Mis en ligne le 7 août 2015
Article du mois

Apnea after Awake Regional and General Anesthesia in infants

Andrew J. Davidson et le GAS Consortium groupe. Anesthesiology Juillet 2015.

Par Souhayl DAHMANI, pour le conseil scientifique de la société Française d’Anesthésie et de Réanimation.

Position du problème :
Depuis la publication de la méta analyse de coté en 1995 (1), il est admis que les enfants ex prématuré (< 37 semaines d’aménorrhée) et d’âge corrigé (âge gestationnel + âge de vie) < 60 semaines sont à risque d’apnée postopératoire. Cette donnée ayant entre autre servie comme base pour définir les limites acceptables de la surveillance postopératoire hospitalière et par voie de conséquences à l’éligibilité à l’ambulatoire pour la population des nourrissons. Reste que très peu de données sont à notre disposition sur le risque d’apnée postopératoire des nourrissons à terme en fonction de l’âge corrigé. Compte tenu de la fréquence de la chirurgie de la hernie inguinale dans cette population, la rachianesthésie et plus généralement l’anesthésie par voie locorégianale (ALR) est largement utilisée pour les enfants de moins de 5 Kg afin de diminuer la fréquence de ces apnées. Toutefois, les études réalisées sont de faibles effectifs et très hétérogènes rendant les conclusions très difficiles (2). L’objectif de cette étude était d’étudier la fréquence des apnées postopératoires (jusqu’à 12 heures postopératoires) après chirurgie chez les nourrissons d’âge corrigé < 60 semaines.
Méthode :
Cette étude multicentrique internationale, randomisée contrôlée non aveugle était conçue pour étudier les troubles cognitifs postopératoires à 5 ans après anesthésie par voie locorégionale (rachianesthésie, caudale, bloc ilio-inguinale ou associations) ou anesthésie générale (AG) sans morphiniques. L’étude des apnées postopératoires était donc un objectif secondaire pour lequel aucun calcul d’effectif n’était réalisé. Les patients inclus avaient un âge corrigé < 60 semaines et étaient opérés d’une hernie inguinale avec ou sans circoncision. Ils étaient indemnes de pathologies cardiaques, neurologiques, d’anomalies chromosomiques ou de malformations. La randomisation était stratifiée pour équilibrer les patients en fonction de leur âge corrigé, de leur prématurité (ou non) et du centre. Les patients étaient monitorés pour détecter les apnées (dont la définition était standardisée) de manière standardisée pendant les 30 premières minutes (en SSPI) puis en fonctions des protocoles de chaque centre. L’analyse statistique s’est faite par ajustement à l’âge corrigé et le centre. De plus des analyses en intention de traiter et en per protocole pour les patients du groupe ALR ayant reçu un complément de sédation ou une anesthésie générale étaient réalisées. Les périodes d’analyses étaient totale (toute la période des 12 premières heures postopératoire), précoces (30 mn postopératoires) et tardives (de 30 mn à 12 h postopératoires).
Résultats :
355 patients étaient inclus dans le groupe ALR et 356 dans le groupe AG. En analyse per protocle 286 étaient dans le groupe ALR et 356 dans le groupe AG. La proportion d’ex prématurés était de 55 % dans les deux groupes. Concernant le risque d’apnée postopératoire en analyse en intention de traiter, il était respectivement de 3 %, 1 % et 2 % pour les apnées totales, précoces et tardives dans le groupe ALR. Ce risque était respectivement de 4 %, 3 % et 2 % pour les apnées totales, précoces et tardives dans le groupe AG. Aucune conséquence cérébrale des apnées n’était notée.
En analyse en intention de traiter les Odds Ratios (OR) des apnées postopératoires avec l’ALR étaient respectivement de 0,63 (IC à 95 % : 0,31–1,30) p =0,2133 ; 0,20 (IC à 95 % : 0,05–0,91) p=0,0367 et 1,17 (IC à 95 % : 0,41–3,33) p=0,7688 pour les apnées totales, précoces et tardives. En analyse per protocole ils étaient respectivement de 0,47 (IC à 95 % : 0,17–1,32) 0,1518, 0,07 (IC à 95 % : 0,01–0,84) 0,0359, 1,17 (IC à 95 % : 0,44–3,14) p=0.7521 pour les apnées totales, précoces et tardives. Par contre, un complément de sédation dans le groupe ALR, ne modifiait pas le risque d’apnée dans ce groupe. L’utilisation de l’ALR s’accompagnait également d’une baisse de la fréquence des désaturation et des interventions chez les patients présentant une apnée précoce.
