Mis en ligne le 01 Mars 1993 et modifié le 17 Mars 2010

Novembre 1993

Membres du groupe de travail

M. le Pr André Lienhart, Chef du Service d’Anesthésie-Réanimation de l’hôpital Saint-Antoine, Paris, responsable du groupe de travail.

M. le Dr Christian Bléry, Anesthésiste-Réanimateur, Centre Chirurgical Saint-Roch, Cavaillon.
M. le Dr Pierre Blot, Chef du Service d’Anesthésie-Réanimation du Centre Hospitalier de Montfermeil.
Mme le Dr Marie-Joëlle Cano, Conseiller médical à la Direction des Hôpitaux, Ministère de la Santé, Paris.
M. le Pr François Clergue, Chef du Service d’Anesthésie-Réanimation de l’hôpital Tenon, Paris.
M. le Pr Jean-Marie Desmonts, Chef du Service d’Anesthésie-Réanimation de l’hôpital Bichat, Paris.
M. le Dr Gérard Fuzellier, Anesthésiste-Réanimateur, Clinique Saint-Germain, Brive.
M. le Pr Albert Hirsch, Chef du Service de Pneumologie de l’hôpital Saint-Louis, Paris, Rapporteur du groupe auprès du Haut Comité de la Santé Publique.
M. le Pr Guy Nicolas, Vice Président du Haut Comité de la Santé Publique.
M. le Dr Marcel Viallard, Anesthésiste-Réanimateur, hôpital Tenon, Paris.

 

Personnes Auditionnées

Infirmiers-Anesthésistes Diplômés d’état (IADE)

Monsieur Thierry FAUCON, Centre médico-chirurgical Foch, Suresnes
Monsieur François GIRAUD, Hôpital Raymond Poincaré, Garches
Monsieur Alain MAURICE, Centre Hospitalier de Corbeil Essonnes
Monsieur Patrick PEULMEULLE, SAMU, Centre Hospitalier de Lille
Monsieur Jean-Bernard POCHULU, Polyclinique d’Aguilla, Biarritz

Représentants des établissements d’hospitalisation privée

Monsieur le Docteur Pierre-Alain BENHAMOU, Hôpital Privé Nord Parisien, Alexis Carrel, Sarcelles
Monsieur le Docteur Jacques BERNARD, Clinique Saint-Comes et Saint-Damiens, Blois
Monsieur le Docteur Charles DELEHAYE, Clinique Louvière, Lille
Monsieur le Docteur Louis SERFATY, Président de la FIEHP

Plan

1. Introduction

1.1. L’activité anesthésique en France
1.2. La fréquence des accidents liés à l’anesthésie
1.3. Retentissements socio-économiques des accidents liés à l’anesthésie
1.4. Les bases de réflexion. Démographie de la discipline; standards d’anesthésie
1.5. En résumé

2. Importance de la consultation pré-anesthésique

2.1. La situation de la consultation pré-anesthésique
2.2. Les freins au développement
2.3. Les actions

3. Les facteurs humains

3.1. Importance des facteurs humains dans les accidents d’anesthésie
3.2. Analogie avec d’autre types d’accidents
3.3. Cas particuliers
3.4. Propositions d’amélioration
3.5. Les freins
3.6. En résumé

4. Rôle du matériel dans la sécurité anesthésique au bloc opératoire

4.1. Importance du problème
4.2. L’équipement anesthésique nécessaire
4.3. Mesures proposées
4.4. Les freins

5. Rôle de la Salle de Réveil dans la sécurité anesthésique

5.1. Nature et gravité des accidents de réveil
5.2. Réglementation actuelle sur les Salles de Réveil
5.3. Les Salles de Réveil en France
5.4. Analyse de la situation actuelle
5.5. Objectifs et difficultés
5.6. En résumé

6. Rôle des IADE

6.1. Données démographiques
6.2. Place des IADE
6.3. Les Salles de Réveil
6.4. Démographie, formation

7. L’anesthésie du patient ambulatoire

7.1. Définition
7.2. Les actes réalisables
7.3. Les patients
7.4. L’anesthésie
7.5. La sortie
7.6. Structures, organisation et fonctionnement

8. Les structures. Environnement et sécurité en anesthésie

8.1. Les sites d’anesthésie
8.2. Relation avec la sécurité
8.3. Conséquences
8.4. Les consultations

9. Propositions

Références

Annexe

 

1. Introduction

Les progrès de l’anesthésie-réanimation, au cours de ces trente dernières années, ont permis d’étendre les indications chirurgicales aux âges les plus extrêmes de la vie, aux patients atteints des affections les plus graves, pour des actes de plus en plus audacieux, de telle sorte, qu’à l’heure actuelle, les contre-indications chirurgicales durables liées à un risque spécifiquement anesthésique ont pratiquement disparu.

Il existe cependant toujours des accidents et, alors que l’anesthésie n’a jamais été aussi sûre, la survenue de tels accidents est souvent perçue comme intolérable, ressentie comme devant nécessairement résulter d’une défaillance technique, d’une erreur de jugement ou d’un défaut de vigilance. A la différence d’un acte thérapeutique, dont l’incertitude dans la qualité du résultat est plus ou moins implicitement acceptée, l’anesthésie n’apporte pas, par elle-même, de bénéfice thérapeutique. Dès lors, toute complication liée à l’acte anesthésique n’apparaît pas contrebalancée par le bénéfice thérapeutique et se trouve particulièrement mal acceptée par le public. Il est paradoxal que l’anesthésie-réanimation, qui a grandement contribué à l’essor de la chirurgie moderne, n’apparaisse qu’exceptionnellement dans les médias à l’occasion des succès de celle-ci, alors que ses accidents sont régulièrement rapportés, à grand bruit. Il en résulte qu’en France, comme ailleurs dans le monde, l’anesthésie-réanimation est une des disciplines médicales pour lesquelles les suites médico-légales sont les plus fréquentes et les indemnisations les plus élevées en cas de complication grave.

Ces complications ont amené les anesthésiologistes à une réflexion en profondeur, qui a montré qu’elles étaient en grande partie évitables. Deux types de situations peuvent être schématiquement séparées.

D’une part, il existe des cas où l’état du patient, ou l’importance de l’intervention, pourraient expliquer une issue défavorable, mais où, de fait, des soins d’anesthésie-réanimation plus adaptés auraient pu éviter une telle issue. Ceci correspond à environ 14 % de la mortalité péri-opératoire précoce et l’amélioration passe notamment par une meilleure appréciation préopératoire du patient, permettant d’ajuster les traitements, de prévoir la technique anesthésique la plus appropriée et de s’entourer des précautions nécessaires, tant en per-opératoire qu’en post-opératoire.

D’autre part, des sujets en bonne santé par ailleurs, sont victimes d’accidents purement liés à l’anesthésie. Ces accidents, s’ils ne participent que pour environ 4 % à la mortalité péri-opératoire précoce, n’en sont pas moins intolérables. Pour 40 % environ d’entre eux ils surviennent durant la période de réveil : après un réveil apparemment normal sur la table d’opération, certains sujets se rendorment plusieurs dizaines de minutes plus tard, avec une absence de respiration qui peut conduire à l’arrêt cardiaque par hypoxie. Ce phénomène, inhérent à la variabilité biologique, est connu de longue date, et la prévention de ses conséquences passe par la surveillance en Salle de Réveil, à condition qu’il y en ait une. Pour 60 % environ les accidents d’anesthésie surviennent en per-opératoire, et leur cause principale, l’hypoxie, peut très souvent être détectée et traitée en temps utile au moyen d’appareils de monitorage adaptés, à condition d’en disposer.

La possibilité de prévenir les complications de l’anesthésie a conduit les Autorités Publiques et la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR), à l’instar de la plupart des sociétés d’anesthésie des pays développés, à publier des textes très incitateurs sur la sécurité dans la pratique de l’anesthésie : circulaires pour les premières, « Recommandations » pour la seconde. Mais, faute d’un caractère réglementaire, ces textes sont inégalement appliqués et une politique volontariste s’avère nécessaire si l’on veut éviter le rappel quotidien que des morts résultent de conditions d’anesthésie insuffisantes. Afin d’envisager quelle devrait être une politique efficace dans la prévention des accidents, il convient d’avoir à l’esprit certaines données de base concernant les complications liées à l’anesthésie, à savoir leur fréquence, leur type, leurs conséquences et les facteurs de risques qui les favorisent.

1.1. Evaluation de l’activité anesthésique en France

Curieusement, il n’existe pas de données précises sur le nombre d’anesthésies pratiquées annuellement en France. Les seules indications concernant l’activité sont fournies par le recensement des actes cotés AREK dans la nomenclature de la Sécurité Sociale, ce qui donne un chiffre de 8.000.000 d’actes pour 1990 (Source : Ministère de la Santé, in (24) ). En fait, ce recensement inclut les actes réalisés par les anesthésistes-réanimateurs, mais qui ne correspondent pas tous à des anesthésies, car les anesthésistes-réanimateurs interviennent dans bien d’autres domaines : services de réanimation, Urgences, SAMU-SMUR, traitement de la douleur. les seules données fiables dont nous disposons actuellement, et qui sont relativement anciennes, ont été apportées par l’enquête INSERM réalisée entre 1978 et 1982 sur un échantillon représentatif d’établissements publics et privés dans lesquels des anesthésies étaient pratiquées. A cette époque, le nombre annuel d’anesthésies réalisées en France était estimé à 3.500.000 (29) . Ce nombre sous-estime sans aucun doute l’activité actuelle, quand on sait le développement important qu’ont connu les actes d’endoscopie sous anesthésie, de radiologie interventionnelle ou l’analgésie péridurale en obstétrique. De plus, le vieillissement de la population a induit une demande médico-chirurgicale très importante. A l’heure de l’évaluation qualitative et quantitative de l’activité médicale en France, il est important que le système de saisie de données mis en place puisse donner avec précision le nombre annuel d’anesthésies pratiquées en France et leur répartition dans les différentes spécialités chirurgicales et médicales.

Au-delà des chiffres globaux, l’importance que revêt dans le public l’annonce d’un accident d’anesthésie vient en grande partie du fait que chaque citoyen a une forte probabilité d’être anesthésié un jour ou l’autre. Au début des années 80, six français sur 100 subissaient chaque année une intervention chirurgicale sous anesthésie, et il était estimé qu’un individu subirait en moyenne entre quatre et cinq interventions chirurgicales au cours de son existence (12, 48) . Ce nombre n’a qu’une valeur indicative, car il s’agissait d’une estimation théorique basée sur l’activité chirurgicale d’alors, et sur l’hypothèse que la pratique chirurgicale ne varierait pas en 70 ans, durée moyenne d’existence d’un individu à l’époque. En réalité, le nombre moyen d’interventions observé dans la génération des sujets nés il y a 70 ans est certainement moins élevé, car la chirurgie et l’endoscopie ne se sont développées que dans une époque encore relativement récente. En revanche, si l’essor de la chirurgie que nous avons connu ces dernières décennies se poursuit, il est probable que, pour la génération des enfants d’aujourd’hui, le nombre d’interventions sera encore supérieur à cette estimation. Surtout, en ce qui concerne l’exposition à l’anesthésie, il est certain qu’elle augmentera parallèlement à la croissance chirurgicale mais aussi du fait de l’accroissement considérable du nombre et de la variété des actes exploratoires et de la demande globale de confort pour la réalisation de ces actes sinon douloureux, du moins inconfortables. Tel homme sain n’est-il pas susceptible d’être anesthésié au moins dans sa petite enfance pour se faire enlever les végétations ou les amygdales, dans son adolescence pour se faire extraire les dents de sagesse et, à partir de 50 ans pour se faire explorer l’intestin régulièrement par colonoscopie afin de dépister un éventuel cancer ? Telle femme n’aura-t-elle pas en plus l’occasion de bénéficier d’une anesthésie péridurale pour accoucher ? Pour quiconque dans notre société, le fait de subir une anesthésie a un caractère quasi inéluctable.

1.2. Evaluation de la fréquence des accidents liés à l’anesthésie

Dans l’enquête française réalisée par l’inserm déjà citée (29) , 362 décès survenant pendant l’anesthésie, ou dans les 24 heures la suivant, ont été recensés dans un échantillon représentatif de 198.103 anesthésies, ce qui représente une mortalité péri-opératoire précoce de 0,19 %. L’anesthésie était partiellement responsable de décès dans 52 cas et totalement dans 15 cas. Ainsi, l’anesthésie était totalement responsable de 4 % des décès péri-opératoires précoces. La mortalité totalement liée à l’anesthésie était estimée à 1 pour 13.000 anesthésies. Si on ajoutait les séquelles neurologiques graves de l’anesthésie, à type d’encéphalopathie post-anoxique, la fréquence était de 1 pour 8.000 anesthésies.

En 1991, à titre indicatif, le Sou Médical et la Mutuelle d’Assurances du Corps de Santé Français, qui couvrent 114.719 médecins en France, ont reçu 2.676 déclarations d’accident mettant en cause la responsabilité civile et professionnelle des assurés soit 1 pour 63 assurés. Parmi ces 2.676 déclarations, 234 concernaient l’anesthésie c’est-à-dire 8 % du total. Ce chiffre représente une augmentation de 13,5 % par rapport à 1990. En l’absence de dénominateur, qu’est le nombre total d’anesthésies, il est impossible de dire à partir de ces résultats que le risque anesthésique s’est accru en France. Il peut ne s’agir que d’une augmentation des poursuites médico-légales, sans augmentation du nombre absolu des complications liées à l’anesthésie. En tout cas ces chiffres ne témoignent pas d’une réduction de ces complications et reflètent la mauvaise tolérance du public à l’égard de celles-ci.

A côté de la complication la plus grave de l’anesthésie, qui est le décès, il y a celles qui entraînent des traitements spécifiques, une prolongation de l’hospitalisation, voire des séquelles lourdes. L’enquête INSERM avait fait apparaître que la fréquence des complications graves, susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital, était de 1 pour 739 anesthésies. S’il apparaît que la plupart des accidents ne se terminent pas par un décès, sont « rattrapés », on sait que la réduction de la mortalité passe par la réduction du nombre des accidents et par leur détection précoce, permettant d’éviter qu’ils ne se transforment en catastrophe. 58 % de ces accidents survenaient pendant l’anesthésie, tandis que 42 % étaient observés après l’anesthésie. Le pronostic des complications survenant lors de la période du réveil post-anesthésique était beaucoup plus grave, puisqu’elles entraînaient le décès dans 37 % des cas, alors que celles survenant en salle d’opération n’étaient mortelles que dans 16 % des cas. Ainsi, l’enquête française a nettement mis en évidence que la dépression respiratoire post-anesthésique est la première cause de complication grave liée à l’anesthésie et que son pronostic est beaucoup plus sombre quand le patient est ramené directement dans sa chambre, sans passage en Salle de Réveil. Cette enquête montrait qu’à l’époque 30 % seulement des patients anesthésiés bénéficiaient d’une surveillance en Salle de Réveil. Si la situation s’est améliorée, elle n’est pas encore optimale puisqu’une enquête récente, développée plus loin, a montré que dans les hôpitaux universitaires français, qui devraient a priori être convenablement dotés, 60 % seulement des patients bénéficient d’un séjour en Salle de Réveil.

Les éléments de réflexion pour une politique visant à améliorer la sécurité de l’anesthésie en France peuvent être tirés de certaines études pratiquées à l’étranger. Ainsi, l’American Society of Anesthesiologists a réussi à établir une banque de données à partir des dossiers médico-légaux concernant les accidents anesthésiques per-opératoires, après accord des compagnies d’assurances ayant en charge ces dossiers. L’analyse des causes de ces accidents fait apparaître qu’un tiers des dossiers concerne des accidents d’origine respiratoire souvent mortels et que les trois causes les plus fréquentes sont la ventilation inadéquate, l’intubation difficile voire impossible et l’intubation œsophagienne non reconnue. L’analyse des facteurs en cause dans la survenue de ces accidents per-opératoires fait apparaître que 72 % de ces accidents auraient pu être détectés plus sûrement et plus rapidement par un monitorage instrumental approprié. L’évaluation de la qualité des soins dans le cas des accidents respiratoires amenait à la conclusion que ceux-ci étaient inférieurs aux standards dans 70 % d’entre eux. Cette défaillance, retenue par les magistrats, avait pour conséquence que le coût des indemnisations retenues pour la réparation du préjudice était multiplié par un facteur 10, par rapport aux accidents pour lesquels il n’était pas mis en évidence de défaillance technique ou structurelle. Une étude australienne, basée sur l’analyse des décès opératoires déclarés de façon obligatoire, a fait apparaître que l’ordre de fréquence des facteurs responsables des décès liés à l’anesthésie était : 1) la préparation inadéquate du patient à l’intervention ; 2) le choix d’une technique anesthésique inadaptée à l’état du malade ; 3) la conduite inadéquate du traitement immédiat d’un accident lié à l’anesthésie. La prise en compte de tous les incidents pouvant survenir au cours de l’anesthésie fait apparaître que les accidents résultent volontiers de la sommation d’événements souvent mineurs pris individuellement mais qui, en s’associant, peuvent aboutir à l’accident dramatique.

