Mis en ligne le 17 Octobre 2002, révisé le 10 Février 2004
Archive : Communiqué

La loi Huriet-Sérusclat qui encadre la recherche clinique en France a été votée en décembre 1988. Si l’évaluation des médicaments s’effectue maintenant convenablement, il n’en est pas de même dans certains champ d’application tels que la recherche non médicamenteuse sur volontaire sain, la recherche sans bénéfice direct sur patients, la comparaison de pratiques, les études médico-économiques, la recherche sur patient dans l’incapacité de consentir, les études génétiques, etc.. C’est ainsi qu’a circulé une plate-forme de propositions émanant de diverses sociétés savantes, en vue d’obtenir la révision de la Loi du 20 décembre 1988 (1, 2, 3).

La SFAR a été sollicitée mais n’a pas soutenu cette démarche. Plusieurs de ses membres s’étant étonnés de cette position, il est nécessaire de s’en expliquer. Le président de la SFAR a soumis cette plate-forme au groupe de réflexion éthique (GRE) de la société au début de l’année 2001 et les éléments suivants sont ressortis du débat :

— les membres du GRE ont clairement conscience des difficultés, en référence à la Loi, de réaliser un travail de recherche clinique chez les patients en situation d’urgence vitale, sous sédation ou comateux, mais il n’est pas apparu que la protection du patient fût au centre de ce texte ;
— les propositions de la plate-forme tendant à pallier l’incapacité du patient de réanimation à donner son consentement préalable à sa participation à un travail de recherche clinique évoquent un retour vers le  » paternalisme médical  » ;
— l’argument qui consiste à dire que la recherche sur le patient de réanimation dans l’incapacité de consentir se justifie par des bénéfices thérapeutiques potentiels pour les patients à venir n’est pas apparu correct ; d’un point de vue éthique s’oppose ici le respect d’UN patient et l’intérêt de TOUS les patients, avec alors la nécessité d’un arbitrage entre le respect dû à la personne et l’intérêt pour la collectivité, et non entre l’unité et la totalité.

Cette analyse du GRE a été validée par le conseil d’administration de la SFAR, qui n’a donc pas signé cette plate-forme de propositions.

Par la suite, la directive 2001/20/CE du parlement européen et du conseil du 4 avril 2001, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l’application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d’essais cliniques de médicaments à usage humains, article 3, a été dans le même sens :  » Les Etats membres adoptent, dans la mesure ou ils ne l’avaient pas encore fait, des règles détaillées en vue de protéger contre des abus les personnes qui sont incapables de donner leur consentement éclairé « .

En conclusion, faute d’indiquer quel renforcement de la protection des personnes encadrerait des mesures facilitant la recherche sur le corps de personnes étant dans l’incapacité de donner leur consentement, il était difficile de souscrire, par seul effet  » d’entraînement « , à une simple demande de facilitation de ces études, même si l’intérêt de celles-ci est évident. La recherche de garanties à présenter à la société, notamment à ses élus, nous semble essentielle si l’on veut éviter de donner à la population le sentiment qu’un  » lobby  » souhaiterait transformer en cobayes ceux qui sombrent dans le coma, du fait de leur maladie ou du traitement de celle-ci .

Bibliographie

1. Cales P, Henrion J, Pascal JP, Valla D, Lapuelle J, Lunel F, Poynard T. Proposition de charte de déontologie en recherche clinique. Gastroentérol Clin Biol 1998 ;22:121-6

2. Lemaire F, Langlois A, Outin H, Rameix S. Groupe de travail de la commission d’éthique de la Société de réanimation de langue française. Recherche clinique en réanimation : problèmes liés à l’application de la loi du 20 décembre 1988. Réanimation Urgences 2000 ;9:215-23

3. Révision de la Loi du 20 décembre 1988 : plate-forme commune de propositions émanant des sociétés savantes, organismes et associations de malades. Rev Mal Respir, 2001 ;18:00-00