Mis en ligne le 14 Janvier 2010
Questions Fréquentes

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Professeur P.Y. GUEUGNIAUD
Service d’Anesthésie Réanimation. CHU Lyon Sud
69495 Pierre-Bénite Cedex mail : pierre-yves.gueugniaud@chu-lyon.fr

 

Question 1 – La RCP initiale doit-elle toujours débuter par la ventilation ?

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Question 1 – La RCP initiale doit-elle toujours débuter par la ventilation ?

Non, la ventilation est devenue secondaire par rapport au massage cardiaque externe (MCE). La RCP initiale, dite « de base », doit être réalisée par le premier témoin d’un arrêt cardiaque (AC). Son objectif au travers de ces gestes de suppléance est de permettre une circulation de sang oxygéné suffisante pour aboutir au retour d’une activité circulatoire spontanée. Cette réanimation devait débuter par deux insufflations avant d’enchaîner une alternance de MCE et de ventilation selon une séquence de 15/2 jusqu’à l’arrivée de secours professionnelles. Dans les nouvelles recommandations publiées par l’ILCOR en 2005, cette séquence a été modifiée pour privilégier la durée du MCE en proposant des séquences à 30/2 [1]. Le MCE est devenu l’élément essentiel de la RCP, à tel point que le MCE réalisé en continu sans ventilation est considéré comme suffisant en cas d’AC d’origine cardiaque et ce, au moins pendant les 4 à 5 premières minutes de la RCP. Deux vastes études prospectives ont en effet montré l’amélioration du pronostic lorsque les 1ers témoins non formés à la RCP effectuent un MCE seul dans l’attente des secours spécialisés. [2,3].
En limitant la phase initiale de la RCP de base au MCE, les experts choisissent également de simplifier le message pédagogique à diffuser au niveau du grand public.

[1] 2005 International Guidelines Conference on Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardiovascular Care Science. Part 2 : Adult basic life support. Circulation 2005 ; 112 : III-5-III-16.
[2] Hallstrom A, Cobb L, Johnson E, Copass M : Cardiopulmonary resuscitation by chest compression alone or with mouth-to-mouth ventilation. N Engl J Med 2000 ; 342 : 1546-53
[3]. SOS-KANTO study group. Cardiopulmonary resuscitation by bystanders with chest compression only (SOS-KANTO) : an observational study. Lancet 2007 ; 369 : 920-6

Question 2 – La défibrillation précoce est-elle toujours un objectif prioritaire de la RCP ?

La précocité de la réalisation d’un choc électrique externe reste un élément prioritaire de la prise en charge des AC par fibrillation ventriculaire. Cette constatation a justifié la mise en place de défibrillateurs semi-automatiques et la légalisation en France de son utilisation par des non médecins [1]. Actuellement, l’évolution se fait vers des défibrillateurs entièrement automatiques pouvant être utilisés non seulement par des paramédicaux, mais également par le grand public non formé comme l’autorise un décret récent [2]. La technologie de ces appareils a également évolué. Les ondes biphasiques ont en effet remplacé les ondes monophasiques traditionnelles du fait d’une meilleure efficacité tout en utilisant des intensités plus basses. Ainsi, les recommandations préconisent des chocs à intensité constante (et non plus croissante) variant entre 150 et 200 joules, ainsi que la réalisation d’un seul choc électrique (et non plus des séries de 3 chocs successifs) [3]. Après chaque choc électrique une période de RCP de 2 minutes doit être immédiatement débutée sans rechercher la réapparition d’un pouls, vérification ne se faisant, en l’absence de signes cliniques évidents de reprise d’activité circulatoire efficace, qu’à l’issue de cette séquence de 2 minutes [4].

[1] Décret n° 98-239 du 27 mars 1998 fixant les catégories de personnes non médecins habilités à utiliser un défibrillateur semi-automatique. JO n° 79 du 3 avril 1998.
[2] Décret n° 2007-705 du 4 mai 2007 relatif à l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes par des personnes non médecins et modifiant le code de la santé publique (NOR : SANP0721586D)
[3] Tang W, Snyder D, Wang J, Huang L, Chang YT, Sun S, Weil MH. One-shock versus three-shock defibrillation protocol significantly improves outcome in a porcine model of prolonged ventricular fibrillation cardiac arrest. Circulation 2006 ; 113 : 2683-9.
[4] 2005 International Guidelines Conference on Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardiovascular Care Science. Part 3 : Defibrillation. Circulation 2005 ; 112 : III-17-III-24.