Si l’on ne dispose pas de données récentes pour la France, l’analyse des dossiers d’expertise médico-légale, comme de ceux des compagnies d’assurance, montre que persistent les problèmes fondamentaux rencontrés lors de l’enquête de l’INSERM : défaut de Salles de Réveil, défaut de matériel de surveillance, même si une amélioration par rapport à cette époque est plus que probable.

1.3. Retentissements socio-économiques des accidents liés à l’anesthésie

L’anesthésie-réanimation, dans ses aspects positifs et en particulier dans la contribution considérable qu’elle a apporté au développement de la chirurgie moderne, reste le plus souvent à l’ombre des projecteurs, qui ne se braquent de façon appuyée que sur les aspects chirurgicaux de ces grandes réussites. Qui perçoit, à titre d’exemple, que les transplantations cardiaques, hépatiques, pulmonaires, sont, entre autres si ce n’est avant tout, d’extraordinaires défis pour le maintien en survie du patient pendant et après l’opération, c’est à dire pour l’anesthésie-réanimation ? En revanche, d’une manière générale, l’anesthésie-réanimation ne devient médiatique qu’au travers de ses échecs et des catastrophes qui peuvent l’accompagner. On peut citer l’affaire Albertine Sarrazin, l’affaire de Poitiers et, plus récemment, la série de décès survenus dans un établissement privé de Vannes. Sans considérer la réalité du fond, souvent très complexe et mal connue de la plupart, il est évident que ces affaires ont eu un impact très important dans la population, renforçant l’angoisse naturelle que représente l’anesthésie et l’intervention chirurgicale. La peur de ne pas se réveiller est une angoisse souvent mentionnée par les patients lors de la visite pré-anesthésique et la publicité donnée à ces accidents renforce cette angoisse.

Il est indéniable que les complications provoquées par l’anesthésie, pour rares qu’elles soient, peuvent être gravissimes, et que certaines d’entre elles laissent des séquelles, en particulier neurologiques, réellement dramatiques. La prise en charge financière de ces complications permet de comprendre les montants, exigés par les familles victimes de ces accidents, d’indemnisations de plus en plus élevées. Ainsi, le montant des indemnisations des accidents graves impliquant l’anesthésie était en moyenne de 1 à 2 millions de francs. Des jugements récents rendus en France ont fait apparaître des indemnisations encore supérieures. Ce risque a amené les compagnies d’assurances à augmenter les primes demandées aux médecins anesthésistes-réanimateurs voire, pour certaines, à renoncer à assurer la responsabilité civile de ceux-ci. Ce risque médico-légal apporté par l’exercice de l’anesthésie-réanimation réduit l’attrait de cette discipline auprès des étudiants reçus à l’internat. Surtout, il témoigne d’une légitime intolérance du public envers ces accidents, alors qu’ils sont évitables dans une grande proportion par des moyens connus. Il est important que la population puisse être informée et rassurée sur les conditions de sécurité dans lesquelles se déroule l’anesthésie, par l’annonce des moyens mis en œuvre et de vérifications réglementaires dans les différents établissements de soins privés et publics. A la demande claire de sécurité en anesthésie de la part du public, que traduisent les médias et les poursuites médico-légales, doit correspondre une politique claire en terme de réglementation.

1.4. Les bases de réflexion d’une politique visant à améliorer la sécurité de l’anesthésie

L’analyse des facteurs de risque tels qu’ils apparaissent dans les différentes études de la morbidité et de la mortalité liées à l’anesthésie montre que deux éléments sont primordiaux : les facteurs humains et le respect de « standards » de soins.

1.4.1. Les facteurs humains : aspects quantitatifs

Des défaillances humaines peuvent être à l’origine d’accidents. Ce point, ainsi que la nécessité d’une formation continue, fait l’objet d’un développement ultérieur. Mais une première évidence est que la sécurité anesthésique passe par la présence d’un médecin qualifié dans la discipline intitulée « Anesthésie et Réanimation Chirurgicale », plus souvent appelée anesthésie-réanimation. L’anesthésie-réanimation est la spécialité la plus importante numériquement en France : 7.500 médecins qualifiés déclarés à l’Ordre des Médecins en 1989. Pour mémoire, il y avait 141 médecins anesthésistes-réanimateurs en France en 1958 (année de la création de la première Chaire d’Anesthésiologie en France). De 1980 à 1989, la population des médecins anesthésistes-réanimateurs a plus que doublé, passant de 3.500 à 7.500. Ce nombre de médecins anesthésistes-réanimateurs formés en France dans les vingt dernières années a permis une médicalisation presque totale de l’exercice de cette discipline. Pratiquement tous les établissements de soins, qu’ils soient publics ou privés, sont dotés d’un personnel médical qualifié en anesthésie-réanimation. Selon les établissements, les missions dévolues aux anesthésistes-réanimateurs sont les suivantes : 1) l’anesthésie englobant l’évaluation pré-anesthésique et la surveillance post-anesthésique immédiate ; 2) l’analgésie post-opératoire ; 3) les soins post-opératoires en collaboration avec le chirurgien ; 4) la réanimation chirurgicale dans les établissements hospitaliers d’une certaine importance ; 5) l’organisation et la médicalisation des soins pré-hospitaliers dans le cadre des Services d’Aide Médicale Urgente (SAMU) ; 6) l’accueil des urgences en milieu hospitalier ; 7) la prise en charge du traitement des douleurs chroniques.

La plupart des établissements hospitaliers publics ont des Services d’Anesthésie-Réanimation avec des structures similaires aux services des autres disciplines. L’enquête INSERM pratiquée en 1978 et 1982 sur l’activité anesthésique en France a permis de recenser 1.276 établissements pratiquant des anesthésies, dont 66 % dans le secteur privé. La taille des établissements est très variable selon la catégorie à laquelle ils appartiennent. La répartition du nombre annuel d’admissions chirurgicales par type d’établissement est la suivante : 17 % pour les centres hospitaliers universitaires, 29 % pour les hôpitaux publics non universitaires et 54 % pour les établissements privés. Le nombre moyen de sites par établissement où se pratiquent l’anesthésie a été évalué à 31,4 pour les CHU, à 7,2 pour les hôpitaux généraux et à 6 pour les établissements privés. Le nombre moyen de salles d’opération est de 16,4 pour les CHU, 2,5 pour les hôpitaux généraux et 2,4 pour les établissements privés. La proportion de praticiens consacrant leurs activités à temps plein à l’hôpital, est de 90 % dans les hôpitaux universitaires, 69 % seulement dans les hôpitaux généraux, 44 % dans les établissements privés. Les autres praticiens partagent leur temps entre plusieurs établissements privés ou l’hôpital local. Une évolution récente, dont il conviendra de tenir compte, est l’ouverture d’autres sites d’anesthésie que le bloc opératoire chirurgical ou la maternité : salles d’endoscopie et de radiologie interventionnelle.

Le nombre total actuel d’anesthésistes-réanimateurs en France peut être considéré comme à peu près satisfaisant. En 1987, on comptait 12,7 anesthésiologistes pour 100.000 habitants en France, 11,5 en Allemagne (de l’ouest à l’époque), 6,7 en Grande Bretagne, l’activité exclusive au bloc opératoire expliquant la différence numérique entre ce pays d’une part et la france ou l’Allemagne d’autre part (52) . Cependant ces chiffres globaux n’expriment pas un certain nombre de difficultés, locales, régionales et, surtout, concernant l’avenir. Localement, notamment pour les hôpitaux généraux, un certain nombre d’établissements ne parviennent pas à disposer du nombre suffisant d’anesthésistes-réanimateurs pour couvrir les activités de garde, 24h/24, 7 jours sur 7, alors que d’autres établissements, pour pouvoir disposer d’une telle liste de garde, sont plutôt en sureffectif diurne, ce qui est une source de démotivation ou d’orientation vers d’autres activités en relation plus ou moins lointaine avec l’anesthésie-réanimation. Au plan régional, la densité sur l’Ile-de-France et la Provence-Côte d’Azur dépasse 17 pour 100.000, alors qu’un chiffre moitié moindre est rencontré dans la région Nord-Picardie (37) . Plus grave, le nombre actuel d’anesthésistes-réanimateurs en formation est insuffisant et une analyse démographique montre que le flux annuel devrait être situé entre 80 et 100. Il devrait dépasser 150 après 1996, et 300 au delà de l’an 2000. Si le flux annuel n’augmente pas au cours des dix prochaines années, le nombre des anesthésistes-réanimateurs en France aura diminué de moitié en 2020 (37) . Compte tenu de l’importance des tâches relevant de l’anesthésie-réanimation, il convient que la pression résultant d’un déficit numérique ne fasse pas privilégier des solutions de facilité, résolvant le problème numérique aux dépends de facteurs essentiels que sont la motivation et la qualité de la formation médicale.

1.4.2. Etablissement de standards de soins pour la pratique de l’anesthésie-réanimation en France

Le Ministère de la Santé et la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation ont l’un et l’autre établi des recommandations concernant la sécurité de l’anesthésie en France. Plusieurs textes ont servi de base de réflexion pour les praticiens et les administrations hospitalières pour une mise en conformité des moyens existants par rapport aux recommandations proposées. Cependant, il faut constater que ces recommandations n’ont pas de caractère réglementaire et que, de ce fait, aucun praticien et aucun établissement n’est tenu de les observer. Elles ne peuvent que servir de base de discussion en cas de litige médico-légal, c’est à dire après l’accident, donc trop tard. Ainsi, une réglementation est souhaitable, associée à la vérification de l’observation de cette réglementation dans les différents établissements, avec accréditation périodique des établissements garantissant au patient un certain niveau de sécurité concernant la pratique de l’anesthésie.

1.5. En résumé sur ce point

Les chiffres dont on dispose permettent d’avancer que, dans les années 1980, le nombre d’anesthésies en France était de 3.500.000 environ, et que ce chiffre n’a pu qu’augmenter notablement, en raison notamment du développement de l’anesthésie pour endoscopie digestive chez des patients ambulatoires. La fréquence des accidents mortels de l’ordre de 1 sur 10.000 environ ne saurait être une fatalité, la surveillance en Salle de Réveil et les progrès du monitorage permettant d’éviter un grand nombre de ces catastrophes. Si le risque nul ne peut exister, on sait désormais que 70 % environ de ces accidents sont a priori évitables. Il apparaît donc réaliste de se fixer comme objectif une réduction de moitié du risque lié à l’anesthésie pour les cinq années qui suivraient l’application de mesures résultant de l’analyse des principales causes de mortalité liée à l’anesthésie.

De façon chronologique, les différentes phases pré-, per- (en séparant les facteurs humains du matériel) et post-opératoires sont successivement abordées dans ce rapport, en ce qu’elles concernent la sécurité anesthésique.

2. Importance de La consultation pré-anesthésique

Le but principal de l’évaluation préopératoire est de réduire la morbidité et la mortalité péri-opératoires. Ce but est atteint par l’optimisation de l’état de santé du patient avant l’intervention et par la planification des soins péri-opératoires les plus appropriés. Ces soins reposent sur la mise en évidence de troubles pouvant poser des problèmes pendant ou après l’intervention. c’est la fonction de l’anesthésiste-réanimateur que d’anticiper et de prévoir les stratégies thérapeutiques dans le cadre de la consultation pré-anesthésique. Les autres objectifs de la consultation pré-anesthésique sont de rassurer et d’informer le patient, et d’obtenir ainsi son consentement pour le protocole proposé.

La morbidité et la mortalité péri-opératoires augmentent avec la sévérité des affections préexistantes (par exemple hypertension artérielle, bronchite chronique ou diabète), dont les anesthésiologistes ont pris l’habitude de codifier la sévérité à partir de la classification de l’American Society of anesthesiologists (ASA) (Annexe 1). Si les accidents péri-opératoires frappent d’autant plus les esprits que les sujets sont jeunes et bien portants, il ne faut pas perdre de vue que 96 % de la mortalité post-opératoire est en rapport avec la pathologie du patient et l’acte qu’elle nécessite, et que dans 14 % des cas, si l’anesthésie n’est pas la cause exclusive du décès, elle a néanmoins pu jouer un rôle, du fait notamment d’une pathologie sous-jacente (29) . Par conséquent une évaluation soigneuse des affections préexistantes et leur traitement sont d’importants facteurs d’amélioration du pronostic de l’intervention. Indépendamment d’éventuelles pathologies graves, l’examen pré-anesthésique permet également de prévoir un certain nombre de difficultés techniques anesthésiques (difficultés d’intubation, d’abord veineux, d’abord de l’espace péridural ou d’autres sites). Enfin il est démontré que la réhabilitation des patients, malades ou sains, est plus rapide lorsque l’anesthésiste-réanimateur apaise leurs craintes et les informe du déroulement des événements (2, 17, 21, 22) .

L’examen pré-anesthésique doit comporter un examen du dossier, un interrogatoire et un examen clinique. Le cas échéant des examens complémentaires et des consultations spécialisées sont demandés. Tous les renseignements sont transcrits sur un document écrit.

Cette démarche médicale est adaptée au degré de l’urgence, à l’état du patient, à l’acte et à l’anesthésie envisagés. La consultation pré-anesthésique revêt une importance particulière pour l’anesthésie ambulatoire. En effet, dans ce cadre, une sélection rigoureuse des patients doit être menée afin d’écarter ceux pour lesquels une hospitalisation de jour est inadaptée.

2.1. La situation de la consultation pré-anesthésique

2.1.1. Le point de vue des patients.

Une enquête réalisée en octobre 1992 par l’institut BVA, sur l’image que le public avait des anesthésistes-réanimateurs et de l’anesthésie, a confirmé que celle-ci suscitait encore une peur chez 43 % des personnes interrogées (44) . L’anesthésie est perçue comme l’élément le plus dangereux du processus chirurgical et, en tout état de cause comme un acte non anodin qui comporte des risques. Ceci est encore plus ressenti lorsque l’anesthésie est réalisée pour un acte non chirurgical mais diagnostique, telle qu’une endoscopie. Les raisons le plus souvent invoquées sont la peur de ne pas se réveiller, la crainte de ne pas supporter l’anesthésie pour des raisons diverses, et enfin, la peur de l’inconnu. Quant à l’anesthésiste-réanimateur, il n’est pas toujours identifié comme un médecin spécialiste : 20 % des personnes interrogées pensent qu’il s’agit d’un infirmier spécialisé et 6 % pensent que c’est le chirurgien qui pratique l’anesthésie.

Cette enquête révèle bien le besoin ressenti d’une prise en charge pré-anesthésique ayant pour objet l’amélioration de la sécurité et la dissipation de malentendus par le biais d’une information honnête. Il doit s’établir une interaction entre le médecin anesthésiste-réanimateur et le patient, au cours de laquelle ce dernier pourra non seulement exposer ses problèmes de santé mais aussi exprimer ses angoisses et ses interrogations. L’anesthésiste-réanimateur de son côté doit préciser son rôle, dissiper les craintes et répondre à son devoir d’information. Cette information doit insister plus particulièrement sur les points suivants : les différentes techniques d’anesthésie et d’analgésie post-opératoires disponibles, leurs risques prévisibles, les échecs possibles de l’anesthésie loco-régionale pouvant nécessiter une anesthésie générale, les changements de technique anesthésique justifiés par la stratégie chirurgicale, la possibilité de transfusion sanguine en cas de chirurgie potentiellement hémorragique, les techniques d’épargne transfusionnelle notamment par la transfusion autologue différée, l’adaptation des thérapeutiques en cours pour éviter les interactions médicamenteuses indésirables avec l’anesthésie.

Il est clair que cette tâche nécessite du temps, la compétence d’un spécialiste, des locaux et un délai par rapport au moment de l’intervention proposée. Il n’est pas possible de fixer ce délai de façon réglementaire, mais il doit laisser le temps de modifier sans difficulté le programme opératoire chaque fois que c’est utile. Ainsi pourra-t-on passer d’une attitude binaire de l’anesthésiste-réanimateur (acceptation ou refus pour contre-indication absolue la veille de l’intervention, alors qu’on sait qu’il n’existe pratiquement plus de contre-indication absolue), à une attitude plus positive, qui consiste à anesthésier le patient dans les meilleures conditions possibles.

