Mis en ligne le 09 Avril 2012
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Tramadol

Le tramadol a été mis sous surveillance par l’Afssaps après le retrait du dextropropoxyphène (DXP) en mars 2011. Plusieurs articles de presse « grand public » ont été publiés concernant ce médicament, soulignant plusieurs risques : le surdosage avec le décès signalé de plusieurs toxicomanes en 2010 (selon l’Afssaps), un mésusage observé au Moyen Orient (toxicomanie massive à Gaza), et une dépendance physique importante, imposant une prise en charge médicale en cas de sevrage.

La SFAR souhaiterait apporter plusieurs précisions:

1-     Lors du retrait du dextropropoxyphène (DXP) contenu notamment dans le Diantalvic ®, certains patients, parmi les 8 millions de consommateurs réguliers en France, se sont reportés vers d’autres antalgiques de palier II dont le tramadol. Cette évolution était certainement attendue mais aussi souhaitable dans certains cas. En effet, il est bon de rappeler que le sevrage brutal en DXP (apparition d’hallucinations, d’agitation…) a été décrit à plusieurs reprises dans la littérature et que de nombreux patients consommant régulièrement ce médicament ont dû bénéficier d’une prescription de codéine, de Lamaline® ou de tramadol, évitant certainement un sevrage tant redouté par les acteurs de soins. Il n’est donc pas étonnant que la consommation en tramadol ait mathématiquement augmenté à la suite du retrait du DXP. A ce titre, la SFAR a publié en 2009 un référentiel (www.sfar.org) sur la gestion périopératoire des dispositifs médicaux et des traitements dans lequel il est proposé un tableau d’équivalence et de conversion des morphiniques. Il faut savoir que 60 mg de DXP sont équivalents à 60 mg de codéine, à 50 – 60 mg de tramadol peros et à 10 mg de morphine orale. Ces équivalences permettent à la fois aux cliniciens de réaliser une substitution adéquate et de prédire (partiellement) l’importance de l’augmentation de consommation de tramadol.

2-     Le tramadol est un dérivé morphinique de palier II selon la classification de l’OMS, offrant de nombreuses formes galéniques et de nombreux dosages s’échelonnant entre 37,5 mg et 200 mg. Le tramadol nécessite l’application des précautions d’emploi habituelles des agents morphiniques. Tout prescripteur doit connaitre les règles générales de prescription et de surveillance de ce médicament qui bien que défini comme « morphinique faible » ne peut être prescrit sans ordonnance. Il n’est donc pas étonnant que des cas de dépendance physique soient décrits dans la littérature. Depuis plusieurs années, des auteurs soulignent les risques de sevrage brutal de ces médicaments, comme pour le DXP. Il n’y a donc aucun fait nouveau si ce n’est l’augmentation du nombre de patients recevant ce traitement. Enfin, les patients français ne sont pas responsables d’un mésusage dans d’autres pays tels qu’au Moyen-Orient.

3-     Lors du retrait du DXP, un algorithme a été proposé en décembre 2010 conjointement par l’Afssaps, le Groupe Référent Médecins Généralistes de cette agence, la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD) et la Société Française de Rhumatologie (SFR). Cet arbre décisionnel prévoyait en fonction du type de douleur (aiguë ou chronique), de son intensité (légère à intense) une alternative thérapeutique large incluant notamment l’administration d’un palier II, dont le tramadol : « Lorsque la douleur était contrôlée avec une posologie supérieure à 4 gélules par jour de l’associationDXP/paracétamol (30 mg/400 mg) ou DXP/paracétamol/caféine (27 mg/400 mg/30 mg)Afin de prévenir un éventuel syndrome de sevrage et de maintenir une efficacité antalgique, un traitement antalgique de palier II (tramadol associé ou non au paracétamol, codéine associée au paracétamol,poudre d’opium associée au paracétamol, ou éventuellement dihydrocodéine) peut être proposé d’emblée à dose moyenne ».  Il est peu habituel de recommander un médicament tout en le mettant sous surveillance.

4-     Si le tramadol devait être retiré de la pharmacopée en France, la logique voudrait que la codéine soit mise sous surveillance, car mathématiquement sa consommation augmentera. Il ne resterait donc plus que la morphine pour soigner toutes les douleurs modérées à sévères, de la rage de dent à la chirurgie du rachis en passant par toutes les formes de douleur chronique. Les antalgiques de palier II ont toute leur place dans la gestion de la douleur périopératoire ou de toute douleur dont l’intensité est trop élevée pour être soulagée par des antalgiques de palier I ou dont la sévérité modérée ne nécessite pas le recours à la morphine dont on connait très bien les risques de mésusage, de surdosage ou de sevrage.