Mis en ligne le 4 Mai 2009
Questions Fréquentes

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Marc Leone
Service d’anesthésie et de réanimation, Hôpital Nord, Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille, Université de la Méditerranée, Marseille

Question 1 – Comment définir une infection urinaire en réanimation ?

Question 2 – Quelles sont les bactéries responsables d’infection urinaire sur sonde ?

Question 3 – Comment diagnostiquer l’infection urinaire sur sonde ?

Question 4 – Comment prévenir l’infection urinaire sur sonde ?

Question 5 – Faut-il utiliser des sondes imprégnées d’antiseptique ? Faut-il utiliser des systèmes clos ?

Question 6 – Faut-il utiliser des rinçages de la vessie (irrigation vésicale) avec des antiseptiques pour prévenir ou traiter une infection urinaire sur sonde ?

Question 7 – Faut-il traiter par antibiotique une bactériurie asymptomatique ?

Question 8 – Faut-il changer une sonde urinaire chez un patient ayant une bactérie asymptomatique ?

Question 9 – Quand traiter une infection urinaire sur sonde ?

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Question 1 – Comment définir une infection urinaire en réanimation ?

En anesthésie et réanimation, le champ d’application de l’infection urinaire est centré sur l’infection associée à un cathéter. Selon le Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins, la bactériurie est définie comme un nombre égal ou supérieur à 105 organismes par mL d’urine avec au plus deux espèces différentes. Cette définition ne prend pas en compte la symptomatologie clinique ni le nombre de leucocytes dans les urines. Il est important de souligner ce dernier point, la présence de la sonde invalidant la pertinence de cette variable.
Pour la pratique de l’anesthésiste et du réanimateur, une infection urinaire est symptomatique si elle est associée à un syndrome inflammatoire (i.e. la présence de deux des quatre signes suivants : fièvre ou hypothermie, hyperleucocytose ou leucopénie ou plus de 10 % de formes immatures des lignées blanches, tachycardie, tachypnée ou ventilation mécanique). La fièvre, une douleur sus-pubienne, des brulures mictionnelles, une pollakiurie ou une impériosité mictionnelle sont les critères habituellement retenus pour définir une infection urinaire symptomatique. Ils doivent être considérés devant tout patient interactif. Ils ne sont probablement pas valides chez la plupart des patients de réanimation.

Question 2 – Quelles sont les bactéries responsables d’infection urinaire sur sonde ?

Les bactéries les plus fréquemment identifiées lors des infections urinaires en réanimation sont : Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa, et Enterococcus species. L’infection est polymicrobienne dans 5 à 12 % des cas. E. coli est le grand pourvoyeur d’infection urinaire. Il faut être vigilant sur les résistances développées par cette bactéries, en particulier chez les patients ayant des antécédents d’infection urinaire à répétition, chez ceux vivant dans des centres médicalisés et chez l’ensemble des patients ayant séjourné quelques jours à l’hôpital. Pour cette raison, en cas de traitement probabiliste, il faut privilégier des antibiothérapies à large spectre dans ces catégories de patients.

Question 3 – Comment diagnostiquer l’infection urinaire sur sonde ?

La culture des urines est la référence pour le diagnostic d’une infection urinaire. Il ne faut pas effectuer une surveillance quotidienne. La recherche systématique d’une bactériurie n’est pas recommandée chez les patients asymptomatiques porteurs d’un cathéter urinaire.
Les bandelettes urinaires détectent l’activité estérase (indicateur de pyurie) et la production de nitrites (indicateur de bactériurie). Une stratégie de détection des bactériuries basée sur l’utilisation de bandelettes urinaires est rapide avec un rapport coût / bénéfice favorable. Il ne faut pas utiliser une bandelette urinaire en cas de suspicion de sepsis grave à point de départ urinaire, nécessitant l’identification certaine de la bactérie. Les patients en sepsis grave nécessitent le recueil d’un échantillon d’urines afin de le mettre en culture sans avoir omis de demander un examen direct par coloration de Gram.

Question 4 – Comment prévenir l’infection urinaire sur sonde ?

La première règle est de réduire la durée de sondage en s’interrogeant chaque jour sur son utilité. Les données de la littérature montrent actuellement que des systèmes alternatifs comme l’étui pénien pour les hommes et le sondage intermittent diminuent l’incidence des infections urinaires. Si ces systèmes sont utilisés, il faut surveiller les patients avec attention afin qu’ils ne développent pas de globe urinaire.

Question 5 – Faut-il utiliser des sondes imprégnées d’antiseptique ? Faut-il utiliser des systèmes clos ?

Les cathéters sont imprégnés d’antibiotique ou de sels d’argent. Ce type de matériau augmente les coûts de la prise en charge pour un bénéfice faible en terme de durée de séjour et de mortalité. L’impact écologique reste inconnu. En réanimation, leur supériorité sur des cathéters standards reste à démontrer. Il ne faut donc pas les utiliser, en dehors d’indications spécifiques (échec de l’ensemble des autres mesures en cas d’épidémie). Les cathéters en silicone sont les moins traumatisants en terme de complications mécaniques. Il faut que le système de recueil des urines reste clos. Il n’y a par contre aucun intérêt à utiliser des systèmes de recueil complexes et coûteux.