2.1.2. Etat de la consultation pré-anesthésique en France

Durant la période de l’enquête INSERM (1978-1982), le pourcentage d’établissements comportant au moins une consultation externe d’anesthésie était de 43 % pour les Centres Hospitalo-Universitaires (CHU) et de 22 % dans les autres établissements publics ou privés. Cette enquête ne permettait pas d’estimer le débit de ces consultations (49, 50) .

En 1991 une enquête, réalisée auprès d’un échantillon (au 1/35ème) de médecins anesthésistes-réanimateurs tirés au sort à partir du fichier de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR), a montré que 73 % des établissements hospitaliers disposaient au moins d’une consultation organisée se situant dans 80 % des cas dans des locaux réservés à celle-ci (5) . Le secteur hospitalier public disposait plus souvent que le secteur privé d’une consultation organisée. Cependant, quelle que soit la situation (existence ou non d’une consultation) ou le type d’hôpital, 14 % des patients étaient vus pour la première fois par le médecin anesthésiste-réanimateur, le jour de leur intervention dans le cas d’un acte programmé et dans 49 % des cas la veille. Le circuit le plus classique restait celui où le patient est admis la veille de son intervention, sans consultation d’anesthésie programmée ; les investigations complémentaires sont prescrites par le chirurgien ou réalisées selon des procédures systématiques propres à chaque service ; le médecin anesthésiste-réanimateur effectue sa visite pré-anesthésique la veille au soir. Le nombre de patients vus tardivement de cette façon était, dans cette enquête d’autant plus élevé que le volume d’activité des anesthésistes-réanimateurs était plus important.

Cette situation présente de nombreux inconvénients :

  • inconvénients envers le patient : visite tardive, de courte durée, par un praticien dont la vigilance est altérée par la fatigue, devoir d’information mal rempli, anxiété non prise en compte, faible humanisation du rapport, stress psychologique entraîné par un éventuel report d’intervention, ou risque accru en cas de non report au seul motif d’éviter ce stress psychologique, impossibilité de réaliser des économies de sang homologue par l’absence de planification de programmes d’autotransfusion différée.
  • inconvénients envers l’organisation du service : découverte de problèmes nécessitant un report d’intervention, modification des programmes opératoires, réalisation « en urgence » de démarches qui auraient pu être programmées (commandes de sang, examens complémentaires…).
  • inconvénients d’ordre économique : impossibilité de réduire la prescription des examens complémentaires par une prescription sélective adaptée au contexte, pas de contrôle sur la durée de séjour préopératoire. On conçoit que ces habitudes se soient instaurées à une époque où la durée d’hospitalisation préalable à l’intervention était considérée pouvoir se prolonger sur plusieurs jours sans motif valable.

En conclusion, le concept de consultation externe d’anesthésie est bien implanté en France et a subi un développement important au cours des dix dernières années. Cependant, le nombre de structures et le débit de patients pouvant en bénéficier restent notoirement insuffisants. Il y a donc lieu de remettre de l’ordre à ce niveau. La situation actuelle s’explique par un certain nombre de freins.

2.2. Les freins au développement

2.2.1. Le coût

La structure immobilière de la consultation pré-anesthésique est identique à celle de toute consultation médicale (accueil, secrétariat, salle d’attente, salle d’examen, salle de prélèvements …). Or souvent ces locaux n’existent pas, ou ne sont pas disponibles du fait d’une personnalisation excessive des structures de consultation. Construire ou louer ces locaux, les doter en personnel génère évidemment des coûts. L’augmentation du « temps médecin » consacré à la consultation pré-anesthésique (par rapport à la visite effectuée au lit du malade) entraîne un surcoût en personnel médical ; mais ce surcoût est probablement compensé en partie par une meilleure organisation du temps de travail.

La consultation pré-anesthésique est un facteur de sécurité, qui permet en outre de raccourcir la durée d’hospitalisation, en évitant souvent de faire rentrer le patient plusieurs jours à l’avance. Cet effet bénéfique au plan économique national, peut être un frein dans les établissements privés dont le mode de financement repose en partie sur la facturation de prix de journées, à l’heure actuelle. Cependant cette analyse doit être menée en terme de coûts/avantages et non uniquement en terme de coût financier.

2.2.2. L’organisation des programmes opératoires

L’absence de programmation à distance des actes et l’absence de concertation entre les partenaires rendent difficiles l’organisation de consultations externes.

2.2.3. La mauvaise connaissance du public

Un autre sondage, réalisé en 1991 par l’institut CSA, a indiqué que 44 % des personnes interrogées ne considéraient pas les anesthésistes comme des médecins spécialistes et 41 % ne pouvaient porter de jugement sur leur formation, ignorant le mode et la durée de celle-ci (45) . Il est dès lors aisé de comprendre l’absence d’une demande spontanée de consultation pré-anesthésique de la part des patients ou leur étonnement lorsque celle-ci est proposée.

2.2.4. L’éloignement géographique

des patients est un obstacle à des déplacements itératifs vers les établissements ayant une large zone d’attraction.

2.2.5. L’avancement des frais

de consultation et d’investigations complémentaires par les patients, puis les difficultés pour ceux-ci à faire reconnaître par les Caisses d’Assurance Maladie le rapport avec l’acte opératoire, sont également à prendre en considération.

2.2.6. La réticence des praticiens demandeurs d’anesthésie

La Spécialité d’Anesthésie et Réanimation Chirurgicale n’est pas encore ancrée dans l’esprit de tous les médecins comme une entité médicale à part entière. Le patient est souvent considéré comme « propriété » du praticien recruteur et non comme une personne dont les problèmes médicaux sont pris en charge globalement par une équipe médicale. Dans ce contexte, la consultation d’anesthésie est souvent vécue comme une difficulté supplémentaire dans le circuit du patient (nouveau rendez-vous, nouveau déplacement, nouveau débours financier), dont le bien fondé n’apparaît pas clairement aux praticiens, qui se sentent pas la nécessité de demander à un confrère spécialisé d’identifier les problèmes liés à l’anesthésie, alors que la formation nécessaire n’est pas dispensée à l’ensemble des médecins.

2.2.7. L’absence de temps

Le nombre de patients vus tardivement est d’autant plus élevé que le volume d’activité des anesthésistes-réanimateurs est important. Ceci contribue à l’absence plus fréquente de consultations dans les établissements privés. Ce problème est crucial car la demande d’anesthésie risque d’être rapidement exponentielle. A titre d’exemple, le nombre annuel d’endoscopies digestives réalisées sous anesthésie en 1980 était de 20.000 : il approcherait 1,2 million actuellement et 2 millions si toutes les endoscopies hautes étaient réalisées sous anesthésie  (32) ; l’engagement croissant des anesthésistes-réanimateurs dans le monde obstétrical pour améliorer la sécurité maternelle, et indirectement néonatale, fait de la population des 800.000 femmes qui accouchent chaque année une clientèle potentielle de la consultation d’anesthésie.

2.2.8. Un cadre réglementaire faible.

Il existe un cadre juridique parfaitement défini envisageant toutes les facettes de l’évaluation pré-anesthésique et définissant son caractère indispensable :

  • La circulaire du 30 avril 1974 relative à la sécurité des malades anesthésiés précise que tout malade devant subir une anesthésie doit faire l’objet d’une consultation ayant lieu suffisamment tôt pour permettre de demander tout examen complémentaire et conseiller tout traitement jugé nécessaire (6) .
  • La circulaire du 23 mars 1982 précise que la consultation pré-anesthésique est essentielle dans la prévention des incidents et des accidents de l’anesthésie et que, dans tous les cas, le compte rendu de cet examen doit être porté au dossier pour être consulté par l’anesthésiste-réanimateur qui effectuera l’acte (7) .
  • la Nomenclature Générale des Actes professionnels reconnaît la consultation d’anesthésie, qui est honorée comme une consultation spécialisée.

Dans le cadre de l’exercice libéral, la consultation permet l’établissement d’une relation personnelle et directe entre le futur opéré et le médecin. Cette consultation s’avère fondamentale sur le plan du droit car elle a une valeur contractuelle.

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins, dans un rapport consacré à l’exercice de l’anesthésiologie adopté lors de la séance plénière du 21 mars 1980, a précisé que l’anamnèse pratiquée par l’anesthésiste-réanimateur et les examens complémentaires prescrits, engageaient sa responsabilité envers le patient, non seulement du point de vue juridique, mais surtout dans le domaine déontologique (28) .

La Société française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) a édité en septembre 1991 des Recommandations concernant la période pré-anesthésique. Elles reprennent l’ensemble des notions précédemment citées et précisent en outre les conditions d’organisation de la consultation pré-anesthésique  (39)  :

  • son site : une structure immobilière semblable à celle de toute consultation médicale (accueil secrétariat, salle d’attente, salle d’examen, salle de prélèvement…)
  • son moment : programmation à distance de l’acte envisagé, y compris pour les actes réalisés en ambulatoire. En aucun cas, en dehors de l’urgence absolue, elle ne doit avoir lieu dans l’instant qui précède l’anesthésie.
  • ses acteurs : un médecin anesthésiste-réanimateur, qui peut être différent de celui qui réalisera l’anesthésie à la condition que celui-ci prenne connaissance du dossier et se présente au patient avant l’intervention.

L’Agence Nationale pour le Développement et l’Évaluation Médicale (ANDEM) a édité, avec l’accord des autorités scientifiques de la discipline, des recommandations de prescription des examens complémentaires préopératoires qui ne peuvent être correctement appliquées que s’il existe une consultation pré-anesthésique (30) .

Cependant ce cadre réglementaire est « faible ». Les circulaires ministérielles ont, par nature, peu de valeur juridique et se sont défendues d’êtres normatives. Les recommandations de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) s’apparentent plus aux « guidelines » anglo-saxons qu’à des normes dont il serait délictueux de s’écarter.

2.3. Les actions

Il convient de convaincre l’ensemble des partenaires (patients, médecins généralistes, chirurgiens, anesthésistes-réanimateurs, gestionnaires) de l’importance de la consultation pré-anesthésique pour la sécurité des patients.

2.3.1. Information des patients.

Elle peut se faire par l’intermédiaire des médias, mais aussi par celui de partenaires institutionnels. Une expérience récente a été menée par la Caisse d’Assurance Maladie des Bouches du Rhône qui adresse à ses affiliés un message d’information sur la consultation pré-anesthésique accompagnant le règlement des dossiers. On pourrait imaginer que des brochures de ce type soient mises à la disposition du public dans les salles d’attentes des différentes structures accueillant de potentiels « candidats » à l’anesthésie : établissements de soins, cabinets médicaux, caisses de sécurité sociale …

2.3.2. Information du médecin généraliste.

Le cursus universitaire ne prévoyait pas jusqu’à présent de cours ou de stage dans les services d’anesthésie-réanimation pour les étudiants. Désormais un stage d’un mois est prévu. Il convient d’appliquer et pérenniser cette mesure afin que le médecin généraliste soit sensibilisé aux problèmes de l’anesthésie. Il convient également d’instaurer une relation plus automatique entre généraliste et anesthésiste-réanimateur, par exemple au moyen du questionnaire évoqué au paragraphe 2.3.5., dont il pourrait être destinataire. Le généraliste est en effet la « mémoire » de l’état de santé du patient, élément essentiel de l’évaluation pré-anesthésique.

2.3.3. Information des praticiens « demandeurs » d’anesthésie.

Elle passe par l’implication des anesthésistes-réanimateurs dans des réunions communes où seront mis en exergue les bienfaits d’une évaluation précoce dans l’estimation des risques et la planification des stratégies thérapeutiques. L’aspect « obligatoire » d’une consultation pré-anesthésique est parfois le dernier argument pour vaincre certaines réticences.

2.3.4. Information des gestionnaires.

Il est impératif qu’il y ait dans chaque établissement de soin un local de consultation d’anesthésie individualisé. L’idéal serait qu’il se situe dans des structures de polyclinique regroupant l’ensemble des consultations et qu’il fonctionne aux mêmes heures que les autres. Ceci permettrait de limiter autant que possible les déplacements itératifs des patients. La planification des modalités d’hospitalisation par le biais de la consultation d’anesthésie est facteur d’efficience et de productivité pour l’ensemble des acteurs impliqués (hospitalisation, secrétariat, laboratoires, explorations …)

2.3.5. Les anesthésistes-réanimateurs

Comme en témoigne l’accueil favorable fait aux recommandations de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) sur la période pré-anesthésique (39) , il existe un consensus dans la Spécialité sur l’intérêt d’une consultation pré-anesthésique réalisée suffisamment tôt avant l’acte proposé. L’organisation matérielle, la disponibilité des anesthésistes-réanimateurs en terme de temps, leur influence très variable sur les autres acteurs, ne leur permettent cependant pas toujours de développer en pratique cette activité de consultation externe. Il est possible de préparer la consultation et d’en écourter la durée, sans altérer la qualité de l’information recueillie, par des moyens tels que des questionnaires préalablement remis aux patients et remplis par eux avec l’aide éventuelle de leur médecin traitant, ou des entretiens par téléphone. l’émission de normes permet d’influencer les décisions. La revalorisation de l’acte d’anesthésie irait dans le bon sens, permettant d’étoffer les équipes, de recruter des praticiens et d’assurer de bonnes conditions dans la redistribution des tâches imposées par le développement des consultations externes de pré-anesthésie.

 

3. Les facteurs humains

3.1. Importance des facteurs humains dans les accidents d’anesthésie

A l’origine des accidents, une défaillance du matériel n’est en cause que dans 15 % des cas, contre 85 % pour l’erreur humaine (14) . L’homme est faillible et tout anesthésiste-réanimateur, quelle que soit sa compétence, son expérience, sa formation, peut être un jour l’auteur d’un accident catastrophique (16).

Cooper et coll. (14, 15) ont publié, à partir de 481 cas d’accidents potentiellement graves, la fréquence des différents facteurs humains en cause. Le tableau suivant montre les six facteurs favorisants les plus fréquents, faisant ainsi apparaître les solutions possibles que sont notamment la formation initiale et continue, l’amélioration de la communication, la réduction de la fatigue et le matériel de surveillance.

Tableau I : Fréquence des principaux facteurs humains en cause dans les accidents anesthésiques (d’après Cooper)

 

Cause de l’erreur
Fréquence
Expérience insuffisante
16 %
Matériel non familier
9,4 %
Communication insuffisante
5,6 %
Hâte
5,4 %
Inattention
5,4 %
Fatigue
5 %

 

3.1.1. L’expérience

L’expérience, tant de la procédure que du matériel utilisés, apparaît au premier plan des facteurs humains de sécurité. La confrontation à un matériel nouveau, méconnu ou mal connu de l’anesthésiste-réanimateur, peut favoriser l’accident. Le manque d’expérience, ou au contraire la trop grande confiance en son expérience de routine, non ré-analysée en fonction des acquisitions récentes de la science, peuvent induire une attitude erronée telle qu’une mauvaise préparation du patient, une méconnaissance (ou une connaissance fausse) de la technique chirurgicale, anesthésique ou d’un produit nouveau. (13) De fait, depuis une dizaine d’années, pour éviter cet inconvénient, on assiste à un développement important des « sous-spécialités » en anesthésie : anesthésie en obstétrique, en chirurgie pédiatrique, cardiaque, neurochirurgie … Une enquête récente a montré que les médecins anesthésistes américains déclaraient que 65 % de leur temps d’exercice était dans le champ de telles « sous-spécialités » (33) . C’est un facteur de sécurité mais, compte tenu de la polyvalence du diplôme, qu’il est hors de question de remettre en cause, ceci souligne la nécessité d’une formation continue et adaptée à la pratique actuelle ou future des anesthésistes-réanimateurs, tout comme des infirmières spécialisées.

3.1.2. Facteurs liés à la communication et à l’information

Dans l’analyse des accidents d’anesthésie, on retrouve souvent la notion d’informations erronées, non données ou méconnues par les partenaires (chirurgien, personnel paramédical, collègue que l’on remplace, etc.) qui auraient pu modifier la conduite de l’anesthésie (plaie vasculaire accidentelle, lésion chirurgicale d’un organe, problème lors de la pose d’un cathéter …) (13, 26) .

Dans une situation critique où l’information est insuffisante, l’anesthésiste a tendance à voir ce qu’il s’attend à voir et à faire ce qui a, dans le passé, donné les meilleurs résultats (1) . Une supervision par un collègue plus expérimenté ou ayant un « œil neuf » peut prévenir l’enchaînement d’erreurs, ce qui rend plus sûr le travail en équipe, plus risquée l’anesthésie dans des sites isolés. Le fait qu’un anesthésiste-réanimateur prenne le relais d’un autre dans une intervention prolongée est reconnu avoir des effets favorables, permettant de ré-analyser la situation.

