Mis en ligne le 6 Février 2009
Questions Fréquentes

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Dr Franck Petitpas
Département d’anesthésie-réanimation, CHU de Poitiers

 

Question 1 – Parlons nous tous de la même chose ?

Question 2 – Quelle est l’origine de l’infection ?

Question 3 – Quel bilan d’imagerie faut-il faire et quand ?

Question 4 – Quelle est la base du traitement ?

Question 5 – L’oxygénothérapie hyperbare a t-elle encore une place ?

Question 6 – La médiastinite est-elle une fatalité ?

Question 7 – Faut il privilégier certains types de pansements ?

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Question 1 – Parlons nous tous de la même chose ?

Le terme de cellulite cervicale regroupe des entités anatomo-pathologiques variées allant d’une atteinte du derme superficiel jusqu’aux muscles. La dermo-hypodermite bactérienne avec atteinte nécrosante de l’aponévrose et parfois des muscles sous jacents est la forme la plus grave et celle qui conduit à une hospitalisation en réanimation. On l’appelle aussi fasciite nécrosante. La vascularisation du tissu sous cutané est le siège de thromboses qui diminuent localement le flux sanguin, favorisant la multiplication des bactéries anaérobies. De ce fait, l’extension de l’infection est très rapide justifiant le caractère urgent d’une prise en charge adaptée.

1. Erysipèle et fasciite nécrosante : prise en charge. Conférence de consensus. Ann Dermatol Venereol 2001 ; 128 : 463-482.

Question 2 – Quelle est l’origine de l’infection ?

L’origine peut être dentaire ou pharyngée (angine, phlegmon, abcès dentaire,…) et les microorganismes impliqués sont des saprophytes de la sphère oro-pharyngée. Dans la plupart des cas, l’infection est mixte avec des bactéries aérobies et des bactéries anaérobies. On y retrouve principalement des streptocoques du groupe milleri (anginosus, constellatus, intermedius), des streptocoques pyogènes et quelques staphylocoques dorés ou à coagulase négative et des Prevotella [1]. La production de gaz par certaines bactéries favorise l’extension de l’infection par dissection des tissus.

1. Fihman V, Raskine L, Petitpas F, Mateo J, Kania R, Gravisse J, Resche-Rignon M, Farhat I, Berçot B, Payen D, Sanson-Le Pors MJ, Herman P, Mebazaa A. Cervical necrotizing fasciitis : 8-years’ experience of microbiology. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2008 ; 27 : 691-5.

Question 3 – Quel bilan d’imagerie faut-il faire et quand ?

Le bilan iconographique a pour but de guider le traitement chirurgical. Une tomodensitométrie thoraco-cervicale doit être réalisée dès l’hospitalisation du patient, avec injection de produit de contraste idéalement au niveau du membre supérieur gauche afin de bien opacifier le tronc brachio-céphalique. On recherchera :
1. le point de départ de l’infection ;
2. les signes locaux d’infection : infiltration des tissus, collections, présence de gaz ;
3. l’extension de l’infection : au niveau cervical et du médiastin supérieur (situé au dessus de la crosse aortique) ou inférieur. Cette atteinte médiastinale peut-être suspectée devant une augmentation de la distance sternum – tronc brachio-céphalique et une infiltration ou la présence de collections dans cette région ;
4. les complications : thromboses jugulaires, retentissement sur la compression des voies aériennes supérieures conduisant à une intubation trachéale toujours difficile.
Le renouvellement de l’imagerie est guidé par l’évolution clinique.

Question 4 – Quelle est la base du traitement ?

Le traitement urgent associe chirurgie et antibiothérapie. Le foyer infectieux est abordé par une large incision cervicale et le médiastin est drainé selon l’extension de l’infection par des lames descendues à partir de la cervicotomie ou bien par sternotomie ou thoracotomie lorsque les collections sont plus profondes. L’écueil à éviter est un traitement trop conservateur ne permettant pas d’éliminer tous les tissus nécrosés et infectés. En effet, une multitude de structures anatomiques (muscles, nerfs, vaisseaux) se partagent un espace restreint que l’on essaie de préserver au maximum. Mais, l’extrême rapidité d’extension des lésions oblige souvent à réopérer les patients pour compléter l’excision des tissus infectés nécrosés.
La mise en place d’une sonde de trachéotomie est fréquemment proposée. Elle permet le contrôle des voies aériennes supérieures lors des pansements chirurgicaux sous anesthésie générale pluri-quotidiens et limite le risque d’hypoxémies sur extubation accidentelle chez des patients dont la réintubation est difficile.
Certains auteurs ont proposé des traitements plus conservateurs, notamment de l’atteinte médiastinale avec de multiples drainages percutanés [1] mais ces techniques restent marginales.

Une antibiothérapie précoce active sur les germes communautaires aérobies et anaérobies de la sphère ORL est systématiquement associée à la chirurgie. Elle repose sur l’association d’une pénicilline A et d’acide clavulanique ou d’une C3G et d’un imidazolé administrés par voie intraveineuse pour une durée moyenne de 10 à 14 jours.

