Position du CAMR

La mission confiée au CAMR par le Conseil d’Administration de la SFAR, est d’analyser les risques pour les personnes associées au processus d’anesthésie et de promouvoir des stratégies de maîtrise de ces risques. A ce titre, le CAMR propose des modalités de surveillance des patients lors de leur transport intra-hospitalier. Ce travail d’expertise fait suite à des cas rapportés d’évènements indésirables graves et / ou de décès. Ces propositions doivent s’accompagner dans les établissements d’une formation spécifique, d’un recensement et d’une mise à niveau progressive des matériels disponibles.

La surveillance des patients est un élément fondamental de la sécurité et d’une pratique sûre de l’anesthésie. Le décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994 sur l’organisation de l’anesthésie stipule, concernant la surveillance post-interventionnelle (article D712-45): « …Cette surveillance commence en salle, dès la fin de l’intervention et de l’anesthésie. Elle ne s’interrompt pas pendant le transfert du patient. Elle se poursuit jusqu’au retour et au maintien de l’autonomie respiratoire du patient, de son équilibre circulatoire et de sa récupération neurologique… ». Ceci signifie que la surveillance et le monitorage des patients doivent être poursuivis pendant le transport.

Cette période de transfert peut s’accompagner d’un certain nombre d’évènements. Parmi ceux-ci, la survenue d’une complication respiratoire n’est pas exceptionnelle : désaturation artérielle en O2 ou obstruction des voies aériennes supérieures ou inhalation. Deux études observationnelles publiées en 2013 et 2016, une nord-américaine et une autre française, ont rapporté une incidence d’hypoxémie à l’arrivée en SSPI entre 10 et 20%. L’administration d’oxygène, pendant le transport, était effectuée chez moins d’un patient sur deux dans ces études américaine et française, respectivement chez 43 % et 28 % des patients 1-2.

Le transport d’un patient relevant du secteur d’anesthésie ou de soins critiques nécessite une surveillance continue. Le monitorage doit permettre de détecter ou de prévenir une hypoxémie, évènement fréquent. Cet outil doit être simple d’utilisation, disponible pour une population importante, avec une sensibilité élevée. En effet, la surveillance purement clinique ne permet de détecter une hypoxémie que lors de l’apparition d’une cyanose, traduit une quantité d’hémoglobine désoxygénée supérieure à 5 g/dl. L’identification d’une désaturation ne révèle que tardivement l’existence éventuelle d’une complication (apnée, obstruction des voies aériennes supérieures, déplacement accidentel de la sonde d’intubation ou du dispositif supraglottique). L’utilisation de la capnographie permet de détecter précocement ces complications.

Les propositions du CAMR de la SFAR concernant le transport intra hospitalier des patients complètent (sans s’y substituer) les référentiels suivants :

« Recommandations concernant les transports médicalisés intrahospitaliers. Conférence de consensus de la SFAR 1994 » et « transport intrahospitalier des patients à risque vital (nouveau-né exclus). 2011 » : www.sfar.org / référentiels). 3-4.

Les modalités de transport sont précisées ainsi que le monitorage recommandé pour une prise en charge adaptée des patients opérés qui sont transportés entre un site interventionnel et une SSPI, les soins critiques, ou des plateaux techniques non équipés (c’est-à-dire : hors secteurs d’anesthésie selon le référentiel : « L’équipement d’un site ou d’un ensemble de sites d’anesthésie » Janvier 1995)

L’évaluation du patient est un préalable indispensable avant le transport. Le site d’accueil sera prévenu d’une situation clinique inhabituelle.

Dans tous les cas :