La nécessité de prendre des résultats de laboratoire par téléphone en dehors de la salle d’opération a été à l’origine de plusieurs accidents, ce qui rend souhaitable l’arrivée de l’information directement en salle d’anesthésie, idéalement par l’informatique et, au minimum et de façon exceptionnelle, par le téléphone dans la salle d’opération, d’endoscopie, ou de radiologie.

L’existence d’un dossier anesthésiologique est par ailleurs une nécessité. Doivent y figurer les constatations de la consultation pré-anesthésique, la feuille d’anesthésie avec les principaux événements per-opératoires et les prescriptions post-opératoires pour la Salle de Réveil et les suites opératoires concernant l’anesthésie-réanimation.

3.1.3. Facteurs liés à l’environnement

L’anesthésiste-réanimateur évolue au sein d’un environnement qui peut compliquer une situation et transformer un événement « critique » en une catastrophe. On peut citer :

  • le travail concomitant sur plusieurs salles sans être secondé;
  • la diminution du champ visuel de surveillance par la position du patient, la chirurgie (tête, cou) et les champs opératoires;
  • la soumission à différents stress. (13, 53)
  • stress de l’environnement (froid, bruits)
  • stress physiologiques (fatigue, pollution par les vapeurs anesthésiques) pouvant être liés à une trop longue période d’activité sans repos compensateur (pouvant dépasser 24 heures de suite)
  • stress psychologique secondaire à l’appréhension, à la conduite de plusieurs anesthésies concomitantes, au travail dans un site isolé des autres collègues, au sentiment d’insécurité lié à la hâte ou à l’urgence qui empêchent une réelle préparation du patient, aux possibles difficultés relationnelles, aux rapports parfois agressifs, tendus, concurrentiels, le plus souvent liés à la fatigue de l’ensemble des acteurs (anesthésiste-réanimateur, chirurgien, obstétricien, paramédicaux). Enfin les soucis personnels du médecin peuvent avoir un retentissement.

Les réactions au stress sont peu prévisibles et la chute des performances peut prendre plusieurs formes, comme la concentration sur une seule solution à un problème, ou l’application de la solution la mieux ancrée dans la mémoire, donc la plus anciennement apprise, mais pas nécessairement la plus adaptée à la situation en cause (1) .

Des facteurs organisationnels (26) peuvent intervenir par exemple par le biais d’une pression de productivité.

L’élaboration du planning opératoire, dès lors qu’elle est unilatérale par les chirurgiens, ne peut tenir compte des impératifs de sécurité de l’anesthésie. Le planning opératoire doit être organisé conjointement entre le chirurgien et l’anesthésiste-réanimateur. Il devrait être cosigné par les deux médecins responsables. Ceci est encore plus nécessaire lorsqu’il est envisagé de « rajouter » une intervention sur un programme préétabli.

Enfin l’ergonomie du poste de travail de l’anesthésiste-réanimateur peut entraîner une amélioration des performances de ce dernier et, par voie de conséquence, concourir à la sécurité du patient.

3.1.4. Facteurs liés à la vigilance

La baisse de vigilance peut provoquer des erreurs ou des confusions de seringues ou de produits, des surdosages en médicaments, des extubations accidentelles (13) . La fatigue physique comme les problèmes personnels (13, 53) peuvent provoquer une irritabilité, une dégradation des performances et de la mémorisation immédiate. Friedman et coll. (25) ont mené une étude sur les erreurs d’interprétation d’un électrocardiogramme par des internes ayant dormi moins de 4 heures la nuit précédant le test. Ils ont ainsi montré que les performances chutaient de façon significative, même chez des sujets jeunes, aux facultés de récupération bien supérieures à celles de leurs aînés. Pour mémoire, les internes ont une moyenne d’âge de 25 ans et les médecins anesthésistes-réanimateurs en France de 42,5 ans. Ce problème risque de s’accroître du fait de la démographie de la spécialité.

3.1.5. Autres facteurs

L’erreur humaine porte plus rarement sur la technique ou le matériel. Il se peut néanmoins que les gestes effectués par le médecin soient à l’origine d’accidents par une mauvaise réalisation, une vérification insuffisante ou erronée. Il peut s’agir d’une intubation œsophagienne ou sélective, d’une défaillance du laryngoscope ou d’une maîtrise insuffisante d’un matériel nouveau (13) .

3.2. Analogie avec d’autre types d’accidents

Du fait de sa haute technicité, l’anesthésie a souvent été comparée à l’aviation, tout comme ses accidents, qui ont été analysés comme ceux des catastrophes de l’aviation, des vols spatiaux ou de l’industrie chimique et nucléaire (13, 27) . L’accident de Three Mile Island et plus récemment les catastrophes de Bhopal et de Chernobyl ont montré aux observateurs le rôle important des facteurs humains dans ce type d’accident.

Perrow, cité par Gaba (27) , a noté que ces accidents s’étaient produits en dépit de nombreux efforts faits pour les prévenir et des multiples systèmes de sauvegarde ou d’alerte installés. Il a appelé ces phénomènes « accidents normaux » ou « accidents de système », qu’il est possible de désigner par le terme « d’accidents potentiels imprévisibles ». Les deux éléments clefs, qui rendent vulnérable à un accident de système, sont la complexité des interactions et l’étroite liaison entre les différents composants. Il est clair que la situation anesthésique comporte également ces deux éléments, de telle sorte que le risque nul n’y existe pas plus que dans les domaines précités.

3.2.1. La complexité des interactions

Les interactions sont complexes quand il s’agit de séquences inhabituelles ou imprévues et difficilement visibles ou incompréhensibles immédiatement.

Or, si l’état anesthésique peut être facilement obtenu, les mécanismes de l’anesthésie ainsi que certaines actions pharmacologiques et physiologiques sont encore mal connus, et laissent place à plusieurs interprétations. Certaines sont erronées et peuvent conduire à des catastrophes, car telle réponse qui serait adaptée dans un cas peut s’avérer délétère dans un autre qui lui ressemble. Le développement d’appareils renseignant sur des paramètres physiologiques sont de ce point de vue d’un grand apport, mais augmentent le nombre de paramètres à intégrer par l’anesthésiste-réanimateur.

3.2.2. Liaison entre les composants

Le corps humain est physiquement compartimenté, avec de nombreuses intrications entre ses différents constituants. Ainsi, les systèmes cardio-vasculaire, respiratoire et nerveux (entre autres) sont étroitement intriqués entre eux, ainsi qu’avec le contrôle de l’homéostasie, qui affecte en retour ces organes.

Par exemple, en cas d’hémorragie, on observe normalement une accélération de la fréquence cardiaque, une vasoconstriction et une augmentation de la sécrétion de certaines hormones, etc.. L’anesthésie bloque ou limite de nombreux mécanismes de l’homéostasie et des couplages entre les différents systèmes. On constate lors de l’anesthésie une absence de réponse consciente aux stimuli, une diminution de la réponse ventilatoire à l’hypoxie ou à l’hypercapnie, une réduction des vasoconstrictions systémique et pulmonaire et des réflexes barorécepteurs, de telle sorte que nombre des mécanismes normaux d’adaptation doivent être remplacés par une action volontaire de l’anesthésiste-réanimateur.

Calkins, cité par Gaba, suggère que les anesthésistes-réanimateurs ont besoin d’un « sixième sens » qu’il définit comme une sensation générale que quelque chose ne va pas sans pour autant cerner le problème actuel (27) . En réalité, il faut une formation, de l’expérience, de la vigilance et du matériel permettant de s’orienter rapidement vers l’anomalie la plus probable.

3.2.3. Homme ou machine ?

Certains signes sont mieux détectés par l’homme, d’autres par la machine. d’une manière générale, les mesures répétées, monotones, prolongées sur une longue période de temps, sont mieux effectuées par une machine. A l’opposé, ce qui demande une interprétation et une décision est habituellement mieux fait par l’homme. Ces remarques générales valent pour l’anesthésie. La mesure régulière de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la saturation en oxygène peut être effectuée automatiquement de façon fiable pendant des jours entiers sans défaillance. Assigner cette tâche à l’homme entraîne inévitablement des fautes occasionnelles. De plus, en cas d’événement critique, tel un saignement massif, il convient que toute l’activité de l’anesthésiste-réanimateur puisse se focaliser sur le traitement (dans cet exemple : accélération des perfusions, dialogue avec le chirurgien, commande de sang, demande d’aide à des collègues …).

Il n’est pas niable que des instruments nouveaux créent des problèmes nouveaux, et que la surveillance instrumentale est une aide à la décision de l’anesthésiste-réanimateur, non une substitution. Les alarmes sonores et visuelles sont indispensables pour maintenir la vigilance et des efforts dans l’ergonomie des appareils doivent être réalisés, pour qu’un seul coup d’œil permette de saisir à la fois les données des principaux instruments de surveillance, l’aspect général du patient et ce qui se passe de l’autre côté du champ chirurgical (16) .

3.3. Cas particuliers

3.3.1. L’anesthésie ambulatoire

On peut considérer qu’il n’existe pas de ce point de vue de spécificité, la seule particularité étant que le patient rejoindra son domicile après son séjour en Salle de Réveil (38) .

Il y a néanmoins lieu d’insister sur la toute particulière rigueur dans l’établissement du programme opératoire que cette pratique exige.

3.3.2. L’urgence

Le problème posé est essentiellement celui de la situation particulière du patient. La pathologie est intervenue subitement et oblige à un geste chirurgical dans les plus brefs délais. Ce type de situation rend le plus souvent très difficile la réelle préparation adaptée du patient à l’anesthésie et à l’acte chirurgical. Il existe également une pression psychologique (stress du malade, de sa famille, des médecins, du personnel) qui nuit à la sérénité de la réalisation de l’anesthésie. L’interrogatoire et les examens préopératoires sont parfois réduits à leur plus simple expression (blessés inconscients …). Le patient est le plus souvent pris en charge avec l’estomac plein, ce qui augmente de façon très significative le risque d’inhalation.

L’anesthésie en urgence s’effectue le plus souvent au moment où les effectifs en médecins et personnels sont les plus réduits (gardes, astreintes, jours fériés). Elle impose un certain nombre de gestes qui seront effectués dans des conditions difficiles. Par exemple, au moment de l’induction, pour diminuer le risque d’inhalation du liquide gastrique (sang, aliments, sécrétions …), l’intubation est réalisée avec un appui au niveau du cartilage cricoïde (manœuvre de Sellick). Cette manœuvre nécessite l’assistance d’une personne qui sache l’exécuter. Les infirmières(ers)-Anesthésistes Diplômées(és) d’état (IADE) ont cette compétence.

En cas d’hémorragie majeure ou de grand collapsus, il est impossible pour une seule personne, aussi compétente et entraînée soit-elle, de surveiller correctement la bonne conduite de l’anesthésie et d’assurer en même temps un remplissage vasculaire ou une compensation des pertes de sang en assurant une vérification correcte des solutés administrés (vérification de compatibilité, réinjection, rédaction de la feuille d’anesthésie). La présence d’une (un) IADE est donc un élément important de la sécurité.

La particularité essentielle à retenir est le risque lié à l’isolement du médecin anesthésiste-réanimateur dans ces types de situation. Il est évident que l’anesthésie en urgence d’un polytraumatisé est différente de celle réalisée pour des urgences moins lourdes. Il apparaît donc que les centres susceptibles d’accueillir des urgences chirurgicales lourdes doivent disposer de moyens humains et matériels importants, qu’il s’agisse de structures publiques ou privées. Mais, quel que soit le type d’urgence, l’anesthésiste-réanimateur devrait ne pas pouvoir se trouver seul dans les phases délicates de l’anesthésie en urgence.

3.4. Propositions d’amélioration

Schématiquement on peut évoquer la formation et la qualification, la pratique et les conditions de pratique et enfin l’organisation.

3.4.1. Formation et qualification

Un anesthésiste-réanimateur en cours de formation (D.E.S.) participe à environ 1.000 à 1.500 anesthésies pendant sa formation. Il existe actuellement une discussion au niveau européen pour faire passer de 4 à 5 ans la durée de la formation initiale et pour favoriser le développement de la formation continue.

La première proposition est en fait une demande fréquente des internes, pour prolonger leur internat, avec une formation plus spécifique dans ce qu’ils prévoient être leur exercice futur. Le choix existe entre une prolongation de l’internat et l’organisation d’un « post-internat », formule plus souple, mais qui requiert une augmentation très substantielle du nombre de postes de chefs de clinique, de façon à tendre vers un nombre équivalent à celui des chefs de clinique en chirurgie, si l’on veut éviter dans l’avenir que la demande anesthésique liée au nombre de chirurgiens ne puisse être couverte par un nombre suffisant d’anesthésistes-réanimateurs bien formés.

Au sein des établissements, l’existence d’une « masse critique de soins », nécessaire au maintien de la qualité des soins, est une notion importante, tant il est vrai, qu’en général, une équipe réalise bien ce qu’elle a l’habitude de faire et que toute technique sporadique en matière d’anesthésie-réanimation est un facteur majeur de risque. Ceci est à prendre en compte dans les schémas de restructuration, car ces impératifs de sécurité ne permettent pas de tout faire dans tous les établissements, dès lors qu’on envisage des techniques relativement rares.

Par ailleurs, lorsqu’un anesthésiste-réanimateur, globalement expérimenté, est affecté à une pratique nouvelle, il apparaît nécessaire qu’il dispose d’une formation lui permettant d’adjoindre les quelques spécificités de cette pratique à son expérience passée. Dans les faits, on peut proposer l’incitation à l’établissement d’une charte de fonctionnement pour assurer un temps de « re-formation » pour les praticiens changeant d’affectation ou d’activité médicale. En dehors de cette situation, tout anesthésiste-réanimateur devrait être tenu de participer à intervalles réguliers à une formation lui permettant d’actualiser ses connaissances, vu l’évolution rapide de celles-ci.

3.4.2. Conditions de pratique de l’anesthésie

Si la qualité des soins requiert de l’expérience et une pratique régulière, d’un autre côté la fatigue physique et psychologique est un problème important dans cette spécialité. Du fait du vieillissement de la population des anesthésistes-réanimateurs et du déficit en jeunes spécialistes en formation, ce problème va se poser de façon croissante, notamment après des durées de travail importantes (gardes et astreintes, interventions prolongées, etc.). L’état de New York a mis en place une législation interdisant aux praticiens de travailler plus de 24 heures consécutives sans une période de repos de 8 heures et ces médecins ne doivent pas travailler plus de 80 heures / semaine (sur une moyenne de 4 semaines) (11). On note que les pilotes de lignes ne peuvent travailler plus de 30 heures sur une période de 7 jours consécutifs, que les conducteurs de trains ne peuvent travailler plus de 12 heures consécutives sans prendre 10 heures de repos, que les capitaines de la marine commerciale ne peuvent travailler plus de 8 heures par jour. Il paraît raisonnable d’envisager des mesures de cet ordre pour l’anesthésie-réanimation (11), non pour le confort de l’anesthésiste, mais pour la sécurité du patient. L’Angleterre vient de se doter d’une nouvelle législation limitant la durée hebdomadaire d’exercice des anesthésistes-réanimateurs à 53 heures.

On pourrait au minimum proposer de limiter à 24 heures consécutives la durée maximale de travail au bloc opératoire et, au delà, de ne tolérer qu’une affectation à une tâche de consultation ou de visite en salle d’hospitalisation. L’organisation des différentes structures devrait tenir compte de cette considération. Le recours à la mise en place d’une charte d’organisation des services ou des activités est un moyen à préconiser.

Enfin, de façon latente, d’autres éléments sont à considérer, notamment une réflexion sur le nombre d’établissements participant à un Service d’Urgences, et sur le nombre de sites dans l’établissement nécessitant la présence d’un anesthésiste-réanimateur 24h/24, après qu’aurait été défini le type d’urgences admises dans l’établissement. Une évaluation préalable des besoins devrait en effet permettre de définir le nombre de sites à couvrir. Dans le cadre des restructurations concernant les Urgences, il est important de veiller à ce que le nombre de personnes que nécessite une liste de garde trouve par ailleurs une justification dans la masse de l’activité réglée, faute de quoi la démographie de la Discipline ne permettrait pas de couvrir les besoins de tous les établissements. En effet, comme indiqué au chapitre 1.4.1. (p 11), il ne faudrait pas que ces praticiens, rendus nécessaires pour assurer le service d’urgence la nuit, se trouvent en sous-emploi le jour, alors que d’autres établissements en manqueraient. Par ailleurs, il ne faut pas masquer le fait que les gardes, après restructurations, seront plus lourdes et nécessiteront la participation de médecins jeunes. Dans un certain nombre d’établissements, il devrait s’agir de chefs de clinique, cette proposition renforçant celles développées à propos de la démographie de la profession et de la nécessité d’une formation plus longue, incluant les urgences. Un dernier argument, concernant l’impérieuse nécessité de l’augmentation des postes de chefs de clinique, est de l’ordre de la valorisation. Si l’on veut intégrer de jeunes anesthésistes-réanimateurs, on doit améliorer l’attrait de la spécialité, ce qui passe par la possibilité offerte à un maximum d’étudiants du DES de bénéficier de tels postes de chef de clinique qu’il conviendrait d’au moins doubler. Améliorer l’attrait c’est aussi aider à l’individualisation des réanimations chirurgicales, qui permet d’ancrer dans l’esprit des étudiants l’autonomie et le bon niveau médical de la Discipline. Enfin, c’est mener une réflexion sur le statut des médecins hospitaliers et les conditions de l’exercice libéral de l’anesthésie-réanimation.

