Mis en ligne le 16 Juillet 2017
Questions Fréquentes

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Drs Sandrine Wiramus, Marc Leone

Service d’anesthésie et de réanimation, hôpital Nord, Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille, Université de la Méditerranée, Marseille

 

1. Quelles règles générales doit-on recommander pour limiter les pneumonies ?

2. Comment réduire la durée de ventilation mécanique pour diminuer l’incidence des PAVM ?

3. Quelle est la position optimale pour prévenir les syndromes d’inhalation ?

4. Quelles sondes d’intubation peuvent prévenir les inhalations ?

5. Quel ballonnet utiliser et à quelle pression pour limiter les PAVM ?

6. Que penser de la désinfection des voies aériennes ?

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1. Quelles règles générales doit-on recommander pour limiter les pneumonies ?

Il faut insister auprès du personnel pour la désinfection des mains et la surveillance des infections nosocomiales (niveau I) (1). Cette éducation est fondamentale et nécessite des rappels constants et une évaluation régulière des performances. Ces démarches améliorent l’adhésion du personnel et diminuent de plus de 50 % le taux de pneumonies acquises sous ventilation mécanique (PAVM).

La désinfection des mains est essentielle (niveau I). Plusieurs études ont montré un lien direct entre le lavage régulier des mains et la diminution des PAVM (2), notamment dans le cadre des infections à staphylocoque doré méticilline résistant (3).

Par contre, aucune donnée ne permet de recommander le port de surchaussures. Leur inutilité a été démontrée dans des unités de greffe de moelle osseuse (4) où aucune différence en termes d’administration des antibiotiques n’a été retrouvée. De plus, le geste lié à la mise des surchaussures tend à augmenter la contamination des mains. Le port de surchaussures est donc à éliminer.

La surveillance des infections en réanimation reste une pratique controversée (niveau II). Parmi quatre études sur ce sujet,  deux ne montrent pas d’intérêt des prélèvements systématiques pour guider l’antibiothérapie initiale ou le diagnostic bactériologique avant le début de l’infection pulmonaire (5,6). Deux autres études montrent au contraire que dans plus de 95 % des cas, l’antibiothérapie initiale est adéquate quand elle est basée sur les prélèvements réalisés systématiquement une fois par semaine (7,8). Toutefois, aucune différence de mortalité et de durée de ventilation mécanique (VM) n’a été mise en évidence dans ces études (8).

2. Comment réduire la durée de ventilation mécanique pour diminuer l’incidence des PAVM ?

Plusieurs études randomisées sont disponibles mais les preuves reliant la durée de sédation et la durée de VM restent indirectes(9,10). En bref, dans la plupart de ces études, le nombre de PAVM ne varie pas significativement avec le niveau de sédation. Concernant les protocoles de sevrage de la VM, les résultats sont discordants (11,12). Il convient toutefois de réduire la durée de la sédation, en espérant ainsi réduire la durée de ventilation mécanique qui est le principal facteur de risque de pneumonie.

Les experts recommandent d’éviter les intubations et réintubations répétées qui augmentent le risque de PAVM (niveau I). La ventilation non invasive est un outil intéressant pour éviter la ventilation mécanique chez des patients en détresse respiratoire sélectionnés (level I). Il faut préférer l’intubation orotrachéale avec sonde gastrique par voie buccale plutôt que l’intubation nasotrachéale ou les sondes nasogastriques afin de prévenir les sinusites nosocomiales avec risque de PAVM accru (niveau II).

3. Quelle est la position optimale pour prévenir les syndromes d’inhalation ?

La tête du lit d’un patient sous VM doit être positionnée entre 30 et 45°. Ceci réduit de 23 % à 5 % les PAVM (13). Une autre étude a confirmé le rôle protecteur de  cette position contre les PAVM, en notant que cette position n’est maintenue que dans 85 % du temps du fait des aléas liés aux soins infirmiers, examens complémentaires, erreurs, etc (14). La position demi-assise limite la prolifération bactérienne des voies aériennes supérieures (15).

