Mis en ligne le 16 Janvier 2011
Archive : Communiqués

   L’association DXP/PC (dextropropoxyphène / paracétamol) est un médicament antalgique disponible en France depuis 1964 sur prescription médicale. Il est indiqué dans le traitement des douleurs modérées ou intenses, ou qui ne sont pas soulagées par des antalgiques de palier I. Plus d’une trentaine de spécialités pharmaceutiques renfermant cette association est commercialisée en France.  Quarante ans après sa mise à disposition des prescripteurs, cette association a été retirée d’une partie du marché européen pour cause de décès liés à des intoxications volontaires ou accidentelles, entrainant notamment dépression respiratoire, troubles de la conduction cardiaque, voire insuffisance rénale chez les patients âgés. Alors que l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) constate entre 200 et 300 décès par an en Suède et en Angleterre, on en dénombre en France environ 65 par an, cette différence étant liée pour L’Afssaps et pour l’Académie de Médecine à une plus faible utilisation déviante, à un mode de conditionnement et les conditions de délivrance de ces médicaments différentes en France. De plus, l’exposition au DXP en France est la plus élevée d’Europe avec plus de 70 millions de boites vendues par an. Le nombre de décès relevés est donc beaucoup plus faible qu’en Suède pour une population dix fois plus élevée. Dans un communiqué du 25 juin 2009, l’Afssaps estimait à ce stade que l’impact d’un retrait sur la santé publique était très incertain dans le contexte français mais prévoyait le retrait définitif des spécialités pharmaceutiques contenant du DXP dans un délai de l’ordre d’un, an afin de préparer le passage aux alternatives thérapeutiques. Il était toutefois recommandé aux professionnels de santé de ne plus prescrire de médicaments contenant du DXP à de nouveaux patients. Finalement, à la suite d’une procédure européenne de réévaluation du rapport bénéfice/risque de tous les médicaments contenant du DXP, la Commission Européenne a demandé le 14 juin 2010 le retrait dans l’Union Européenne dans un délai de 15 mois des AMM de toutes les spécialités contenant cette molécule (au plus tard, septembre 2011),. L’Afssaps avait exprimé ses réserves craignant un éventuel impact négatif de ce retrait en termes de santé publique en France, compte tenu notamment des résultats des études comparatives effectuées sur les effets indésirables et les décès enregistrés avec les principaux antalgiques de palier II. Ces résultats faisaient ressortir que l’association DXP / PC  n’était pas le type de produit présentant le risque le plus élevé au regard du niveau de la consommation, sur la base des données françaises (communiqué de l’Afssaps du 20/07/2010). En pratique, l’Afssaps a décidé de ne pas attendre la fin du délai de 15 mois et envisage de procéder au retrait des spécialités contenant le DXP le 1ermars 2011. Selon l’Agence, les prescripteurs sont invités à reconsidérer la prise en charge antalgique des patients actuellement traités par DXP et à proposer à leurs patients des alternatives…Pour cela, un algorithme a été proposé en décembre 2010 conjointement par l’Afssaps, le Groupe Référent Médecins Généralistes de cette agence, la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD) et la Société Française de Rhumatologie (SFR). Cet arbre décisionnel prévoit en fonction du type de douleur (aiguë ou chronique), de son intensité (légère à intense) une alternative thérapeutique large prévoyant l’administration de paracétamol ou d’AINS seuls, la prescription d’un palier II, voire l’introduction d’un palier III.

   Il est clair que cet exercice peut paraître difficile pour gérer près de 8 millions d’utilisateurs de DXP en France, soit le premier pays consommateur en Europe. Il est surtout surprenant d’attendre la décision de la Commission européenne pour retirer un médicament très fortement implanté dans notre pays alors que le rapport bénéfice-risque de l’association DXP / PC n’a jamais semblé favorable par rapport à d’autres associations de même classe thérapeutique tant sur le plan clinique que pharmacocinétique. Sur le plan clinique, la Sfar avait déjà émis des réserves quant à son efficacité dans l’analgésie postopératoire lors de la CC sur la prise en charge de la douleur postopératoire chez l’adulte et l’enfant de 1997 (« l’évaluation clinique du DXP n’est pas documentée au cours de l’analgésie postopératoire, en dépit d’une large utilisation »). Plus récemment, il a été validé en 2008 lors de la RFE sur la prise en charge de la DPO que le DXP n’apportait aucun bénéfice et ne devait plus être prescrit en postopératoire (« Il n’est plus recommandé d’utiliser le DXP dans l’analgésie postopératoire »). Toutefois, ce médicament n’est pas seulement prescrit en périopératoire eu égard au nombre très élevé d’utilisateurs de l’association DXP / PC dans notre pays. Il suffit de rappeler qu’en 2006, le DXP était au deuxième rang des médicaments remboursables les plus prescrits au Régime général de l’assurance maladie.

   En plus du risque de surdosage, il est enfin indispensable de préciser que l’arrêt brutal d’un traitement chronique par DXP est susceptible d’entrainer comme pour n’importe quel dérivé morphinique, un syndrome de sevrage dont les conséquences peuvent être très sévères. La procédure de substitution du DXP par un autre antalgique ou d’arrêt de ce traitement doit donc être prudente, et doit se référer aux recommandations de décembre 2010, même si celles-ci restent très théoriques…

1- www.afssaps.fr

2- www.sfar.org

Dr Frédéric Aubrun – Comité douleur-ALR de la SFAR (14 janvier 2011)