3.4.3. L’organisation

L’anesthésiste-réanimateur devrait pouvoir intervenir dans la gestion des programmes opératoires en concertation avec ses collègues médecins et chirurgiens.

Pour permettre un renfort, une suppléance ou même une simple concertation, il faut un aide, sachant pratiquer les gestes adaptés et accessible, notamment pour les périodes les plus à risques telles que induction, réveil, temps opératoires délicats, ou problème imprévu. l’anesthésiste ne doit pas se trouver seul, y compris en garde et en astreinte, pour l’anesthésie en urgence.

On peut imaginer une accréditation des sites d’anesthésie comme préalable indispensable à la création et même au maintien des sites anesthésiques publics comme privés. Cette accréditation pourrait être accordée après candidature documentée (descriptif du plateau d’anesthésie, recueil d’activité, engagement à accepter des contrôles inopinés …) pour une durée déterminée et renouvelable dans les mêmes conditions. Ce type de propositions permet une réflexion régionale, qui garantirait l’efficacité de la réponse faite par les établissements publics et privés aux réels besoins de santé des populations tout en tenant compte des réalités locales, géographiques (distances, montagne, etc.) et démographiques.

Enfin, ne faut-il pas envisager le recueil et l’analyse des accidents d’anesthésie afin d’aider à un meilleur discernement des causes et à un affinement des propositions pour améliorer la prévention ? Une telle structure pourrait également être chargée d’évaluer la portée et l’efficacité des différentes décisions qui auraient pu être prises. Cette structure, composée notamment de professionnels et d’enseignants de la discipline, serait pour l’anesthésie l’équivalent de la pharmacovigilance pour la pharmacopée.

3.5. Les freins à la mise en place de ces propositions

3.5.1. Freins institutionnels

La concentration de certaines activités anesthésiques spécialisées, comme l’anesthésie du nouveau-né ou l’accueil de certaines urgences, peut s’envisager sans gros problème dans des CHU. Dans les CHG et les structures privées, loin des grandes villes ou isolés et/ou desservant de fortes populations (banlieues), il faudra pourtant continuer à assurer un service minimal de proximité, qui peut néanmoins comporter des spécialisations. Il est clair qu’il existe un équilibre à trouver entre éloignement géographique et amélioration du niveau de sécurité apporté par la restructuration. Ces questions pourraient passer par une étape locale puis régionale, avec un recours national en cas de difficultés ou de contestations. Les CROSS et le CNOSS pourraient être le lieu de telles réflexions et décisions, au travers d’accréditations, puisque ces instances bénéficient d’une légitimité issue des pouvoirs publics.

3.5.2. Freins liés aux mentalités

Concernant la notion de « masse critique d’expérience ou d’activité », la notion de carnet de bord ou de carnet d’activité est encore mal acceptée par nombre d’internes de la spécialité et ce, malgré les efforts pédagogiques déployés par les enseignants. Cette difficulté est du même ordre que celle qui fait refuser l’évaluation, craignant une hypothétique sanction ou un jugement de valeur. Il faut continuer à convaincre et mettre en avant la notion d’auto-évaluation.

L’accréditation sera confrontée à la difficulté de son acceptation, probablement plus par les pouvoirs politiques et l’administration des établissements, notamment publics, que par les médecins. Les hôpitaux sont en effet d’importants employeurs. Les médecins, s’ils étaient assurés d’une reconversion ou d’une mutation vers une équipe de leur choix, seraient sûrement mieux disposés à l’égard de telles évolutions que dans le cas contraire.

Le fait de limiter l’exercice de l’anesthésie à 24 heures consécutives maximum, en cas de garde active, peut se heurter aux demandes des chirurgiens, obstétriciens et autres « consommateurs » d’anesthésie, et ce d’autant plus que nombre de responsables de ces Disciplines ne sont plus confrontés à la pratique des gardes, une fois le clinicat passé. Il convient d’insister sur le fait que la proposition résulte de l’analyse des facteurs susceptibles de favoriser les accidents.

3.5.3. Freins économiques

La formation continue a un coût non négligeable, en argent et en temps. Elle pourrait obliger les médecins anesthésistes-réanimateurs à suivre des stages de plus ou moins longue durée, que ce soit pour l’apprentissage de nouvelles techniques ou, de manière systématique et périodique, pour maintenir les connaissances à un niveau satisfaisant d’actualisation. Quelle que soit la structure, se pose la question de savoir qui fait le travail de celui qui suit une telle formation.

Les différentes propositions de ce document peuvent trouver une solution dans l’augmentation du nombre de praticiens, que ce soit par le biais d’une augmentation du nombre de postes dans les hôpitaux publics, ou par celui de la revalorisation de la cotation des actes pour les praticiens libéraux. La seule façon d’éviter d’être inflationniste ou irréaliste est d’associer les anesthésistes-réanimateurs à la gestion des programmes opératoires, à la définition du nombre de sites anesthésiques dans un même établissement, à la restructuration des établissements publics et/ou privés dans lesquels on pratique l’anesthésie.

3.6. En résumé sur ce point

Il est entendu que l’homme est faillible et que ceci est une source non négligeable d’accidents d’anesthésie. Les solutions passent par la formation initiale avec un nombre accru de postes de chef de clinique, la formation continue avec probablement une obligation, l’arrivée de l’informatique au bloc opératoire, la présence d’un aide dans les moments délicats, la participation de l’anesthésiste-réanimateur à la gestion du programme opératoire et à toute décision de l’établissement impliquant sa discipline, la définition claire de la vocation de l’établissement notamment dans le domaine des urgences, une limitation du temps de travail à 24 heures consécutives au bloc opératoire. Enfin, les instruments de surveillance munis d’alarmes sont un élément important de la sécurité anesthésique, permettant d’alerter l’anesthésiste-réanimateur et de l’orienter vers un type de complication plutôt qu’un autre : on estime qu’à l’heure actuelle plus de la moitié des accidents d’hypoxie per-anesthésique pourraient être prévenus par ce type de matériel.

 

4. Rôle du matériel dans la sécurité anesthésique au bloc opératoire

4.1. Importance du problème

Sans revenir en détail sur l’enquête INSERM, on peut rappeler qu’on estimait, à l’époque, le nombre annuel de décès ou comas totalement liés à l’anesthésie en France à environ 300 – 350. On a vu qu’il existait de grandes incertitudes sur la fréquence actuelle de ces décès et sur le nombre d’anesthésies, le chiffre de 8.000.000 d’actes ayant été avancé pour 1990 (Source : Ministère de la Santé, in (24)) . Il faut également rappeler qu’environ 80 % des patients anesthésiés sont bien portants par ailleurs, considérés à risque a priori faible, correspondant à la classe 1 dans la classification de l’American Society of Anesthesiologists (Annexe 1) (29) .

Ces accidents sont fréquemment évitables, et ce par des moyens simples. En effet, les accidents anesthésiques graves, mortels ou conduisant à un état végétatif chronique, ont pour cause principale un défaut d’oxygénation (hypoxie). Ces constatations ont entraîné le développement d’appareils de ventilation munis d’alarmes multiples, de surveillance de la saturation en oxygène du patient et de la pression télé-expiratoire de CO2, ainsi que de surveillance hémodynamique automatisée. Les diverses sociétés Nationales d’anesthésie les ont rapidement recommandés et les premiers résultats concernant leur utilisation font espérer un réel progrès. Alors que la fréquence des accidents d’anesthésie mortels ou avec de graves séquelles résiduelles aux USA avait été évaluée par Keenan (31) à 1/5 000 – 1/10 000 anesthésies environ, en 1985, il est maintenant estimé qu’une réduction par un facteur 10 est possible (36) . le respect de « standards d’anesthésie », analogues à ceux recommandés par la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) (42) , s’est accompagné d’une série de 244.000 anesthésies sans aucun accident mortel ou coma, chez des sujets par ailleurs dénués de pathologie médicale lourde, correspondant aux classes 1 et 2 de l’ASA (Annexe 1) (23) . Sans pouvoir espérer atteindre le risque nul sur des millions d’anesthésies, ces résultats confirment ce que l’analyse rétrospective des accidents avait laissé espérer, à savoir une réduction de 70 % de ceux-ci par l’utilisation d’appareils de monitorage adéquats (cf. chapitre 1.2.).

L’état de l’équipement anesthésique en France est mal connu. A l’époque de l’enquête INSERM, plus d’un patient sur deux ne disposait d’aucun moyen de monitorage et, lorsqu’il en existait un, il s’agissait le plus souvent du seul électrocardioscope (29) . Depuis, la situation a certainement évolué, en particulier au lendemain de « l’Affaire de Poitiers », où chacun a pu constater une attribution temporairement moins restrictive de crédits, pour ce type d’équipements, mais on ne dispose pas de données fiables concernant les équipements par site anesthésique en France. Il existe en revanche un consensus national et international en matière d’équipement anesthésique, qui est le suivant (42) .

4.2. L’équipement anesthésique nécessaire

L’anesthésie, quelle que soit la technique utilisée, a entre autres caractéristiques celle de placer le patient dans une situation qui serait dangereuse si le contrôle des grandes fonctions vitales n’était réalisé par l’anesthésiste-réanimateur, aidé de moyens instrumentaux (41, 42) .

4.2.1. Fonction ventilatoire et oxygénation

Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le défaut d’oxygénation est la principale cause d’accident lié exclusivement à l’anesthésie. Pour prévenir ce type d’accident, outre la surveillance clinique, il y a lieu d’utiliser :

  • un débitmètre de sécurité et une mesure continue de la teneur en oxygène du mélange gazeux administré
  • une mesure continue de la saturation du sang en oxygène, le matériel le plus courant étant un oxymètre de pouls, muni d’alarmes
  • un ventilateur muni de moyens de mesure des pressions dans les voies aériennes et de la spirométrie expiratoire, avec les alarmes correspondantes
  • un capnomètre

4.2.2. Appareil cardio-vasculaire

Compte tenu des modifications circulatoires induites par l’anesthésie et, surtout, par l’acte opératoire et la pathologie du patient, cette surveillance est également essentielle et comprend, outre la surveillance clinique, les moyens instrumentaux suivants :

  • un électrocardioscope, muni d’alarmes de fréquence cardiaque
  • un sphygmomanomètre automatisé, muni d’alarmes de pression artérielle
  • un défibrillateur à proximité

Lorsque des actes de chirurgie majeure sont réalisés, il y a lieu d’adjoindre :

  • un moyen de mesure des pressions par voie sanglante
  • un dispositif permettant l’accélération des transfusions et leur réchauffement
  • un ou plusieurs pousse-seringue électriques

4.2.3. Autres fonctions

En fonction de la technique utilisée ou des variations attendues, l’anesthésiste-réanimateur doit pouvoir disposer :

  • d’un stimulateur de nerf, permettant la surveillance de la curarisation
  • d’une mesure continue de la température centrale
  • d’un analyseur d’halogénés.

4.3. Mesures proposées

Qu’il s’agisse de recommandations françaises, nord-américaines, allemandes, anglaises, belges ou hollandaises, elles reposent toutes sur les mêmes éléments de surveillance et le même type d’appareils. Les différences portent sur le degré d’application et le type de coercition. Par exemple, en Hollande, l’utilisation d’un capnomètre est rendue obligatoire par une loi. Aux USA, la pression la plus forte est exercée, a priori, par le montant des primes d’assurances demandées en cas de non-utilisation des « standards » d’anesthésie, a posteriori, par la fréquence et le montant des condamnations judiciaires en cas d’accident survenant dans un contexte de non-utilisation de ces « standards ». Que ce soit en terme de Santé Publique, ou en terme de confiance du public envers son système de soins, les mesures visant à prévenir les accidents apparaissent préférables à celles prises au décours d’un accident, sous la pression des médias ou de la justice. C’est pourquoi, la publication d’un décret rendant obligatoire cet équipement, avec une date limite d’application de l’ordre de deux années, apparaît être en France la solution la plus adaptée.

4.4. Les freins

Ces équipements font désormais l’objet d’un large consensus dans la Spécialité. Les seuls obstacles sont financiers, bien que leur montant soit sans commune mesure avec ceux de la chirurgie, de l’endoscopie ou de la radiologie modernes qu’ils accompagnent, alors qu’ils contribuent de façon significative à la sécurité des actes réalisés dans ces Spécialités. Dans le secteur privé, cet équipement semble ne pas rencontrer de difficultés majeures, dès lors que le forfait de salle d’opération pour l’anesthésie n’est pas amputé et est effectivement attribué à l’anesthésie, notamment pour l’achat de l’équipement et son entretien. Il convient de ne pas sous-estimer l’importance de la maintenance, tant en terme de sécurité, car le matériel doit être fiable pour concourir réellement à la sécurité, que de coûts. Quelle que soit la forme envisagée (contrats d’entretien avec le fabricant, service propre à l’établissement), elle doit avoir l’accord de l’anesthésiste-réanimateur responsable et les fichiers de maintenance individualisés par appareil doivent être tenus à la disposition de celui-ci. Qu’il s’agisse du matériel ou de sa maintenance, il devrait être entendu que l’anesthésie n’est pas possible sans ces équipements minimaux.

Ces remarques valent dans le cadre de la pratique chez des sujets ambulatoires, à la réserve près que la chirurgie majeure n’a pas à être envisagée.

 

5. Rôle de la salle de réveil dans la sécurité anesthésique

La récupération post-opératoire après une anesthésie générale ou loco-régionale, encore appelée « réveil anesthésique », constitue une période au cours de laquelle les accidents sont nombreux et les plus graves. Au cours de cette période, le patient cumule les effets d’une récupération incomplète de l’anesthésie et ceux liés aux conséquences de l’acte chirurgical. Une surveillance attentive dans une structure adaptée pour surveiller les complications liées à l’anesthésie, à l’acte chirurgical ou exploratoire réalisé et à la pathologie du patient semble donc bien légitime après une anesthésie et un acte chirurgical, radiologique ou endoscopique. Pourtant, un effort important reste à faire pour parvenir à cet objectif.

5.1. Nature et gravité des accidents de réveil

5.1.1. Place de la phase de réveil parmi les accidents d’anesthésie

Lorsque l’on considère les différentes phases de l’anesthésie, c’est au cours de la période du réveil que les accidents d’anesthésie sont les plus sévères : 42 % des accidents rapportés en France étaient observés au cours du réveil anesthésique (29) et 50 des 83 décès ou comas persistants liés à des accidents d’anesthésie (60 %) étaient survenus au cours du réveil. Chez les patients qui étaient auparavant en bonne santé (correspondant à la classe 1 de l’ASA), ces données étaient encore plus nettes : 5 des 8 décès ou comas persistants faisaient suite à des accidents du réveil.

Le délai de survenue des accidents du réveil était généralement court, puisque 50 % de la totalité des accidents du réveil et 70 % des dépressions ventilatoires post-anesthésiques étaient observés au cours de la première heure du réveil post-anesthésique. Le site de survenue des accidents était également un élément déterminant pour le pronostic de ces accidents. En effet, la mortalité des accidents du réveil était de 11 % lorsqu’ils étaient survenus au bloc opératoire, en Salle de Réveil ou de soins intensifs, alors qu’elle était de 42 % lorsque ces accidents étaient découverts en salle d’hospitalisation. Ceci était encore plus net pour les accidents de dépression respiratoire, puisque la mortalité observée était respectivement de 29 % et de 70 % (47) .