Question 3 – La vasopressine remplace-t-elle l’adrénaline dans le traitement de l’AC ?

Non, l’arginine-vasopressine n’a pas montré sa supériorité par rapport à l’adrénaline dans le traitement de l’AC. La vasopressine a été proposée comme alternative à l’adrénaline il y a plusieurs années. En dépit de travaux expérimentaux et cliniques prometteurs, 2 grandes études randomisées n’ont pas pu montrer de bénéfice en terme de récupération d’activité circulatoire spontanée ou de survie en faveur de la vasopressine en comparaison avec l’adrénaline, que l’AC ait lieu en intra ou en extra-hospitalier [1,2]. De même, il a été récemment montré que l’association adrénaline – vasopressine n’améliorait pas le taux de récupération par rapport à l’utilisation de l’adrénaline seule [3]. Ce résultat négatif obtenu sur une étude monocentrique extra-hospitalière ayant inclus 325 AC est confirmé par une vaste étude multicentrique française où environ 2900 AC extra-hospitaliers ont été inclus [4]. En somme, il n’existe pas de données scientifiques suffisantes pour recommander l’utilisation de la vasopressine comme alternative ou en association avec l’adrénaline quelle que soit la forme d’AC. Les autres vasopresseurs (noradrénaline, endothéline, …) ne sont pas non plus recommandés comme alternative à l’adrénaline. L’adrénaline reste donc actuellement par défaut le médicament de référence de l’AC qui doit être utilisé sous forme de bolus de 1 mg à injecter toutes les 4 minutes environ, doses pouvant éventuellement être augmentées en cas d’inefficacité des premières injections.

[1] Stiell IG, Hebert PC, Wells GA, Vandemheen KL, Tang AS, Higginson LA, Dreyer JF, Clement C, Battram E, Watpool I, Mason S, Klassen T, Weitzman BN. Vasopressin versus epinephrine for inhospital cardiac arrest : a randomised controlled trial. Lancet 2001 ; 358 : 105-9.
[2] Wenzel V, Krismer AC, Arntz HR, Sitter H, Stadlbauer KH, Lindner KH, for the European Resuscitation Council Vasopressor during Cardiopulmonary Resuscitation Study Group. A comparison of vasopressin and epinephrine for out-of-hospital cardiopulmonary resuscitation. target= »_blank »>N Engl J Med 2004 ; 350 : 105-13.
[3] Callaway CW, Hostler D, Doshi AA, Pinchalk M, Roth RN, Lubin J, Newman DH, Kelly LJ. Usefulness of vasopressin administered with epinephrine during out-of-hospital cardiac arrest. Am J Cardiol 2006 ; 98 : 1316-21.
[4] Gueugniaud PY, David JS, Chanzy E, et al. Vasopressin and epinephrine vs. epinephrine alone in cardiopulmonary resuscitation. N Engl J Med. 2008 Jul 3;359(1):21-30

Question 4 – De combien de médicaments doit on disposer pour traiter un AC ?

En dehors de l’adrénaline, un seul produit est indispensable pour le traitement d’un AC : l’amiodarone. Il est proposé d’administrer l’amiodarone après le 2e choc électrique externe à la posologie de 300 mg en IV lente en cas de fibrillation ventriculaire résistante aux chocs électriques et à une 1ère dose d’adrénaline. L’amiodarone aura été au préalable diluée dans 20 mL de soluté glucosé à 5 %. Une deuxième injection de 150 mg peut être faite si la première est inefficace. En effet, l’amiodarone en comparaison avec la lidocaïne ou avec un placebo est capable d’augmenter la survie à court terme des fibrillations ventriculaires [1,2]. Son efficacité après un seul choc électrique externe, ainsi que le meilleur moment pour l’administrer ne sont pas connus. Il n’y a par ailleurs pas d’argument scientifique suffisant pour recommander ou déconseiller l’usage de magnésium durant l’AC. En conséquence, il est proposé de n’administrer du sulfate de magnésium qu’en cas d’hypomagnésémie connue ou de torsades de pointes, sous forme alors d’un bolus intraveineux de 2 à 3 g.
Tout autre produit n’a pas d’indication systématique : il n’y a pas de preuve scientifique pour recommander l’usage de l’atropine, de l’aminophylline, du calcium, ou des solutés de bicarbonate. L’administration de thrombolytiques n’est pas non plus recommandée, sauf dans le cas d’un AC par embolie pulmonaire massive prouvée ou fortement suspectée.

