS Présence d’au moins 2 des 4 critères suivants, dont anomalie de la température ou de la numération globulaire :
– Température ≥ 38.5°C ou < 36°C
– Tachycardie ou bradycardie (tableau 2)
– FR supérieure à + 2DS pour l’âge ou nécessité de ventilation mécanique en dehors d’un contexte de maladie neuromusculaire connue ou d’anesthésie générale.
– Numération leucocytaire anormale pour l’âge (tableau 2) ou présence de plus de 10% de neutrophiles immatures
Infection Infection suspectée ou prouvée par un résultat bactériologique positif ou syndrome clinique associé à une haute probabilité d’infection. La preuve d’une infection peut intégrer des données cliniques, des résultats d’examens complémentaires ou radiologiques.
Sepsis SIRS et infection prouvée ou suspectée
Sepsis sevère Sepsis associé à :

– une défaillance cardiovasculaire,
– ou un SDRA,
– ou à deux autres dysfonctions d’organes (tableau 3)

Choc septique Sepsis associé à une défaillance hémodynamique persistante après le remplissage initial (40 ml/kg en moins de 60 minutes).

Tableau 2. Critères de dysfonction d’organe (d’après 1-3).

Défaillance hémodynamique Malgré l’administration d’au moins 40 ml/kg de remplissage en 60 minutes:
–       PAS inférieure au 5ème percentile pour l’âge ou,
–       Nécessité d’administration de médicaments vasoactifs pour maintenir une PAS normale pour l’âge (dopamine > 5μg/kg/min ou dobutamine ou adrénaline ou noradrénaline quelles que soient les doses) ou,
–       2 des critères suivants:* acidose métabolique non expliquée (BE > 5 mEq/L)
* taux de lactate artériel supérieur à 2 fois la valeur normale* débit urinaire < 0.5 ml/kg/h
* temps de recoloration capillaire supérieur à 5 secondes
* différence entre températures centrale et périphérique de plus de 3°C
Défaillance respiratoire –    PaO2/FiO2 < 300 en l’absence de cardiopathie cyanogène ou de pathologie pulmonaire sous jacente
–       PaCO2 > 65 mmHg ou supérieure de 20 mmHg à la PaCO2 basale
–       Nécessité de FiO2 > 50% pour maintenir une SpO2 > 92%
–       Nécessité d’assistance ventilatoire invasive ou non invasive
Défaillance neurologique Score de Glasgow inférieur à 11 ou diminution de 3 points ou plus du score
Défaillance hématologique Numération plaquettaire < 80 G/L ou diminution de plus de 50% en 3 jours ou INR > 2
Défaillance rénale Créatininémie supérieure à 2 fois la valeur normale pour l’âge ou augmentée de 50% par rapport à la créatininémie de base
Défaillance hépatique Bilirubinémie > 4 mg/dl ou plus (hors nouveau-né) ou ALAT > 2N

Tableau 3. Anomalies des paramètres vitaux et de la numération leucocytaire selon l’âge. Les valeurs basses correspondent au 5ème percentile pour l’âge; les valeurs hautes au 95ème percentile pour l’âge (d’après 2).

Age Fréquence cardiaque (battements/min) Fréquence respiratoire (/min) Pression artérielle systolique (mmHg) Leucocytes (103/mm)
Tachycardie Bradycardie
< 1 semaine > 180 < 100 > 50 < 65 > 34
1 sem – 1 mois > 180 < 100 > 40 < 75 > 19.5 ou < 5
1 mois -1 an > 180 < 90 > 34 < 100 > 17.5 ou < 5
2 -5 ans > 140 > 22 < 94 > 15.5 ou < 6
6 -12 ans > 130 > 18 < 105 > 13.5 ou < 4.5
13 -18 ans > 110 > 14 < 117 > 11 ou < 4.5
  1. Surviving Sepsis Campaign: international guidelines for management of severe sepsis and septic shock, 2012. Dellinger RP et al. Intensive Care Med. 2013;39(2):165-228.
  2. Sepsis and septic shock. Maloney PJ. Emerg Med Clin North Am. 2013;31(3):583-600.
  3. Pediatric sepsis: Important considerations for diagnosing and managing severe infections in infants, children, and adolescents. Randolph AG, McCulloh RJ. Virulence. 2014 13;5(1):172-182.
  4. Differences between adult and pediatric septic shock. Aneja R, Carcillo J. Minerva Anestesiol. 2011 Oct; 77(10):986-92.