Si, chez les sujets classés ASA 3 ou 4 (pathologies sous-jacentes), les complications cardio-vasculaires venaient au premier rang, au contraire, chez les sujets classés ASA 1 (bien portants par ailleurs), tous les décès ou comas liés à l’anesthésie étaient dus à des accidents de dépression ventilatoire post-opératoire. En rapport avec la variabilité d’élimination des agents anesthésiques d’un patient à l’autre, ces accidents de dépression respiratoire sont imprévisibles, justifiant la surveillance de tous les patients anesthésiés. Ils sont évitables dans un large mesure par une surveillance en Salle de Réveil, et il convient de souligner que, détectés précocement, ils sont aisés à traiter par qui en a l’habitude, et que, convenablement traités à un stade précoce, ils permettent une récupération totale de l’état de santé du patient. C’est dire l’importance de l’enjeu.

Des données identiques sont retrouvées dans d’autres pays, ce qui semble exclure que ce phénomène soit lié à des pratiques anesthésiques particulières de notre pays. Dans une étude britannique, Utting a rapporté que les dépressions ventilatoires post-anesthésiques et l’obstruction des voies aériennes représentaient 25 des 28 décès de la période de réveil (51) . De même, une étude réalisée aux USA, en écosse et en Nouvelle-Zélande a retrouvé que les 4 accidents sévères observés à partir d’un collectif de 5.000 patients étaient tous des accidents respiratoires.

5.1.2. Accidents liés aux conséquences de la chirurgie et de l’anesthésie

Si, en dehors de la chirurgie thoracique et abdominale, les accidents respiratoires post-opératoires sont en majorité liés aux conséquences de l’anesthésie plutôt qu’à celles de l’acte chirurgical, au contraire les accidents cardio-vasculaires post-opératoires sont généralement liés aux conséquences de l’acte chirurgical et des hémorragies qui peuvent l’accompagner, ou aux antécédents pathologiques des patients opérés, plutôt qu’aux répercussions de l’élimination des agents anesthésiques.

Lors de la phase de réveil, les accidents cardio-vasculaires représentent un peu moins de la moitié des complications du réveil post-anesthésique. Leur pronostic est également sévère puisque, dans l’enquête INSERM, 50 % d’entre eux aboutissaient au décès des patients. En revanche, à l’inverse des complications respiratoires, 80 % de ces accidents étaient survenus chez des patients ayant une pathologie cardio-vasculaire sévère (classe ASA. 3 et 4), tandis que seulement 10 % d’entre eux avaient été observé chez des patients classés ASA 1 (20) . Il semble donc bien clair que les accidents hémodynamiques rencontrés au cours de la phase de réveil sont le plus souvent liés à la pathologie du patient opéré ou aux conséquences de l’acte chirurgical plutôt qu’à l’anesthésie elle-même.

Parmi les incidents cliniques rencontrés au réveil, les épisodes d’hypotension et d’hypertension artérielle sévères sont les plus fréquents, retrouvés dans une série de 112.000 anesthésies chez respectivement 2,2 % et 1,2 % des patients (11) . Bancalari et Banssillon (4) ont également retrouvé que les hypotensions sévères constituaient 10,5 % des accidents observés au cours du réveil. Ces épisodes hypotensifs, le plus souvent liés au saignement per et post-opératoire, sont globalement pris en charge de façon satisfaisante, puisqu’ils ne représentaient, dans l’enquête INSERM, que 4,2 % des arrêts circulatoires survenant au réveil (34) . Il est intéressant de constater que, dans les pays ayant imposé des Salles de Réveil depuis de nombreuses années, la mortalité péri-opératoire s’est modifiée. Si, par le passé, le pic de mortalité était observé au cours des périodes per-opératoire et post-opératoire immédiate, dans ce que l’on dénommait pudiquement le « choc opératoire », dans une récente enquête prospective danoise, on observe qu’actuellement ce pic se situe pour 85 % au-delà des 24 premières heures post-opératoires, 4 % seulement survenant pendant l’intervention et 11 % au cours du réveil (35) . Dans la mise en place de structures de réveil, il importe donc de bien comprendre que la surveillance post-opératoire ne se limite pas à la seule surveillance de l’élimination des agents de l’anesthésie, mais qu’elle inclue l’ensemble des perturbations physiologiques induites par l’acte chirurgical et l’anesthésie chez des patients de plus en plus souvent porteurs de pathologies sévères. Le regroupement de ces patients dans des structures adaptées pourvues d’un personnel spécialisé s’accompagne d’une réduction des soins dans les structures d’hospitalisation conventionnelle des services de chirurgie.

5.2. Réglementation actuelle sur les Salles de Réveil

Suite à « l’Affaire Farçat », une circulaire a insisté en 1974 sur l’importance des Salles de Réveil post-anesthésique (6) . Deux autres circulaires ont été publiées (7, 8) . Avant de détailler ces textes, il importe de noter qu’ils ont été publiés sous forme de circulaires ministérielles et non sous forme de décret. La nuance est importante, lorsque l’on sait que les circulaires n’ont pas la force exécutoire d’un décret ou d’un texte réglementaire.

Les principaux éléments de la circulaire ministérielle n° 394 du 30 Avril 1974 sont les suivants (6)  :

« Les anesthésies ne pourront être pratiquées que dans des salles équipées en permanence de dispositifs et appareils permettant l’intubation, l’aspiration et la ventilation du malade…. Tout malade devant subir une anesthésie devra faire l’objet d’une consultation pré-opératoire… Elle doit avoir lieu suffisamment tôt… Toute anesthésie devra donner lieu à l’établissement d’une fiche d’anesthésie… Lorsque plusieurs malades sont simultanément justiciables de cette surveillance post-opératoire continue, il est souhaitable de les rassembler dans un local spécial équipé d’un poste d’eau, d’une paillasse, des fluides, appareillage et prises de courant nécessaires à la surveillance de l’opéré et aux gestes de sauvegarde d’urgence. Cette salle de réveil devra être à proximité immédiate du bloc opératoire afin que le médecin anesthésiste-réanimateur, s’il procède à une autre anesthésie, puisse se rendre sans délai auprès du patient en difficulté.

Le nombre de lits de la salle de réveil doit être fonction du nombre de salles d’opération ou d’investigation (1,5 à 2 lits par salle et au moins 1 lit si l’établissement ne dispose que d’une salle), sans toutefois dépasser 8 à 10 lits au maximum par salle de réveil… Dans les établissements recevant des urgences jour et nuit, une équipe de salle de réveil devra être présente en permanence… »

Ce premier texte officiel évoquant la nécessité des Salles de Réveil avait déjà quasiment tout défini. Pourtant, devant l’application lente de cette circulaire, une autre circulaire ministérielle, n° 340 DGS/POS 3A du 23 Mars 1982 a été jugée nécessaire (7) . Celle-ci répétait, en matière de structure ou de personnel de Salle de Réveil :

« J’attire votre attention sur le fait qu’un certain nombre d’établissements publics et privés ne disposent pas encore de cette salle qui doit être située à proximité même du bloc opératoire afin que le médecin anesthésiste puisse se rendre sans délai auprès du patient en difficulté à l’appel du personnel compétent qui doit être présent en permanence. »

Le troisième texte officiel, publié trois ans plus tard, est la circulaire n° 431/4B DGS/3A du 27 Juin 1985 (8) . Les points nouveaux apparus sont les suivants :

« …En plus de l’équipement technique, l’essentiel pour le malade est de pouvoir bénéficier de la surveillance et, le cas échéant, de soins d’un personnel qualifié et en nombre suffisant. Il doit y avoir au niveau de la salle de réveil au moins une infirmière aide-anesthésiste aidée si nécessaire par des infirmières ou des aides-soignantes dont le nombre doit varier en fonction de l’activité chirurgicale… L’objectif à atteindre est d’affecter un agent pour trois malades anesthésiés à surveiller dans ces unités. »

En dehors du récent développement de la surveillance instrumentale, tous ces textes restent parfaitement adaptés aux nécessités actuelles de la surveillance post-anesthésique, et ne demandent qu’à être appliqués.

5.3. Les Salles de Réveil en France

L’analyse des accidents survenant au décours de l’anesthésie suggère que leur diminution devrait logiquement passer par une meilleure surveillance des conditions respira toires et circulatoires des patients au cours de cette période. Cette surveil lance doit être effectuée dans une structure d’hospitalisation adaptée et par un personnel infirmier spécifiquement formé et aidé de moyens de surveillance instrumentale adéquats.

En 1978-1982, on constatait que le réveil post-anesthésique se faisait (29)  :

  • pour 34 % des patients dans une Salle de Réveil;
  • pour 4 % des patients dans une salle de réanimation;
  • pour 50 % des patients dans la salle d’hospitalisation;
  • pour 12 % des patients dans la salle d’opération.

Cependant, aucune information n’avait été recueillie sur le personnel infirmier affecté à la surveillance des patients en Salle de Réveil.

Au cours d’une enquête réalisée du 2 au 8 Avril 1990 dans les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) français et dans les Centres Hospitaliers d’Ile-de-France, Clergue et Cohen ont relevé le nombre des patients surveillés après une anesthésie dans une Salle de Réveil et analysé l’effectif infirmier et le matériel affectés à la surveillance des patients dans ces Salles de Réveil (10) . Cette étude a recueilli les données de 20.567 patients, provenant de 89 services d’anesthésie-réanimation des hôpitaux universitaires français et des hôpitaux publics ou à but non lucratif d’Ile-de-France (17.027 patients provenant de 55 services de CHU et 3.540 patients provenant de 34 hôpitaux d’Ile-de-France). Elle est donc un indicateur de la situation actuelle des Salles de Réveil dans les secteurs public et privé à but non lucratif en France en 1990.

5.3.1. Sites de réveil dans les CHU hors AP-HP

  • 8 % des 12.251 patients anesthésiés ont été directement transférés des blocs opératoires vers des salles de réanimation.
  • 32 % ont été réveillés en salle d’opération ou sur des sites d’anesthésie équivalents (salles d’endoscopie, salles de radiologie), puis ont été acheminés directement dans leur chambre d’hospitalisation.
  • 60 % ont été conduits dans une Salle de Réveil. Cependant, un peu plus du quart de ces patients ont séjourné dans des « salles sans personnel permanent », c’est à dire dans lesquelles de longues périodes d’activité du bloc opératoire n’étaient pas couvertes par une présence infirmière. Par conséquent, si l’on comptabilise les patients n’ayant pas transité par des Salles de Réveil et ceux ayant séjourné dans des « salles sans personnel permanent », il ressort que 48 % des patients anesthésiés dans les CHU français hors AP-HP n’ont pas bénéficié d’une structure dotée des moyens pour assurer leur surveillance continue après leur anesthésie.

5.3.2. Sites de réveil dans les hôpitaux de l’AP-HP

La situation était voisine dans les hôpitaux de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. On notait en 1990 la situation suivante :

  • 6 % des 4.776 patients anesthésiés ont été directement transférés des blocs opératoires vers des salles de réanimation.
  • 30 % ont été réveillés en salle d’opération, ou sur des sites d’anesthésie équivalents, puis ont été acheminés directement dans leur chambre d’hospitalisation.
  • 64 % ont été conduits dans une Salle de Réveil. Cependant, 16 % d’entre eux (soit 10 % de l’ensemble des patients) ont séjourné dans des « salles sans personnel permanent ». Par conséquent, il ressort que 40 % des patients anesthésiés dans les hôpitaux de l’AP-HP n’ont pas bénéficié d’une structure dotée des moyens pour assurer leur surveillance continue après leur anesthésie. Il est cependant à noter qu’à la suite de cette enquête un effort substantiel a été entrepris à l’AP-HP pour améliorer cette situation.

5.3.3. Sites du réveil dans les hôpitaux d’Ile-de-France (hors AP-HP)

Parmi les 3.540 patients anesthésiés dans les Hôpitaux d’Ile-de-France (hors AP-HP), les données recueillies ont été voisines :

  • 3 % des patients ont été transférés en réanimation après leur sortie du bloc opératoire,
  • 25 % n’ont pas séjourné dans une Salle de Réveil,
  • 72 % ont séjourné dans une Salle de Réveil. En réalité, 35 % des patients admis dans des Salles de Réveil ont été passés dans des « salles sans personnel permanent ». Au total, 50 % des patients anesthésiés dans les hôpitaux d’Ile-de-France (hors AP-HP) ne sont pas admis dans des structures dotées des moyens pour assurer une surveillance continue.

5.3.4. Sites de réveil selon l’acte chirurgical ou médical réalisé

Pour 82 % des patients anesthésiés dans les CHU, il a été possible d’analyser le mode de surveillance en fonction de l’acte chirurgical ou diagnostique réalisé.

C’est après une anesthésie pour une endoscopie digestive, pour un acte effectué en ORL-ophtalmologie-stomatologie ou en radiologie, que le passage par une Salle de Réveil est le moins fréquent. En effet, 81 % des patients anesthésiés pour une endoscopie digestive, 56 % des patients anesthésiés en ORL, ophtalmologie et stomatologie, et 69 % des patients anesthésiés en radiologie ne séjournent pas dans une Salle de Réveil ou sont admis dans des « Salles de Réveil sans personnel permanent ».

En gynécologie-obstétrique, il n’a pas été possible de séparer les anesthésies effectuées dans le cadre d’accouchements par voie basse de celles effectuées pour une chirurgie gynécologique. Néanmoins, 49 % des patientes sont passées directement de la salle d’opération ou de la salle de travail vers leur chambre d’hospitalisation. Par ailleurs, 42 % des femmes ayant séjourné dans une Salle de Réveil, sont passées par une « salle sans surveillance permanente ». Au total, 69 % des femmes anesthésiées en gynécologie-obstétrique ne passent donc pas par des structures de surveillance conformes à celles recommandées dans les circulaires ministérielles sur les Salles de Réveil.

En chirurgie pédiatrique, 40 % des enfants anesthésiés ne séjournent pas encore dans des Salles de Réveil, ou sont surveillés dans des « salles sans personnel permanent ».

5.3.5. Personnel et matériel des Salles de Réveil dans les CHU

L’analyse des Salles de Réveil existantes a fait ressortir que celles-ci sont de petite taille, offrant un nombre de lits insuffisant par rapport aux salles d’opération et que le personnel infirmier qui y est affecté est en nombre insuffisant. Dans les 241 Salles de Réveil recensées dans les CHU, les 1.099 lits de réveil correspondaient à 1.115 salles d’opération (ou sites d’anesthésie équivalents), donnant un rapport de 0,99, alors que les recommandations ministérielles donnent un chiffre de 1,5 à 2. La capacité de ces salles est de 4,7 ± 3,4 lits (moyenne ± écart-type). Ceci correspond au fait qu’elles ont bien souvent été créées à proximité de chacun des blocs opératoires des services de chirurgie plutôt que dans un site unique, centralisé. Parmi les salles existantes, 18 % sont ouvertes le soir (après 18h), 30 % sont ouvertes le samedi, et 26 % le dimanche.

Sur ces 241 Salles de Réveil, 25 % n’ont aucun personnel infirmier affecté, 39 % ont au moins une infirmière présente pendant leurs heures d’ouverture, tandis que 37 % sont des « salles sans personnel permanent ».

L’équipement en matériel de surveillance instrumentale présent dans les 241 Salles de Réveil des CHU était le suivant :

  • un électrocardioscope pour 81 % des lits de réveil
  • un appareil de prise de la pression artérielle automatisé pour 27 % des lits de réveil
  • un oxymètre de pouls pour 13 % des lits de réveil
  • un ventilateur pour 45 % des lits de réveil
  • une couverture chauffante pour 37 % des lits de réveil
  • 18 % des Salles de Réveil étaient équipées de moniteurs de curarisation

De plus, 23 % des 241 Salles de Réveil ne disposaient pas de défibrillateur et 25 % n’avaient pas le téléphone.

5.3.6. Personnel et matériel dans les hôpitaux d’Ile-de-France (hors AP-HP)

Des résultats très voisins ont été observés dans les hôpitaux d’Ile-de-France. Dans les 34 centres hospitaliers analysés, les 237 lits de réveil correspondaient à 240 salles d’opération ou sites d’anesthésie équivalents, donnant un rapport nombre de lits de réveil par salle d’opération (ou site équivalent) de 0,98.

Parmi les 50 Salles de Réveil, 7 sont ouvertes le soir (après 18h), 21 le samedi et 17 le dimanche. Lorsque ces Salles de Réveil sont ouvertes, elles le sont 11,1 ± 5,3 heures par jour. L’analyse de la présence du personnel infirmier affecté aux Salles de Réveil a montré que dans 40 % d’entre elles aucun personnel infirmier n’est spécifiquement affecté, et que 24 % sont des « salles sans personnel permanent ». Au total, seules 36 % des salles correspondent aux critères définis par les circulaires ministérielles sur les Salles de Réveil.