Concernant le statut d’anciens prématurés, l’ALR permettait de réduire l’incidence des apnées précoces dans le groupe des anciens prématurés (réduction du risque relatif : RRR = 0,04 (IC à 95 % : 0,004 – 0,08) mais non chez les nourrissons nés à terme (RRR = 0,006 (IC à 95 % :   -0,006 – 0,02).
Enfin, les facteurs retrouvés comme statistiquement associés à l’apparition d’une apnée postopératoire étaient : la prématurité, l’âge gestationnel, le poids, les antécédents d’apnée et l’absence d’administration de caféine.
Discussion :
Cette étude est la première depuis plus d’une décennie consacrée à ce sujet. Elle permet, en tenant compte des limites que nous allons aborder, de montrer que l’ALR permet de diminuer la fréquence des apnées précoces (0 à 30 mn postopératoire) mains non celle des apnées tardives. Cette constatation est essentiellement pertinente pour les nourrissons ex prématurés. Plusieurs points méritent d’être toutefois soulignés :
1)    La conception de l’étude n’était pas adaptée à cette complication et tout particulièrement aux apnées graves avec nécessité d’intervention. Car en définitif, c’est de ces formes que toutes la morbidité et la mortalité provient.
2)    Le monitorage des patients durant la phase tardive était laissé à l’appréciation du clinicien en fonction des protocoles locaux. Même si on imagine que celle-ci devait au moins comprendre un moniteur de saturation, rien ne le laisse entrevoir dans l’article. Ceci ayant comme conséquence potentielle une sous-estimation du risque d’apnée postopératoire (même si dans ce cas, elle n’avait de caractère de gravité).
3)    Le protocole anesthésique dans le bras AG était sans morphinique ce qui limite le risque d’apnée postopératoire particulièrement à la phase tardive(3).
4)    Enfin, compte tenu des trois premiers points, il est impossible à partir des données de cette étude d’interpréter les résultats de la période tardive. On peut donc comprendre que les auteurs aient essentiellement axé leur analyse sur la période précoce.
5)    Enfin, il manque à cette étude une analyse en sous-groupe plus robuste des enfants non-prématurés. En effet, les données concernant cette population sont rares et les cliniciens se posent souvent la question de leur prise en charge postopératoire (surveillance identique aux enfants ex-prématurés ? Ambulatoire permis plus précocement ?). Le résultat concernant ce point met en évidence l’absence de bénéfice de l’ALR dans cette population. Toutefois, cela ne répond pas à la question de leur surveillance en postopératoire et particulièrement après sortie de SSPI.
En conclusion, l’ALR permet de diminuer l’incidence des apnées postopératoires précoces (en SSPI). Bien que très informative, cette donnée n’est pas la plus importante pour le patient compte tenu de l’étroite surveillance dont ils bénéficient durant cette période. Comme le souligne fort justement les auteurs, cette histoire mérite une suite.

Références Bibliographiques

1.         Coté CJ, Zaslavsky A, Downes JJ, Kurth CD, Welborn LG, Warner LO, et al. Postoperative apnea in former preterm infants after inguinal herniorrhaphy. A combined analysis. Anesthesiology. 1995 Apr;82(4):809–22.
2.         Craven PD, Badawi N, Henderson-Smart DJ, O’Brien M. Regional (spinal, epidural, caudal) versus general anaesthesia in preterm infants undergoing inguinal herniorrhaphy in early infancy. Cochrane Database Syst Rev. 2003;(3):CD003669.
3.         Silins V, Julien F, Brasher C, Nivoche Y, Mantz J, Dahmani S. Predictive factors of PACU stay after herniorraphy in infant: a classification and regression tree analysis. Paediatr Anaesth. 2012 Mar;22(3):230–8.