Q2. Quels prélèvements microbiologiques?

Dans tous les cas de sepsis, la réalisation d’une hémoculture avant l’administration d’antibiotique est indispensable sauf si la réalisation de cet examen entraîne un délai de plus de 45 minutes pour l’administration des antibiotiques [1]. Deux séries d’hémoculture (aérobie et anaérobie) doivent être prélevées. Si l’enfant est porteur d’un ou plusieurs dispositifs vasculaires datant de plus de 48 heures, il faut réaliser une hémoculture en périphérie et une hémoculture sur chaque lumière de chaque dispositif vasculaire. Les autres prélèvements (urine, LCR, plaie, sécrétions respiratoires …) doivent être effectués avant antibiothérapie si cela ne la retarde pas de façon significative [1].
En cas de suspicion d’infection invasive à méningocoque, le diagnostic étiologique doit permettre l’isolement et l’identification de la bactérie, la détermination du sérogroupe et le typage des souches [2]. Dans tous les cas, la réalisation d’une hémoculture est indispensable. La culture peut également être faite à partir du LCR1, d’une biopsie cutanée ou d’un élément purpurique2, d’un liquide de ponction articulaire voire d’un liquide péricardique ou pleural selon la présentation clinique. Une recherche d’antigènes solubles dans le LCR, le sang et les urines peut être effectuée même si cet examen est peu sensible avec des réactions croisées possibles (Escherichia coli K1 et Haemophilus influenzae). Les prélèvements rhinopharyngés ne doivent pas être faits. Les méthodes moléculaires (PCR) permettent un diagnostic même en cas d’échec de la culture avec indication d’un sérogroupe (A, B, C, Y, W135 et X). Enfin, toute souche ou tout matériel positif pour le méningocoque (échantillon clinique ou extrait d’ADN) doit être envoyé ensuite dans les meilleurs délais au CNR pour typage complet.
En cas de pneumopathie aigue, il faut réaliser en plus de l’hémoculture, un examen cytobactériologique des crachats (pour examen direct et culture) dès que l’enfant est capable de cracher. Les antigènes solubles urinaires pneumocoques ne sont pas recommandés car les faux positifs sont fréquents [3].1 La PL peut être contre indiquée, notamment en cas d’hypertension intracrânienne, de troubles de l’hémostase ou d’instabilité hémodynamique.
2 La biopsie cutanée peut être réalisée à l’aide d’un punch à biopsie, de préférence sur une lésion de plus de 1 cm. Si la biopsie n’est pas réalisable, il est possible d’aspirer la lésion cutanée à l’aide d’une aiguille fine (23G).
  1. Surviving Sepsis Campaign: international guidelines for management of severe sepsis and septic shock, 2012. Dellinger RP et al. Intensive Care Med. 2013;39(2):165-228.
  2. INSTRUCTION N° DGS/RI1/2011/33 du 27 janvier 2011 relative à la prophylaxie des infections invasives à méningocoque. Guide pratique sur la conduite à tenir devant un ou plusieurs cas d’infection invasive à méningocoque.
  3. The management of community-acquired pneumonia in infants and children older than 3 months of age: clinical practice guidelines by the Pediatric Infectious Diseases Society and the Infectious Diseases Society of America. Bradley JS et al. Pediatric Infectious Diseases Society and the Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis. 2011;53(7):e25-76.

Q3. Quels sont les germes les plus fréquents?

