Mis en ligne le 7 Juillet 2008
Questions Fréquentes

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Pr Nicolas Bruder
Anesthésie Réanimation Hôpital de la Timone adultes
MARSEILLE

 

Question 1 – Quelles sont les indications du monitorage de la PIC ?

Chez le patient traumatisé crânien (TC), il existe des indications consensuelles de monitorage de la PIC, définies dans les RPC de 1999 : « Les patients présentant un TC avec coma (score de Glasgow entre 3 et 8) et une TDM cérébrale anormale devraient bénéficier d’un monitorage de la PIC. Les patients comateux avec une TDM cérébrale normale ont un risque beaucoup plus faible d’HIC sauf s’ils présentent deux ou plus des éléments suivants à l’admission : âge supérieur à 40 ans, mouvements d’extension uni- ou bilatéraux, PAS inférieure à 90 mm Hg » (1,2). Ceci signifie que les patients jeunes ayant une TDM normale (ou pratiquement normale) ne justifient pas obligatoirement d’un monitorage de la PIC. En pratique on estime qu’un monitorage de la PIC chez plus de 60 % des TC graves est adéquat. Il a été montré, aux Etats-Unis, que l’adhérence aux recommandations s’améliorait en ce qui concerne le monitorage de la PIC et il en est très probablement de même en France (3). Il existe à l’évidence d’autres indications de monitorage non consensuelles (hématome intracrânien, accident vasculaire ischémique avec risque d’engagement, hémorragie méningée, œdème cérébral …). Le monitorage de la PIC étant relativement sûr, il semble logique de le proposer à chaque fois qu’une hypertension intracrânienne est suspectée, ce qui permet de déterminer la pression de perfusion cérébrale (PPC = PAM – PIC). Il faut respecter les contre indications : troubles de la coagulation, risque infectieux local.

1. Quelles sont les indications et les modalités des différentes techniques de monitorage ? Ann Fr Anesth Reanim 1999 ;18:85-105.
2. Guidelines for the management of severe traumatic brain injury. VI. Indications for intracranial pressure monitoring. J Neurotrauma 2007 ;24 Suppl 1:S37-44.
3. Hesdorffer DC, Ghajar J. Marked improvement in adherence to traumatic brain injury guidelines in United States trauma centers. J Trauma 2007 ;63:841-7 ; discussion 7-8.

Question 2 – Comment doit-on mesurer la PIC ? – Utilité des méthodes non invasives

Le système de référence pour la mesure de la PIC est le cathétérisme ventriculaire relié à un capteur de pression, dont le niveau du zéro de référence est approximativement celui du trou de Monroe. Les capteurs intraparenchymateux ont une fiabilité clinique pratiquement équivalente à celle du drain ventriculaire. Leur limite est l’absence de recalibration possible in vivo pouvant expliquer une dérive au-delà de 7 jours de monitorage. Le choix entre les 2 méthodes dépend essentiellement de la possibilité thérapeutique de soustraire du LCR par le drain ventriculaire. Celui-ci expose cependant à un plus grand risque de complications : ventriculites (au mieux 5 % et jusqu’à 20 % dans certaines études), complications hémorragiques (0,5 % à 1 %), risque de lésions liées aux ponctions multiples ou aux trajets aberrants. Une limite importante des cathéters ventriculaires couplés à une mesure par un système électronique est l’erreur sur la mesure lors du drainage ventriculaire. Il est clair que l’ouverture du système de drainage a pour objectif de diminuer la PIC. Mais lorsque le système est ouvert, la valeur de la PIC donnée par le système électronique est artificiellement diminuée, donnant une fausse impression de sécurité. Il est impératif de clamper le drainage pour mesurer la « vraie » PIC (4). Ces systèmes d’un coût prohibitif sont donc à mon avis dangereux et à ne pas utiliser. D’autres méthodes d’évaluation de la PIC ont été décrites (Pression intraoculaire, Doppler transcrânien …) (5,6). La seule méthode utilisée est le Doppler qui donne une évaluation de la PPC (mais pas de la PIC). Sa fiabilité pour évaluer la PIC est médiocre et le Doppler ne permet pas un monitorage continu. Il ne peut donc être qu’un examen de débrouillage à la phase initiale de la prise en charge ou éventuellement pour poser l’indication du monitorage chez un patient qui s’aggrave cliniquement (7).

4. Birch AA, Eynon CA, Schley D. Erroneous intracranial pressure measurements from simultaneous pressure monitoring and ventricular drainage catheters. Neurocrit Care 2006 ;5:51-4.
5. Czarnik T, Gawda R, Latka D, Kolodziej W, Sznajd-Weron K, Weron R. Noninvasive measurement of intracranial pressure : is it possible ? J Trauma 2007 ;62:207-11.
6. Splavski B, Radanovic B, Muzevic D, Has B, Janculjak D, Kristek J et al. Assessment of intra-cranial pressure after severe traumatic brain injury by transcranial Doppler ultrasonography. Brain Inj 2006 ;20:1265-70.
7. Ract C, Le Moigno S, Bruder N, Vigue B. Transcranial Doppler ultrasound goal-directed therapy for the early management of severe traumatic brain injury. Intensive Care Med 2007 ;33:645-51.