L’équipement en matériel de surveillance instrumentale dans les 50 Salles de Réveil des hôpitaux d’Ile-de-France (hors AP-HP) était le suivant :

  • un électrocardioscope pour 75 % des lits de réveil;
  • un appareil de prise de la pression artérielle automatisé pour 32 % des lits de réveil;
  • un oxymètre de pouls pour 15 % des lits de réveil;
  • un ventilateur pour 44 % des lits de réveil;
  • une couverture chauffante pour 35 % des lits de réveil;

De plus, 24 % des Salles de Réveil étaient équipées de moniteurs de curarisation, et 2 des 50 Salles de Réveil (4 %) ne disposaient pas de défibrillateur. Enfin, 16 % des Salles de Réveil n’avaient pas le téléphone.

5.3.7. Salles de réveil et urgences hospitalières

L’analyse concernant l’ouverture des Salles de Réveil pour l’accueil des urgences hospitalières est également intéressante. En effet, sur les 23 villes de CHU, 6 n’avaient en 1990 aucune Salle de Réveil ouverte 24h/24 et dotée d’un personnel infirmier, dans aucun des différents hôpitaux constituant ces CHU. De plus, sur les 70 hôpitaux chirurgicaux analysés sur ces différents CHU, dans seulement 32 d’entre eux (46 %), une Salle de Réveil était ouverte 24h/24. Pourtant, tous ces hôpitaux chirurgicaux reçoivent des urgences chirurgicales et des anesthésies y sont pratiquées, généralement dans plusieurs secteurs d’activité chirurgicale. Pourtant, la circulaire ministérielle n° 394 du 30 Avril 1974 mentionnait que « dans les établissements recevant des urgences jour et nuit, une équipe de salle de réveil devra être présente en permanence ».

5.4. Analyse de la situation actuelle

Le constat actuel sur les Salles de Réveil peut se résumer par les points suivants :

  • l’évolution accomplie depuis 1982 est insuffisante puisque près d’un patient sur deux ne bénéficie pas encore d’une surveillance infirmière dans une Salle de Réveil.
  • Le déficit consiste en :
    • des Salles de Réveil en nombre insuffisant
    • lorsque les Salles de Réveil existent :
      • le nombre de lits de ces salles est insuffisant
      • l’effectif infirmier dont elles sont dotées est insuffisant ou inexistant
      • leur équipement de surveillance est insuffisant

Cette situation est plus préoccupante dans certains secteurs (ORL-ophtalmologie, endoscopie, gynécologie-obstétrique).

Depuis l’enquête INSERM de 1978-1982, qui avait montré que 62 % des patients retournaient directement du bloc opératoire à leur chambre d’hospitalisation après une anesthésie, et que seuls 34 % d’entre eux se réveillaient dans une Salle de Réveil, l’enquête de Clergue et Cohen montre une incontestable amélioration, puisque 61 % des patients dans les CHU et 72 % dans les hôpitaux d’Ile-de-France (hors AP-HP) passaient en 1990 dans des Salles de Réveil. Mais, aucun renseignement n’avait jusqu’alors été relevé sur le personnel et l’équipement des Salles de Réveil. Le constat actuel est que cette évolution est nettement insuffisante, puisque près d’un patient sur deux, anesthésié dans un CHU, ne passe toujours pas dans une Salle de Réveil ou passe dans une Salle de Réveil où il n’est pas certain d’être surveillé par une infirmière.

Le nombre des Salles de Réveil existant actuellement est donc insuffisant. En effectuant une analyse plus précise des données recueillies, il apparaît que des Salles de Réveil ont généralement été créées dans les hôpitaux nouveaux ou rénovés, à proximité d’un bloc opératoire commun, comme partout dans le monde médical développé. En revanche, un effort identique n’a pas été accompli dans les structures hospitalières anciennes, qui pour la majorité d’entre elles conservent des structures de réveil de petite taille, dispersant moyens humains et matériels nécessaires, et offrant rarement une surveillance tenant compte de la durée d’activité du bloc opératoire. Une réelle volonté de parvenir à une solution efficace pour assurer une surveillance post-anesthésique ne semble pas avoir été la préoccupation essentielle. La solution adoptée par beaucoup a bien souvent consisté à dénommer Salle de Réveil un local attenant au bloc opératoire, simple extension du couloir préalablement utilisé pour le réveil, mais dans laquelle aucun personnel n’est spécifiquement affecté. Cette situation précaire est particulièrement préoccupante dans les spécialités telles que l’ORL-ophtalmologie et la gynécologie-obstétrique. Enfin, des activités nouvelles ont connu un développement considérable sur la même période, notamment l’anesthésie en radiologie et en endoscopie digestive, sans que des structures de réveil appropriées n’aient été créées.

Lorsque les Salles de Réveil existent, l’élément essentiel dans la carence actuelle de la surveillance du réveil post-anesthésique est l’insuffisance du personnel infirmier qui y est affecté, soit qu’il n’y ait aucun personnel spécifiquement affecté, soit que la tranche horaire la plus active soit seule couverte. Dans nombre de Salles de Réveil, c’est le personnel infirmier affecté en salle d’opération qui assurera la surveillance en Salle de Réveil. Ce fonctionnement aboutit tôt ou tard à des situations où la surveillance n’est plus assurée, soit en salle d’opération soit en salle de réveil. A ceci s’ajoute le fait que les horaires du personnel d’un grand nombre de Salles de Réveil n’est pas déterminé par l’activité des blocs opératoires. Ceci aboutit au résultat qu’au delà d’une certaine heure, la Salle de Réveil reçoit des patients alors que le personnel infirmier n’y est plus présent.

Un autre élément ressortant de cette enquête est l’insuffisance du nombre des lits des Salles de Réveil, par rapport aux salles d’opération. La circulaire ministérielle n° 394 du 30 avril 1974 avait précisé que « le nombre de lits de la salle de réveil doit être fonction du nombre de salles d’opération ou d’investigation (1,5 à 2 lits par salle…) », ce qui reste vrai. Une évaluation des besoins, à partir des résultats de cette étude, suggère que le nombre de lits de réveil à créer dans les CHU serait donc de l’ordre de 600 à 1200.

5.5. Objectifs actuels et difficultés

Pour résoudre ce problème, les deux axes de réflexion qui doivent être conduits sont d’une part de définir les propositions à mettre en place, et d’autre part d’identifier les difficultés prévisibles pour cet objectif.

5.5.1. Objectif actuel

L’objectif actuel est simple :

  • pour l’activité anesthésique non urgente :
    • chaque patient anesthésié doit pouvoir bénéficier d’une structure de surveillance au cours de son réveil, qu’il soit ensuite hospitalisé ou ambulatoire;
    • chacune des Salles de Réveil ouverte doit être dotée d’un personnel infirmier;
    • les horaires d’ouverture et de travail du personnel infirmier des Salles de Réveil doivent correspondre à ceux des salles d’opération ou d’exploration, qu’ils doivent dépasser de quelques heures, afin de permettre le réveil des derniers patients de l’activité d’une journée;
    • les Salles de Réveil doivent être dotées d’un équipement de surveillance instrumental adéquat.
  • Pour l’activité d’urgence :
    • chaque hôpital accueillant des urgences doit disposer d’une structure de surveillance pour le réveil des patients anesthésiés ouverte 24h/24 et adaptée au nombre de patients anesthésiés;
    • cette structure devrait être dotée du personnel infirmier et de l’équipement de surveillance nécessaire;
    • un schéma cohérent de l’organisation des structures anesthésiques et des sites de réveil doit être rédigé dans chacune des structures hospitalières accueillant des urgences.

En réalité, l’essentiel de l’objectif actuel est déjà contenu dans les précédentes circulaires ministérielles sur les Salles de Réveil, qu’il conviendrait de transformer en textes réglementaires dans un très court délai.

5.5.2. Surveillance clinique

Les circulaires ministérielles précédentes restent parfaitement valides pour ce qui concerne la surveillance clinique des patients anesthésiés. La qualification du personnel effectuant cette surveillance peut être discutée. La circulaire de 1985 évoque la nécessité d' »une infirmière aide-anesthésiste aidée si nécessaire par des infirmières ou des aides-soignantes », avec le chiffre d’un agent, dont la qualification n’est pas précisée, pour trois malades (8) . Une proposition « minimale » pourrait être d’exiger la présence d’une infirmière dans chaque Salle de Réveil, sans aller plus loin dans la qualification demandée. Le nombre du personnel présent pourrait se limiter à celui d’un agent pour trois patients. Une proposition « idéale » serait que l’ensemble du personnel de la Salle de Réveil soit constitué d’infirmières spécialisées en anesthésie. Dans cette seconde hypothèse, il y aurait lieu de s’assurer que cette disposition n’altère pas la sécurité dans les salles d’opération. Dans tous les cas, il est entendu qu’un médecin anesthésiste-réanimateur doit pouvoir répondre à la demande du personnel infirmier en cas de besoin.

5.5.3. Surveillance instrumentale

Sur ce point, les circulaires ministérielles sont désormais insuffisantes, du fait des évolutions récentes et importantes dans ce domaine. Les Sociétés d’Anesthésie, américaines puis européennes, ont émis des recommandations sur les règles de bonne pratique clinique, comme ceci avait été fait pour la surveillance de l’anesthésie (43, 46) . Après avoir rappelé que la surveillance clinique constitue la base de toute surveillance, qui doit être assurée par un personnel qualifié dans une Salle de Réveil, ces Sociétés soulignent que cette surveillance clinique devait être accompagnée par une surveillance instrumentale. Celle-ci vise à détecter plus précocement les accidents hypoxiques et les désordres hémodynamiques, et doit inclure un électrocardioscope, un oxymètre de pouls et un brassard de pression artérielle automatisé, à compléter par une alarme de débranchement lorsque les patients sont sous ventilation mécanique. Ces propositions pourraient être reprises et incluses dans les textes officiels.

5.5.4. Difficultés

Une fois définis ces principes, il est bien évident que les coûts en personnel et en équipement de ces Salles de Réveil impliqueront une rationalisation des moyens. L’enquête récente montre bien clairement la dispersion des structures actuelles. Des regroupements des petites Salles de Réveil, accueillant actuellement en moyenne moins de 5 lits, permettront d’accroître la durée d’ouverture de ces structures. Mais ceci ne doit pas masquer l’actuel sous-effectif en personnel infirmier des Salles de Réveil. En outre, pour les structures hospitalières accueillant les urgences, le principe adopté doit être celui d’une ouverture sur les 24 heures de cette surveillance post-opératoire. Si l’on doit bien convenir qu’il est difficile d’envisager de maintenir ouvertes simultanément après une certaine heure plusieurs Salles de Réveil susceptibles d’accueillir chacune un nombre très restreint d’opérés, le principe de la surveillance post-anesthésique doit être respecté. Des solutions doivent être trouvées hôpital par hôpital, définissant le site ouvert 24h/24, avec une charte de fonctionnement. Des regroupements de différentes unités de surveillance post-opératoire ou l’adjonction de quelques lits de surveillance post-opératoire dans l’unité de réanimation chirurgicale sont le plus souvent les solutions à ce problème. Une autre difficulté concerne certaines spécialités comme l’obstétrique, où il conviendrait de définir les responsabilités respectives des différents personnels assurant la surveillance d’une femme en salle de travail après un accouchement sous anesthésie loco-régionale ou après césarienne.

5.5.4.1. Freins actuels dans les hôpitaux publics

  • Freins structurels
    • Bon nombre d’hôpitaux ont encore de vieilles structures architecturales, conçues autour d’unités de petite dimension, correspondant généralement à des services médicaux et chirurgicaux autonomes. Ces structures ont souvent rendu plus difficile la création de Salles de Réveil de dimension adéquate. Dans l’enceinte de blocs opératoire de petite dimension, où tout local est convoité, il a souvent été difficile de décider de la création d’une Salle de Réveil. De plus, lorsqu’elle existe, cette salle ne fonctionne que pour une seule activité chirurgicale, et voit de ce fait son taux d’occupation passer rapidement au dessous du seuil d’utilisation rationnelle du personnel infirmier, alors que le regroupement des patients sur un seul site justifierait une présence infirmière. Ces Salles de Réveil monospécialisées, lorsqu’elles existent, ne sont qu’exceptionnellement ouvertes pour l’activité d’urgence 24h/24.
  • Freins médicaux
    • L’organisation d’une structure de réveil partagée par plusieurs équipes chirurgicales s’est heurtée aux habitudes de bon nombre d’équipes chirurgicales, notamment dans les vieilles structures hospitalières, où chaque service chirurgical est habitué à fonctionner en vase clos. En revanche, comme ceci est apparu très clairement dans l’enquête sur les Salles de Réveil, les nouvelles structures hospitalières avec un bloc opératoire commun ont quasiment toutes été pourvues d’une Salle de Réveil, et les équipes chirurgicales ont pu parfaitement s’adapter. Cependant, dans ces structures nouvelles avec bloc et réveil communs, c’est bien souvent un effectif infirmier insuffisant qui a été le facteur limitant à leur fonctionnement lors de l’activité d’urgence.
    • Un autre frein d’ordre médical parfois évoqué pour s’opposer à la création de Salles de Réveil communes à plusieurs activités chirurgicales est celui du risque de transmission d’une infection d’un malade à un autre. En réalité, alors que dans les structures hospitalières les plus prestigieuses du monde, les Salles de Réveil fonctionnent actuellement sur de telles structures communes, un tel risque n’a jamais été démontré. Cet argument ne semble donc pas fondé et pourrait recouvrir des résistances d’ordre psychologique. D’ailleurs, la subdivision des Salles de Réveil, en secteur « propre » et secteur « septique », peut être aisément réalisée, notamment dans l’affectation du personnel, et est une solution largement utilisée de par le monde.
    • Une dérive à éviter serait que, du fait de l’existence d’une Salle de Réveil, les patients sortent insuffisamment réveillés de salle d’opération. Dans le cas où de tels patients séjourneraient en Salle de réveil, la présence dans cette Salle d’un médecin anesthésiste-réanimateur, ou de l’infirmière(er)-anesthésiste diplômée(é) d’état qu’il aurait déléguée(é), est requise.
  • Freins administratifs : Prenant argument sur les éléments précédemment énoncés, et face à des textes s’étant limités à des circulaires ministérielles et à un corps chirurgical bien souvent réticent, voire opposé, l’administration hospitalière s’est le plus souvent contentée de ne suivre les textes que lors de la création de nouvelles structures hospitalières, mais ne s’est, le plus souvent, pas orientée vers une politique claire de création de Salles de Réveil. Il est pourtant intéressant de constater que, là où les directeurs d’hôpitaux se sont sentis concernés par ce problème, des solutions concrètes satisfaisantes ont pu être trouvées. Ainsi, au niveau de plusieurs hôpitaux de l’Assistance Publique à Paris, on a constaté depuis peu une volonté politique plus ferme de régler le problème des Salles de Réveil. Cette évolution est intéressante, car elle montre que des solutions, longtemps jugées impossibles, peuvent être trouvées. Ceci se traduit par la transformation de certains locaux des blocs opératoires en Salles de Réveil, et par un redéploiement de personnel infirmier vers les Salles de Réveil. L’un des arguments retenus pour ce redéploiement est qu’une part importante de la lourdeur des soins infirmiers d’un opéré récent, qui a lieu au cours des premières heures post-opératoires, est effectué maintenant en Salle de Réveil, ce qui permet alors de réduire d’autant la charge de travail des salles d’hospitalisation.

5.5.4.2. Freins actuels dans les structures hospitalières privées

Dans les cliniques privées, le problème actuellement en suspens est l’attribution des frais inhérent au fonctionnement de la Salle de Réveil. Dans certaines institutions, les frais de la Salle de Réveil sont pris en charge par la clinique, au même titre que ceux liés au fonctionnement du bloc opératoire, à partir des recettes apportées par les frais de salles d’opération (FSO). Dans d’autres institutions, l’administration de la clinique refuse toute participation financière à la Salle de Réveil.

Il est clair que le flou de la situation actuelle aboutit dans bien des cas à repousser la décision de créer des Salles de Réveil, de les doter en personnel infirmier et de les équiper en matériel de surveillance. Cette situation est de ce fait délétère pour les patients. Les représentants de l’hospitalisation privée nous ont déclaré être favorables à un décret rendant obligatoire les Salles de Réveil, dès lors qu’ils auraient des assurances sur le maintien de la masse financière résultant des FSO d’anesthésie.