Cette position est simple à réaliser avec les supports de lit actuels mais il faut noter qu’une position avec un angle supérieur à 45° génère un risque d’ischémie sacrée par augmentation importante des pressions cutanées au niveau de cette zone d’appui (16).

4. Quelles sondes d’intubation peuvent prévenir les inhalations ?

Expérimentalement, les sondes d’intubation imprégnées d’argent réduisent la colonisation par Pseudomonas aeruginosa (17). L’impact clinique n’est pas significatif en termes de durée de VM et de pronostic (18). Ces résultats sont encore insuffisants pour justifier le surcoût de ces sondes.

Les sondes d’intubation avec systèmes d’aspiration sous-glottique ont démontré leur efficacité en termes de prévention des PAVM dans plusieurs études randomisées  (19, 20,21). Ces systèmes, malgré leur efficacité sur l’incidence des PAVM, ont un coût important par rapport aux sondes standards. Ceci est donc à mettre en balance avec la diminution de la durée de ventilation mécanique et la baisse d’utilisation d’antibiotiques par réduction de l’incidence des pneumonies. Ces systèmes d’aspiration ont potentiellement des effets secondaires qu’il faut connaître : ulcération, nécrose et hémorragies trachéales (22). Le rapport bénéfice / risque de ces sondes reste à évaluer.

Les systèmes clos d’aspirations trachéales ont montré leur efficacité en terme de réduction du dérecrutement alvéolaire mais pas dans la réduction des pneumonies d’inhalation (23).

5. Quel ballonnet utiliser et à quelle pression pour limiter les PAVM ?

La pression du ballonnet de la sonde d’intubation joue un grand rôle dans la prévention des PAVM. Elle doit être maintenue entre 20 et 25 cm H2O. L’incidence des PAVM est augmentée en cas de pression du ballonnet inférieure à 20 cm d’H2O (24). Une pression supérieure à 30 cm d’H20 peut générer des lésions trachéales par compression et ischémie locale.

Il existe des systèmes automatisés de contrôle de cette pression du ballonnet. Ces systèmes sont efficace pour contrôler la pression du ballonnet. Toutefois, aucune effet n’a été trouvé en termes d’incidence des PAVM. De plus, tous les ballonnets ne sont pas comparables et il semblerait d’après les études que les ballonnets en polyuréthane soient plus efficaces avec une réduction significative des PAVM (25). La forme du ballonnet pourrait également avoir une influence.

6. Que penser de la désinfection des voies aériennes ?

La colonisation bactérienne est essentiellement due aux bactéries à Gram négatif. La croissance bactérienne est maximale au niveau pharyngé, et non au niveau gastrique (26). Ainsi, les bactéries responsables des PAVM sont essentiellement trouvées dans la sphère oro-pharyngés (27).

La décontamination pharyngée a donc un rôle dans la prévention des PAVM. Une infusion continue de topiques antiseptiques dans l’oropharynx réduit l’incidence des PAVM (28,29). Toutefois, aucune différence en termes de durée de VM ou de mortalité n’est obtenue par ce procédé (30).

A côté de la désinfection locale, une antibiothérapie systémique par céfuroxime administrée sur une courte durée réduit le nombre de PAVM (31).

La décontamination digestive sélective (DDS) associe le lavage des mains, la restriction d’antibiotique, une antibiothérapie systémique de courte durée et une antibiothérapie topique pendant la durée de la VM. Elle s’adresse particulièrement à des patients à risque, c’est à dire ceux ayant été dans le coma avant l’intubation trachéale (32). Cette double antibiothérapie, systémique et locale, diminue de près de 20 % les infections totales chez les traumatisés (33). Des études randomisées ont démontré son efficacité en terme de mortalité (34,35). Il est également démontré que les topiques seuls ne sont pas plus efficaces que l’antibiothérapie systémique (36,37). L’impact écologique est très variable selon les études : certaines ont montré que la DDS était associée à une augmentation des colonisations à Staphylococcus epidermidis (38) ou des bacilles à Gram négatif résistants à la ceftazidime et la tobramycine (39). Ceci dépend essentiellement de la pression de sélection de l’unité de réanimation.

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Sandrine Wiramus, Marc Leone