Question 6 – Faut-il utiliser des rinçages de la vessie (irrigation vésicale) avec des antiseptiques pour prévenir ou traiter une infection urinaire sur sonde ?

L’objectif de l’irrigation vésicale par des solutions contenant des antibiotiques est d’éliminer les bactéries du tractus urinaire. Une étude a randomisé des patients recevant ou non une irrigation vésicale par néomycine et polymyxine. Le résultat de cette étude était négatif ; mais les bactéries identifiées chez les patients traités irrigation étaient plus résistantes que celles identifiées dans le groupe contrôle. Une autre étude évaluant l’efficacité de l’irrigation vésicale par solution iodée en période périopératoire (urologie) s’est également avérée négative. Par conséquent, il ne faut pas utiliser les techniques d’irrigation vésicale en anesthésie (période périopératoire) et réanimation.

Question 7 – Faut-il traiter par antibiotique une bactériurie asymptomatique ?

Le risque de développer un urosepsis chez un patient ayant une bactériurie est d’environ 10 %. L’administration d’une courte antibiothérapie est associée à une diminution du nombre de patients avec une bactériurie au septième jour après ce traitement, mais le taux de bactériurie est identique au 14e jour. Il ne faut donc pas traiter par antibiotiques les bactériuries asymptomatiques pour prévenir la survenue d’un urosepsis. _ Toutefois, on doit noter plusieurs points :
— la recherche systématique d’une bactériurie est inutile chez le patient symptomatique,
— l’administration d’une antibiothérapie de trois jours n’est pas associée à l’émergence de résistances bactériennes, rendant pertinente la discussion d’un traitement court en cas d’épidémie bactérienne afin de diminuer l’inoculum bactérien dans une unité donnée,
— le traitement par antibiotique d’une bactériurie asymptomatique est justifié avant une chirurgie programmée avec mise en place de matériel étranger (prothèse orthopédique par exemple) ou manipulation des voies urinaires.

Question 8 – Faut-il changer une sonde urinaire chez un patient ayant une bactérie asymptomatique ?

Le changement du cathéter, sans associer traitement par antibiotique, est une « fausse bonne idée ». En effet, des bactériémies ont été associées à des changements de sonde urinaire. Le changement d’une sonde chez un patient ayant une bactériurie asymptomatique peut donc conduire à la propagation systémique de la bactérie jusqu’alors contenue dans le système urinaire. Il n’est pas recommandé de changer une sonde urinaire chez un patient ayant une bactériurie asymptomatique.
En revanche, il n’existe aucun élément décisionnel dans la littérature pour préconiser ou non un changement de sonde chez le patient symptomatique, mais par extension des pratiques lors d’une infection liée à un matériel étranger, on recommande de changer la sonde deux à quatre heures après administration de la première dose d’antibiotique chez le patient en sepsis.

Question 9 – Quand traiter une infection urinaire sur sonde ?

Il faut traiter une infection urinaire sur sonde quand le patient est symptomatique, i.e. après mise en évidence de signes d’inflammation systémique (i.e. la présence de deux des quatre signes suivants : fièvre ou hypothermie, hyperleucocytose ou leucopénie ou plus de 10 % de formes immatures des lignées blanches, tachycardie, tachypnée ou ventilation mécanique). En préalable, un examen cytobactériologique des urines avec examen direct (Gram) et des hémocultures sont demandés. Les autres foyers infectieux potentiels sont systématiquement analysés pour être éliminés (poumon, site opératoire, accès vasculaires…). Des dosages de la créatinine plasmatique et urinaire sont demandés pour apprécier le retentissement de l’infection. Un examen complémentaire est nécessaire dès la mise en route du traitement pour éliminer une infection du haut appareil urinaire (uroscanner en l’absence de contre-indication / échographie rénale).
En cas d’atteinte exclusive du bas appareil, un traitement court (cinq jours) par un seul antibiotique (en dehors d’un sepsis grave) est licite. Il est impératif d’analyser l’ensemble des données du patient pour avoir la certitude de ce diagnostic. Chez l’homme, toute infection urinaire basse fait évoquer une prostatite. Le diagnostic est difficile en réanimation. En péri-opératoire, il nécessite une consultation spécialisée. En cas de doute diagnostic, des examens complémentaires peuvent être utiles : échographie, IRM. La durée de traitement est alors allongée (21 à 28 jours).
En cas d’atteinte du haut appareil, une bi-antibiothérapie est classiquement recommandée. La durée totale de traitement est alors de 14 jours. En l’absence de sepsis grave ou de choc septique, les fluoroquinolones par voie orale sont le traitement de choix.

Marc Leone