[1] Kudenchuk PJ, Cobb LA, Copass MK, Cummins RO, Doherty AD, Fahrenbruch CE, Hallstrom AP, Murray WA, Olsufka M, Walsh T. Amiodarone for resuscitation after out-of-hospital cardiac arrest due to ventricular fibrillation. N Engl J Med 1999 ; 341 : 871-8.
[2] Dorian P, Cass D, Schwartz B, Cooper R, Gelaznikas R, Barr A. Amiodarone as compared with lidocaine for shock-resistant ventricular fibrillation. N Engl J Med 2002 ; 346 : 884-90.

Question 5 – Existe-t-il une prise en charge thérapeutique spécifique pour la réanimation post-AC ?

L’obtention ou le maintien d’une homéostasie, en particulier sur le plan métabolique (glycémie), représente un objectif majeur de la réanimation post AC. Le maintien de paramètres hémodynamiques et ventilatoires normaux est essentiel, de même que la lutte contre l’hyperthermie.
Une hypothermie induite (entre 32 et 34°C ) pendant 12 à 24 h doit être réalisée le plus tôt possible chez les adultes victimes d’AC [1,2]. Lorsqu’une hypothermie thérapeutique est réalisée, il est nécessaire de pratiquer une curarisation en association avec la sédation.
Enfin, le syndrome coronaire aigu étant la cause la plus fréquente d’AC extra-hospitalier, l’indication de coronarographie doit être évoquée en fonction du contexte clinique dès la prise en charge pré-hospitalière [3].

[1] Bernard SA, Gray TW, Buist MD, Jones BM, Silvester W, Gutteridge G, Smith K : Treatment of comatose survivors of out-of-hospital cardiac arrest with induced hypothermia. N Engl J Med 2002 ; 346 : 557-63
[2] The Hypothermia After Cardiac Arrest Study Group. Mild therapeutic hypothermia to improve the neurologic outcome after cardiac arrest. N Engl J Med 2002 ; 346 : 549-56
[3]. Spaulding CM, Joly LM, Rosenberg A, Monchi M, Weber SN, Dhainaut JF, Carli P : Immediate coronary angiography in survivors of out-of-hospital cardiac arrest. N Engl J Med 1997 ; 336 : 1629-33

Question 6 – La prise en charge de l’AC intra-hospitalier est-elle codifiée en France ?

Oui, il existe en France des recommandations pour l’organisation de la prise en charge des urgences vitales intra-hospitalières. Un numéro unique d’alerte, si possible abrégé, doit être disponible 24 h / 24 dans tout établissement de santé. L’organisation de la prise en charge intra-hospitalière de l’AC repose sur une équipe spécifique médicalisée, formée et entraînée à la RCP. Elle est munie du matériel nécessaire à la réalisation d’une RCP médicalisée en complément du matériel disponible sur place dans le chariot d’urgence. Un défibrillateur automatisé externe, si possible débrayable en mode manuel, doit être disponible sur un chariot d’urgence dans tous les services ou unité. Son utilisation est recommandée pour faciliter les défibrillations précoces des victimes en AC au sein de l’hôpital. Dans l’attente de l’équipe médicale, la RCP doit être débutée par l’équipe paramédicale du service et le chariot d’urgence doit être amené au chevet du patient, si possible avec le défibrillateur automatisé externe. Pour un patient hospitalisé, les méthodes orales de ventilation ne sont pas recommandées. La ventilation artificielle réalisée par les professionnels de santé est alors effectuée à l’aide d’un insufflateur manuel. L’absence de matériel de ventilation ou l’inefficacité de la ventilation justifie de débuter la RCP par des compressions thoraciques réalisées en continu dans l’attente de l’arrivée de l’équipe pré-hospitalière.