Question 3 – Quel est le seuil de traitement de l’hypertension intracrânienne ?

La valeur normale de la PIC est comprise entre 0 et 10 mm Hg. Plusieurs seuils de traitement de l’HIC ont été proposés (15, 20, 25 mm Hg). Ceci ne repose que sur les études rétrospectives ayant constamment montré une aggravation du pronostic neurologique chez les TC lorsque la PIC était supérieure à 20 mm Hg de manière prolongée. Dans les études cliniques permettant de relier des mesures du volume cérébral et de la PIC, le « genou » de la courbe pression volume (courbe de Langfitt), à partir duquel l’augmentation de la pression est exponentielle se situe entre 20 et 25 mm Hg. Ces valeurs correspondent donc à l’épuisement des réserves de compliance cérébrale justifiant probablement une attitude plus « agressive ». Ces valeurs ne sont qu’indicatives, et les chiffres doivent être évalués en fonction de leur évolution et des autres données du monitorage (8). C’est probablement la confrontation de plusieurs données qui donne la meilleure indication thérapeutique. La valeur de la PPC est certainement plus importante à prendre en compte que la valeur isolée de la PIC. Les autres éléments essentiels apportés par le monitorage sont ceux témoignant de la circulation et du métabolisme cérébral (vitesses circulatoires et saturation en oxygène du golfe jugulaire, pression interstitielle cérébrale en oxygène).

8. Czosnyka M, Smielewski P, Timofeev I, Lavinio A, Guazzo E, Hutchinson P et al. Intracranial pressure : more than a number. Neurosurg Focus 2007 ;22:E10.

Question 4 – Comment interpréter une valeur de PIC élevée

Une valeur isolée de PIC n’a probablement aucune signification. Il est important de prendre en compte sa durée, la valeur de la PAM, la cause de l’augmentation de la PIC, le retentissement clinique et circulatoire de l’hypertension intracrânienne. Dans certaines pathologies (HIC « bénigne »), la PIC peut être supérieure à 30 mm Hg de manière prolongée pendant la nuit. Ceci entraîne des conséquences à long terme (cécité) mais les patients ont une vie normale lors du diagnostic. Il faut donc considérer la PIC comme un signal d’alarme plus que comme une valeur déclenchant une thérapeutique obligatoire. En pratique, une augmentation de la PIC doit faire contrôler la valeur de la capnie, l’oxygénation, la natrémie (ou l’osmolarité sanguine), la température, l’existence d’une agitation ou d’une hypertonie musculaire sévère. En l’absence de ces causes en général facilement curables, une TDM cérébrale doit éliminer rapidement une complication chirurgicale. Ce n’est qu’après ces étapes qu’un traitement spécifique de l’HIC peut être envisagé.

Question 5 – Le traitement de l’hypertension intracrânienne améliore-t-il le pronostic ?

Du fait de l’impossibilité de réaliser des études prospectives et randomisées sur l’utilité d’un traitement de l’HIC basé sur la mesure de la PIC, il n’est pas possible de donner une réponse unique à cette question. L’étude prospective de Cremer et al. a bien montré les risques liés à un traitement excessif des chiffres. Dans cette étude, les auteurs comparaient 2 centres hollandais ayant des prises en charge différentes. Dans le centre A, la PIC était très peu monitorée et les patients étaient évalués cliniquement et grâce à l’imagerie. Dans le centre B, le monitorage de la PIC était la règle avec des objectifs précis de PIC et de PPC. L’absence de différence en terme de morbidité et de mortalité entre les 2 centres pourrait être expliqué par l’absence de randomisation. En revanche, la durée de ventilation et de séjour en réanimation était très significativement plus longue dans le centre B, et à l’évidence excessive (9). Ceci montre les dangers de se fier exclusivement à des chiffres en perdant de vue l’examen clinique et les données de l’imagerie qui restent des éléments incontournables d’appréciation de la gravité. En aucun cas, une décision thérapeutique grave, mais souvent sous estimée par les réanimateurs, de prolonger ou d’approfondir la sédation ne devrait être prise sur un simple chiffre de pression intracrânienne.

9. Cremer OL, van Dijk GW, van Wensen E, Brekelmans GJ, Moons KG, Leenen LP et al. Effect of intracranial pressure monitoring and targeted intensive care on functional outcome after severe head injury. Crit Care Med 2005 ;33:2207-13.

Pr Nicolas Bruder