  1. Les patients nécessitant une oxygénothérapie doivent pouvoir bénéficier d’une oxygénothérapie pendant leur transport. Ces patients, et ceux à risque d’hypoxémie, doivent être surveillés pendant leur transport par un moniteur comportant au moins un oxymètre de pouls. Ces modalités s’appliquent aussi chez un patient réveillé et conscient quelle que soit la distance à parcourir;
  2. Les patients porteurs d’une sonde endotrachéale ou d’un dispositif supraglottique (quel que soit le mode ventilatoire, spontané ou contrôlé) doivent être surveillés pendant leur transport par un moniteur comportant au moins un oxymètre de pouls et éventuellement un capnographe*. Ils doivent recevoir de l’oxygène pendant leur transport;
  3. Lorsque la destination est une unité de soins critiques, ou une SSPI éloignée (par exemple, située à un étage différent), la surveillance doit être complétée par un cardioscope et une mesure de la pression artérielle;
  4. Les professionnels qualifiés qui accompagnent le patient doivent disposer immédiatement d’un BAVU permettant de ventiler le patient, d’un dispositif empêchant la morsure du tube et d’un masque facial adapté à la morphologie du patient;
  5. Avant utilisation, le fonctionnement d’un respirateur de transport et du circuit de ventilation doit être vérifié, et la capacité de la bouteille d’oxygène suffisante pour assurer le transport en toute sécurité. Le réglage et le fonctionnement du respirateur doivent être contrôlés (au minimum par une obstruction manuelle du circuit). L’auscultation du patient doit être systématique après branchement au respirateur de transport. Les paramètres ventilatoires, l’oxymétrie et éventuellement la capnographie doivent être monitorés avant le départ et pendant le transport. Le respirateur du secteur d’accueil doit être vérifié par l’équipe qui va accueillir le patient;
  6. À l’arrivée sur un plateau technique non équipé (hors site d’anesthésie): la surveillance du patient est sous la responsabilité du médecin. Les appareils de monitorage doivent être visibles et les alarmes visuelles et auditives en fonction. Le respirateur de transport doit être alimenté par de l’oxygène mural et de l’électricité mural. Doivent être disponibles le matériel de réanimation comportant un BAVU, un masque facial, des médicaments pour l’urgence vitale et le matériel d’intubation;

*Le CAMR considère que le capnographe est le moniteur idéal pour détecter précocement des anomalies de ventilation pendant le transport 5,6. Cependant les données de la littérature paraissent insuffisantes pour l’imposer.

Tableau récapitulatif sur le monitorage minimum requis pour les situations identifiées

SituationBloc vers SSPIBloc vers SC
SSPI vers SC
Bloc vers SSPI eloignée*
Bloc vers plateau technique non équipé
Patient conscient nécessitant de l’oxygène ou à risque d’hypoxémieOxymètre de poulsOxymètre de pouls
Cardioscope
Pression artérielle
Patients sous assistance ventilatoireOxymètre de pouls
Éventuellement Capnographe
Oxymètre de pouls
Cardioscope
Pression artérielle
Éventuellement Capnographe

SSPI : salle de surveillance post-interventiennelle
SC : soins critiques (secteur de)
AG : anesthésie générale
* en particulier SSPI située un étage différent

Références

  1. Siddiqui N, Arzola C, Teresi J, Fox G, Guerina L, Friedman Z. Predictors of desaturation in the postoperative anesthesia care unit: an observational study. J Clin Anesth. 2013 Dec;25(8):612-7. doi: 10.1016/j.jclinane.2013.04.018. Epub 2013 Oct 4;
  2. Labaste F, Silva S, Serin-Moulin L, Lefèvre E, Georges B, Conil JM, Minville V. Predictors of desaturation during patient transport to the postoperative anesthesia care unit: an observational study. J Clin Anesth. 2016 Dec;35:210-214. doi: 10.1016/j.jclinane.2016.07.018. Epub 2016 Sep 7;
  3. Recommandations-concernant-les-transports-medicalises-intrahospitalier. Conférence de consensus de la SFAR 1994. Société Française d’Anesthésie et de Réanimation. Février 1994. sfar.org;
  4. Quenot JP, Milési C, Cravoisy A, Capellier G, Mimoz O, Fourcade O, Gueugniaud PY, le groupe d’experts. RECOMMANDATIONS FORMALISÉES D’EXPERTS. Transport intrahospitalier des patients à risque vital (nouveau-né exclu). Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 30 (2011) 952–956;
  5. Checketts M. R., AlladI R., Ferguson K, Gemmell L, Handy JM, Klein AA, et al. Recommendations for standards of monitoring during anaesthesia and recovery 2015: Association of Anaesthetists of Great Britain and Ireland. Anaesthesia 2016;71;85-93;
  6. Whitaker DK Time for capnography – everywhere. Anaesthesia. 2011 ;66:544-9.