Les germes en cause dans les états de choc septique de l’enfant varient en fonction de l’âge. Chez un nouveau-né (moins de 28 jours), il faut évoquer une infection materno-fœtale tardive, dont les germes les plus souvent en cause sont le Streptocoque du groupe B et l’Escherichia coli [1].
Chez l’enfant présentant un choc septique à point de départ respiratoire, les principaux germes en cause sont Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae de type b, Staphylococcus aureus et Streptococcus pyogenes (groupe A). Cependant, la vaccination anti-Haemophilus influenzae type b en fait une cause rare de choc septique dans les pays développés, et la vaccination anti-pneumococcique a permis une diminution de l’incidence des infections invasives à Pneumocoque de plus de 75%. Streptococcus pneumoniae est également impliqué dans des tableaux de méningite ou de purpura fulminans, tout comme Neisseria meningitidis qui touche particulièrement le petit enfant et l’adolescent [1,2].
En cas de choc septique à point de départ urinaire, le principal germe en cause est Escherichia coli.
Chez les enfants présentant une pathologie chronique ou immuno-déprimés, il faut évoquer une infection à Staphylococcus aureus méti-résistant (SARM), à Staphylocoque coagulase-négative ou encore à Pseudomonas aeruginosa. Il faut également évoquer dans cette population un choc septique d’origine fungique [1].
  1. Pediatric sepsis: Important considerations for diagnosing and managing severe infections in infants, children, and adolescents. Randolph AG, McCulloh RJ. Virulence. 2014 13;5(1):172-182.
  2. Pediatric deaths due to community-acquired bacterial infection. Survey of French pediatric intensive care units. Floret D; Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique, Groupe francophone de réanimation et d’urgence pédiatrique. Arch Pediatr. 2001;8 Suppl 4:705s-711s.

Q4. Quelle conduite à tenir pour les premières heures?

Les définitions de choc septique, de syndrome de défaillance multi-viscérale et les objectifs de prise en charge du choc septique sont identiques chez l’adulte et l’enfant, mais dépendent de valeurs clinico-biologiques qui sont fonction de l’âge.
La prise en charge du choc septique de l’enfant présente cependant quelques spécificités [1,2].
– Dès la reconnaissance du sepsis sévère, administration d’une oxygénothérapie à haut débit au masque facial ou par canule à haut débit ou par ventilation spontanée en pression positive continue.
– Mise en place d’une voie d’abord intra-veineuse ou intra-osseuse, pour expansion volémique par 20mL/kg de solution saline isotonique ou de colloïdes sur 15 minutes, à répéter jusqu’à 60mL/kg, voire au-delà.
– Antibiothérapie empirique par C3G (céfotaxime 300mg/kg/j en 3 injections par jour)
+/- vancomycine (15 mg/kg toutes les 6 h) si suspicion d’infection à pneumocoque (risque de PSDP) ou staphylocoque ou entérocoque
+ gentamicine (3 à 5mg/kg en 1 injection sur 30 min par jour)
+/- métronidazole (15 mg/kg puis 7,5 mg/kg toutes les 6 à 8h) si infection digestive ou uro-génitale
+/- clindamycine (15 à 40 mg/kg/j en 3 à 4 injections par jour) si suspicion de choc toxinique
– Utilisation de kétamine (2mg/kg) +/- d’atropine (20µg/kg, minimum 100µg) pour intubation, mise en place d’une voie centrale…
– En cas de choc réfractaire au remplissage, administration de noradrénaline (0,5 à 5 µg/kg/min).
– Si choc réfractaire aux catécholamines, instaurer un traitement par hydrocortisone (50mg/m²/24h)
– Il n’y a pas d’indication à la prophylaxie des thromboses veineuses profondes, ni à la prophylaxie de l’ulcère lié au stress en âge pré-pubertaire.

  1. Surviving Sepsis Campaign: international guidelines for management of severe sepsis and septic shock, 2012. Dellinger RP et al. Intensive Care Med. 2013;39(2):165-228.
  2. Differences between adult and pediatric septic shock. Aneja R, Carcillo J. Minerva Anestesiol. 2011 Oct;77(10):986-92.

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