1. Nakamori Y, Fujimi S, Oqura H, Kuwagata Y, Tanaka H, Shimazu T, Ueda T, Sugimoto H. Conventional open surgery versus percutaneous catheter drainage in the treatment of cervical necrotizing fasciitis and descending necrotizing mediastinitis. AJR Am J Roentgenol 2004 ; 182 : 1443-1449.

Question 5 – L’oxygénothérapie hyperbare a t-elle encore une place ?

L’intérêt de l’oxygénothérapie hyperbare reste controversé. Si elle a montré son intérêt chez l’animal en association à la chirurgie et à l’antibiothérapie [1], aucune étude prospective chez l’homme n’a confirmé ces résultats. La Haute Autorité de Santé recommande l’oxygénothérapie hyperbare en traitement adjuvant et simplement sur des avis d’experts, en précisant que ces recommandations ne sont pas soutenues par des données de haut niveau de preuve [2]. Son recours ne justifie en aucun cas un transfert médical avant la réalisation d’une chirurgie et la mise en route d’une antibiothérapie adaptées. L’oxygénothérapie hyperbare est aussi utilisée afin d’accélérer la cicatrisation des plaies. Mais, là aussi, les données validant cette indication sont insuffisantes.

1. Demello FJ, Haglin JJ, Hitchcock CR. Comparative study of experimental Clostridium perfringens infection in dogs treated with antibiotics, surgery, and hyperbaric oxygen. Surgery 1973 ; 73 : 936-941.
2. Rapport HAS : Oxygénothérapie hyperbare. Service évaluation des actes professionnels. Janvier 2007.

Question 6 – La médiastinite est-elle une fatalité ?

Non, mais c’est l’évolution naturelle d’une fasciite nécrosante cervicale. L’anatomie cervicale comprend de nombreux espaces de diffusion de l’infection vers les orbites en haut et vers le médiastin en bas. En l’absence d’un traitement chirurgical précoce et bien conduit, l’infection va se propager vers le médiastin dans plus de 20 % des cas [1, 2]. Cette évolution est favorisée par la localisation pharyngée initiale de l’infection, la prise de corticoides oraux et la présence de gaz sur l’imagerie initiale.
L’atteinte médiastinale est responsable d’une augmentation de la morbidité avec augmentation de la durée de ventilation mécanique et augmentation de la durée de séjour en réanimation, sans augmentation de la mortalité dans notre expérience [3].

1. Mathieu D, Neviere R, Teillon C, Chagnon JL, Lebleu N, Wattel F. Cervical necrotizing fasciitis : clinical manifestations and management. Clin Infect Dis 1995 ; 21 : 51-56.
2. Mohammedi I, Ceruse P, Duperret S, Vedrinne JM, Boulétreau P. Cervical necrotizing fasciitis : 10 years’ experience at a single institution. Intensive Care Med 1999 ; 25 : 829-834.
3. Données personnelles en cours de publication.

Question 7 – Faut il privilégier certains types de pansements ?

Il existe peu d’arguments dans la littérature pour recommander un type de pansement particulier, qu’ils soient classiques à base de compresses humides ou plus innovants à base d’alginates de calcium, d’argent ou d’hydrocolloides. Les nombreuses études sur le sujet se sont principalement intéressées aux plaies chroniques. Quelques unes ont évalué l’intérêt des nouveaux pansements dans le traitement des plaies aiguës, mais les patients inclus n’avaient pas de fasciites nécrosantes, mais étaient soit en post greffes de peau ou avaient des plaies chirurgicales dont les caractéristiques sont bien différentes notamment en terme de charge bactérienne [1].
Une alternative intéressante aux pansements classiques serait les pansements occlusifs à pression négative type VAC. Ceux-ci permettent une meilleure cicatrisation du site opératoire et une diminution de la charge de travail infirmier en autorisant un changement de pansement toutes les 48 à 72 heures au lieu de plusieurs fois par jour. Lorsqu’ils sont utilisés dans les fasciites nécrosantes, ces pansements ne sont pas mis en place initialement mais seulement après plusieurs jours de pansements classiques ce qui permet de s’assurer que l’infection est jugulée et que tout tissu nécrotique a bien été excisé [2, 3].

1. Chaby G, Senet P, Vaneau M, Martel P, Guillaume JC, Meaume S, Téot L, Debure C, Dompmartin A, Bachelet H, Carsin H, Matz V, Richard JL, Rochet JM, Sales-Aussias N, Zagnoli A, Denis C, Guillot B, Chosidow O. Dressings for acute and chroni wounds. A systematic review. Arch Dermatol 2007 ; 143:1297-1304.
2. Bronchard R, De Vaumas C, Lasocki S, Jabbour K, Geffroy A, Kermarrec N, Montravers P. Vacuum-assisted closure in the treatment of perineal necrotizing skin and soft tissue infections. Intensive Care Med 2008 ; 34 : 1345-1347.
3. Oczenski W, Waldenberg F, Nehrer G, Kneifel W, Swoboda H, Schwarz S, Fitzgerald RD. Vacuum-assisted closure for the treatment of cervical and mediastinal necrotizing fasciitis. J Cardiothorac Vasc Anesth 2004 ; 18 : 336-338.

Dr Franck Petitpas