Les résultats de plusieurs études conduites pendant les premières vagues épidémiques de COVID-19 ont conduit la SFAR à préconiser un report de toute chirurgie programmée chez un patient ayant une PCR SARS-CoV-2 préopératoire positive d’au moins 6 semaines révolues, si la balance bénéfice-risque de ce report restait favorable après avoir tenu compte de l’indication opératoire [1]. Cette stratégie reposait donc sur un dépistage préopératoire systématique de l’infection à SARS-CoV-2. Jusqu’à présent, les données disponibles concernant les vagues épidémiques suivantes ne justifiaient pas de modification de cette stratégie diagnostique préopératoire.

Deux modifications épidémiologiques importantes sont survenues au cours de l’année 2022 : i. le déploiement de campagnes vaccinales contre le SARS-CoV-2 ayant permis une large couverture vaccinale de la population française [2], élément permettant une réduction de la transmission virale et une diminution de la sévérité clinique si une infection est toutefois contractée [3] ; ii. l’émergence et la diffusion quasi exclusive à ce jour du variant Omicron (et de ses différentes sous-lignées) de SARS-CoV-2 [2], présentant une plus grande contagiosité mais responsable de moins de formes graves [4-6].

Des données récentes collectées en 2022, dont celles apportées par l’étude DROMIS-22, projet multicentrique collaboratif porté par la SFAR [7], apportent aujourd’hui des informations actualisées sur le surrisque postopératoire des patients ayant présenté une COVID-19 préopératoire. L’absence de surrisque important de morbidité respiratoire postopératoire pour certains patients conduit aujourd’hui la SFAR à préconiser un allègement de la stratégie de dépistage COVID-19 préopératoire pour les patients les moins à risque, représentant toutefois la majorité des patients se présentant au bloc opératoire pour une chirurgie programmée.

Le maintien d’une recommandation de dépistage dans certains sous-groupes les plus à risque repose sur l’identification d’un surrisque réel de morbi-mortalité postopératoire chez certains patients (patients symptomatiques lors de la chirurgie, etc.), et sur le principe de précaution pour d’autres patients jugés à risque comme les immunodéprimés, etc. (rapport bénéfice-risque en faveur du dépistage des formes présymptomatiques ou asymptomatiques chez ces patients).

La stratégie proposée par la SFAR est résumée dans l’algorithme suivant. Il a été conçu pour essayer d’englober un maximum de situations cliniques tant en termes de caractéristiques patients que de types de chirurgies. Néanmoins, cet algorithme ne peut, par essence, couvrir l’ensemble des situations chirurgicales existantes ni l’ensemble des organisations présentes dans tous les établissements en France. Il est donc possible d’y apporter des modifications tenant compte des spécificités locales, à condition que celles-ci soient décidées de façon multidisciplinaires, incluant les équipes d’hygiène et d’infectiologie, et motivées par des raisons scientifiques pour le bien des patients.

La SFAR insiste enfin, que cette stratégie actualisée ne vaut que tant que le variant Omicron (et ses sous-lignées BA.2, BA.4 et BA.5) est la souche circulante majoritaire de SARS-CoV-2 en France. En effet, l’apparition d’un nouveau variant ou d’une nouvelle sous-lignée de SARS-CoV-2 qui présenterait des caractéristiques épidémiques différentes, pourrait justifier un changement de stratégie, que ce soit dans le sens d’un retour à un dépistage préopératoire élargi ou à l’inverse d’un abandon global du dépistage préopératoire.

 

[1] Société Française d’Anesthésie et Réanimation (SFAR). Préconisations pour l’adaptation de l’offre de soins en anesthésie-réanimation dans le contexte de pandémie de COVID-19 – Version Avril 2022. Téléchargeable à https://sfar.org/download/preconisations-pour-ladaptation-de-loffre-de-soins-en-anesthesie-reanimation-dans-le-contexte-de-pandemie-de-covid-19-version-avril-2022/?wpdmdl=36924&refresh=63f0a9b154a431676716465. Consulté le 18/02/23.

[2] InfoCovidFrance, données épidémiologiques du 15 février 2023. Téléchargeable à https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde, consulté le 18/02/23

[3] Zheng C, Shao W, Chen X, Zhang B, Wang G, Zhang W. Real-world effectiveness of COVID- 19 vaccines: a literature review and meta-analysis. Int J Infect Dis 2022;114:252–60.

[4] Araf Y, Akter F, Tang Y-D, et al. Omicron variant of SARS-CoV-2: Genomics, transmissibility, and responses to current COVID-19 vaccines. J Med Virol 2022; 94: 1825–32.

[5] Lauring AS, Tenforde MW, Chappell JD, et al. Clinical severity of, and effectiveness of mRNA vaccines against, covid-19 from omicron, delta, and alpha SARS-CoV-2 variants in the United States: prospective observational study. BMJ 2022; 376: e069761.

[6] Nyberg T, Ferguson NM, Nash SG, et al. Comparative analysis of the risks of hospitalisation and death associated with SARS-CoV-2 omicron (B.1.1.529) and delta (B.1.617.2) variants in England: a cohort study. Lancet Lond Engl 2022; 399: 1303–12

[7] Garnier M, Constantin JM, Cinotti R, et al.  Association of preoperative COVID-19 and postoperative respiratory morbidity during the Omicron epidemic wave: the DROMIS-22 multicentre prospective observational cohort study. EClinicalMedicine 2023, https://doi.org/10.1016/j.eclinm.2023.101881