5.6. En résumé sur ce point

Les accidents respiratoires post-opératoires précoces sont souvent de nature anesthésique, alors que les accidents cardio-vasculaires sont souvent liés à une complication de la chirurgie ou de l’état pathologique du patient. La réduction de tous ces types de complication passe par leur détection précoce en Salle de Réveil. L’analyse de la situation actuelle de la surveillance post-anesthésique en France démontre que celle-ci n’est pas optimale. Dans les CHU, près d’un patient sur deux ne bénéficie pas encore de cette surveillance. Cette situation est la même dans les hôpitaux publics non universitaires et a peu de chances d’être meilleure dans le secteur libéral. Les précédentes circulaires ministérielles n’ont réussi à obtenir une réelle politique de création de Salles de Réveil que dans les nouvelles structures hospitalières. Pourtant, c’est au cours de la période post-opératoire que les accidents graves liés à l’anesthésie et à la chirurgie sont les plus fréquents. La transformation des circulaires ministérielles précédentes en textes réglementaires devrait permettre de corriger rapidement cette situation.

 

6. Rôle des IADE

6.1. Données démographiques

Lors de l’enquête de l’INSERM, le nombre moyen d’infirmières(ers)-anesthésistes diplômées(és) d’état (IADE) était de 15,7 par CHU, 3,5 par établissement dans les hôpitaux généraux et 1,7 dans les établissements privés. Près de 90 % des établissements hospitaliers universitaires ou généraux utilisaient des IADE, contre 38 % seulement des établissements privés. Ces chiffres sont indicatifs et mériteraient sans doute d’être réactualisés. Selon les chiffres fournis par les organisations syndicales des IADE, on peut estimer à 3.500 le nombre de postes budgétés dans la fonction publique, où 85 % des IADE exercent au bloc opératoire (incluant les Salles de Réveil). Le reste exerce dans les SAMU-SMUR ou dans les réanimations chirurgicales dépendant des Services d’Anesthésie-Réanimation, surtout à titre d’encadrement. Le nombre de 800 dans le secteur privé est avancé, avec une volonté récente des établissements de ce secteur d’augmenter le nombre d’IADE. La moitié environ exerce dans le secteur privé à but non lucratif.

Un certain nombre d’infirmières(ers) Diplômées(és) d’état (IDE), non titulaires d’un diplôme spécifique à l’anesthésie, exercent encore les mêmes fonctions que les IADE, ce qui a obligé à prolonger la période transitoire permettent de régulariser ces situations. Ce phénomène apparaît limité. Des 300 IDE à former, 200 environ l’ont été dans les cinq années prévues pour la mise en conformité. Sur les 100 restantes, il semble qu’une quinzaine seulement soient entrées en formation d’IADE lors de la prolongation du délai. Le délai supplémentaire apparaît donc inefficace, alors que le phénomène est essentiellement concentré sur un faible nombre d’hôpitaux généraux. Outre qu’on ne peut éliminer le fait que certaines IDE n’ont probablement pas souhaité se former, le frein principal semble venir de quelques hôpitaux qui n’envoient pas en formation les IDE pour des raisons budgétaires. Quoiqu’il en soit, cette situation doit cesser rapidement, par l’application des textes réglementaires.

6.2. Place des IADE

Il est entendu que la consultation pré-anesthésique, les actes techniques non-inscrits dans la liste ayant fait l’objet du décret du 15 mars 1993 (19) , les décisions de choix du protocole anesthésique et de traitement de certaines complications, sont du seul ressort du médecin anesthésiste-réanimateur, dont la présence doit permettre ces décisions.

Il a été déjà souligné quelle sécurité représentait pour le patient la présence à ses côtés de deux professionnels aux moments délicats d’une anesthésie et d’une intervention (induction anesthésique, périodes hémorragiques, complications imprévues …). Ceci ne sous-entend pas la présence obligatoire, et d’un médecin anesthésiste-réanimateur, et d’une IADE durant toute l’anesthésie de tout patient, mais une organisation qui le permette aux moments délicats.

Si l’anesthésiste est amené à quitter temporairement la salle d’opération, l’IADE est habilitée à poursuivre la surveillance seule, étant entendu que l’anesthésiste reste à proximité immédiate.

On trouve dans la réalité deux types de situations anormales :

  • des hôpitaux recevant des urgences lourdes (par exemple des accidents graves de la route), dans lesquels l’anesthésiste-réanimateur se trouve seul, durant la garde, sans l’aide d’un résident ou d’une IADE;
  • des hôpitaux dans lesquels l’IADE se trouve pratiquement seule pendant la garde, voire pendant des périodes prolongées du programme opératoire de la journée, du fait d’effectifs médicaux insuffisants.

Il est clair que, dans le premier cas, l’établissement ne doit pas pouvoir participer au service d’urgences lourdes. Dans le second cas, c’est toute anesthésie dans ces conditions qui doit être interdite.

6.3. Les Salles de Réveil

Toutes les personnes auditionnées souhaitent, comme le groupe de travail, que le passage dans une Salle de Réveil fonctionnant réellement soit enfin obligatoire, pour tout patient anesthésié. Tout le monde est également conscient que la démographie actuelle des IADE ne permet pas de couvrir tous les besoins et qu’il serait illogique de réduire la sécurité en salle d’opération pour l’augmenter en Salle de Réveil. Dans certains établissements l’amélioration de la sécurité des patients passe donc par la présence d’IDE en Salle de Réveil, étant entendu que les gestes qu’elles seraient amenées à pratiquer resteraient dans le cadre de ce qu’elles sont autorisées à faire, et avec la réserve mentionnée dans le paragraphe 5.5.4.1. (freins médicaux), c’est-à-dire concrètement que si des patients encore anesthésiés, intubés et ventilés, séjournent en Salle de Réveil, la présence d’un médecin anesthésiste-réanimateur ou d’une IADE est requise ; dans les hôpitaux publics, l’encadrement des IDE par des surveillantes IADE est souhaitable. Dans d’autres établissements, une rotation entre les IADE apparaît être la solution la plus adaptée. Quelle que soit la solution envisagée par l’établissement, il doit exister une liste du personnel affecté au Réveil et il doit être clair qu’il est impossible pour le même personnel de participer à une anesthésie et de surveiller un ou plusieurs patients en Salle de Réveil. Ce personnel doit être placé sous la responsabilité médicale d’un anesthésiste-réanimateur.

6.4. Démographie, formation

Actuellement 250 postes budgétés dans le secteur public semblent ne pas être pourvus et la demande risque de s’accroître. Notamment certains SAMU et SMUR, du fait de la diminution des anesthésistes-réanimateurs en formation, comblent ce déficit en associant une IADE à un Interne de Médecine Générale (IMG). Le chiffre souhaitable à moyen terme n’est pas connu, mais il apparaît important d’engager une réflexion dans ce domaine.

Comme pour l’anesthésiste-réanimateur, la formation continue est devenue un réel impératif, au minimum lorsqu’un changement d’activité est prévu (type passage de la pratique chez l’adulte à celle du nouveau-né), et au mieux à intervalles réguliers. Nul ne peut en effet imaginer que la formation initiale permette à l’IADE d’assurer jusqu’à l’âge de sa retraite une sécurité adaptée aux données actuelles de l’anesthésie-réanimation. Pour ne pas créer de problème au sein de l’équipe entre médecin anesthésiste-réanimateur et IADE, il convient que des décisions portant sur le caractère obligatoire d’une telle formation soient contemporaines pour les médecins et les infirmières(ers).

 

7. L’anesthésie du patient ambulatoire

D’une manière générale, les impératifs de sécurité anesthésiques doivent être au moins équivalents lorsque le patient retourne à un domicile privé que lorsqu’il reste hospitalisé. Ceci est d’autant plus vrai que la bénignité générale des interventions réalisées ne peut que réduire le rapport bénéfice/risque et augmenter de ce fait le risque relatif que ferait courir un défaut de prise en compte des impératifs de sécurité de l’anesthésie.

De fait, il existe deux types d’écueil. Le premier serait une attitude restrictive qui consisterait à freiner cette activité sous divers motifs : une formation médicale ancienne, datant de l’époque où l’on conseillait de garder les patients au moins une nuit à l’hôpital après une anesthésie ; la crainte pour l’anesthésiste d’être accusé de tout accident survenu en post-opératoire, alors qu’il aurait considéré le patient apte à rentrer à son domicile ; la crainte qu’un expert, désigné par un juge, soit à titre personnel opposé à cette technique, par exemple en raison de l’époque ou du lieu où il aurait été formé. De ce point de vue l’existence de « Recommandations » (38) et de textes réglementaires (3, 18) a légitimé la pratique, en montrant qu’elle est généralement acceptée. L’autre écueil serait un développement anarchique qui, sous prétexte que « ça se fait aux USA », inciterait à se lancer du jour au lendemain dans des aventures chirurgicales, voire à faire apparaître des sites d’anesthésie quasiment dans des domiciles privés, ou du moins des cabinets médicaux, ce qui irait à l’encontre de toutes les préoccupations de sécurité énoncées dans ce rapport. Le débat ne se pose pas en terme d’hôpitaux publics ou de cliniques privées, il est posé en terme de plateau technique : le patient va vers un plateau technique et en repart le jour-même. Mais ce plateau technique n’est pas plus « léger » pour autant. Il s’agit de salles d’opération ou d’investigation, munies du personnel comme du matériel adéquat, et regroupées de telle sorte qu’une aide puisse être fournie à temps en cas de souci. C’est donc bien le patient qui est ambulatoire (par rapport à la structure de soins) et non l’anesthésie.

Il convient également de veiller à ce que l’ouverture de sites nouveaux d’anesthésie, par exemple des salles d’endoscopie, ne se fasse pas au détriment des règles générales de sécurité en anesthésie, faute de quoi il y a lieu de craindre que des accidents ne viennent rappeler « qu’il n’y a pas de petite anesthésie ». Il n’entre pas dans le cadre de ce rapport de définir si une anesthésie est nécessaire ou non pour tel acte. Mais, en terme de santé publique, il serait absurde que le profit espéré de la découverte plus précoce de maladies curables (type cancer du côlon) soit annulé par les conséquences directes (type accident d’anesthésie non ou mal récupéré) ou indirectes (type accident de la voie publique d’un sujet non accompagné) du confort que procure la sédation pour ces actes. Le risque ne peut être disproportionné par rapport au bénéfice thérapeutique. En clair, le choix existe entre l’absence d’anesthésie et une anesthésie qui corresponde aux règles actuelles de sécurité. La plus mauvaise solution serait de réaliser des sédations par voie intraveineuse en dehors des normes actuelles de sécurité. Si la concurrence entre les établissements, qu’ils soient publics ou privés, est un facteur de progrès, ceci ne doit pas se faire au détriment de la sécurité, notamment anesthésique.

Les indications présentées ci-dessous ont fait l’objet d’un consensus professionnel, sous forme de « Recommandations » de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) (38) .

7.1. Définition

Sous le terme d’anesthésie du patient ambulatoire il est entendu : « une anesthésie permettant au patient le retour à un domicile privé le jour même ». Il s’agit le plus souvent du domicile du patient, mais il peut également s’agir du domicile d’un proche ou d’un hôtel.

L’anesthésie purement locale sans sédation, pour un acte superficiel de courte durée, réalisé dans un cabinet médical, n’entre pas dans le cadre de « l’anesthésie ambulatoire ». La prémédication, notamment par voie orale ou intramusculaire, à faible dose, n’entre pas non plus dans ce cadre. En revanche, anesthésie générale, anesthésie loco-régionale, sédation intraveineuse, imposent des règles communes de sécurité, qui sont celles de l’anesthésie.

7.2. Les actes réalisables

Chaque équipe, opérateurs et anesthésistes, établit sa propre liste des actes qu’elle entend réaliser. D’une façon générale il s’agit d’interventions :

  • programmées
  • de courte durée (jusqu’à environ 1 h   1 h 30)
  • à risque faible, notamment hémorragique et respiratoire,
  • aux suites simples, peu douloureuses et n’impliquant pas de handicap important

Ces critères peuvent être élargis en fonction de l’expérience acquise, et notamment après évaluation des résultats :

  • à certaines urgences simples
  • à des interventions plus prolongées, sous réserve que la durée de la surveillance post-anesthésique reste compatible avec l’horaire de fonctionnement de la structure.

De telles extensions doivent faire l’objet d’un accord préalable entre opérateur et anesthésiste, qu’il est préférable d’écrire.

7.3. Les patients

La sélection des patients obéit aux critères sociaux et médicaux suivants :

7.3.1. Critères sociaux

  • compréhension suffisante de ce qui est proposé
  • aptitude à observer les prescriptions médicales
  • conditions d’hygiène et de logement au moins équivalentes à celles qu’offre une hospitalisation
  • disponibilité d’une personne, responsable et valide, pour raccompagner le patient et rester la nuit suivante auprès de lui
  • éloignement de moins d’une heure d’une structure de soins adaptée à l’acte
  • accès rapide à un téléphone

7.3.2. Critères médicaux

7.3.2.1. Âge

Les problèmes spécifiques des enfants de moins d’un an doivent être pris en compte dans la décision de pratiquer une anesthésie en ambulatoire. chez le nouveau né, l’anesthésie générale est contre indiquée en ambulatoire.

Le grand âge n’est pas en lui-même un obstacle, contrairement à l’invalidité du conjoint ou à la solitude.

7.3.2.2. Etat du patient

L’anesthésie du patient ambulatoire s’adresse préférentiellement à des sujets de classe ASA 1 ou 2 (cf. Annexe 1)

Des patients classés ASA 3 peuvent être acceptés, sous certaines réserves :

  • pathologie stabilisée sous traitement adapté
  • interférence de l’intervention, avec la pathologie ou son traitement, considérée comme négligeable
  • accord préalable entre anesthésiste et opérateur

7.4. L’anesthésie

7.4.1. Consultation pré-anesthésique

Les principes sont ceux énoncés au chapitre 2.

En outre, le patient doit être prévenu, plusieurs jours avant l’acte, des recommandations pré-anesthésiques (jeûne, poursuite des traitements) et des conditions de retour au domicile (interdiction de conduire un véhicule, personne accompagnante).

7.4.2. Conditions de l’anesthésie

Les conditions de la surveillance de l’anesthésie, qu’elle soit générale, loco-régionale ou qu’il s’agisse d’une sédation intraveineuse, sont celles décrites dans les précédents chapitres.

L’anesthésie doit être réalisée dans une salle d’opération ou un local offrant les conditions de sécurité requises et comportant l’ensemble de l’équipement nécessaire à la pratique de l’anesthésie réanimation ainsi qu’au traitement des complications.

Ainsi, lorsque l’anesthésiste intervient en dehors d’un bloc opératoire, il doit disposer des moyens nécessaires à la réanimation d’une détresse cardio-respiratoire : moyens en matériel comme en hommes. La question en effet est de savoir qui va injecter l’adrénaline, qui va effectuer le massage cardiaque externe pendant que l’anesthésiste-réanimateur pratique l’intubation trachéale, les secondes comptant en cas de catastrophe.

7.4.3. Réveil

Il doit avoir lieu dans une Salle de Réveil, dès lors qu’il y a eu anesthésie.

Le patient doit y fait l’objet d’une surveillance tant que les effets résiduels de l’anesthésie et de l’intervention entraînent un risque ou un inconfort important. Ainsi que définie dans le chapitre 5, la Salle de Réveil est un lieu où une réanimation peut être entreprise en cas de besoin. Elle ne peut être confondue avec le local dans lequel le patient attend la personne qui le raccompagnera : un tel local est utile au fonctionnement de la structure mais sort du cadre de la sécurité anesthésique et ne comporte pas de surveillance infirmière, contrairement à la Salle de Réveil.

7.5. La sortie

Seul l’anesthésiste peut autoriser le départ, pour ce qui concerne les suites de l’anesthésie. Cette décision est prise après vérification de l’aptitude du patient à rejoindre son domicile.

Un document, comprenant les instructions post-opératoires et les prescriptions, est remis, après explication, au patient ou à la personne qui l’accompagne.

Un médecin anesthésiste doit pouvoir être joint par téléphone en dehors des heures du plateau technique. En effet, l’organisation doit permettre de répondre à tout moment aux interrogations du patient ou de son médecin traitant quant à l’anesthésie ou ses suites.

7.6. Structures, organisation et fonctionnement

Les données de la consultation pré-anesthésique, ainsi qu’un compte rendu de l’anesthésie et de ses suites font l’objet d’un document écrit archivé.

L’organisation doit permettre, en permanence, l’application des règles propres à l’anesthésie. Il est donc important qu’un anesthésiste-réanimateur participe à cette organisation, d’autant qu’elle est souvent multidisciplinaire.

Quelle que soit la structure, il est indispensable d’être en mesure d’hospitaliser les patients en fin d’acte si leur état le nécessite. Cette hospitalisation éventuelle, soit au sein de l’établissement, soit dans un autre habilité à les recevoir, ainsi que les conditions de transport doivent être prévues et organisées préalablement à tout acte ambulatoire.

 

8. les structures – Environnement et Sécurité en Anesthésie

8.1. Les sites d’anesthésie

En 1985, le nombre moyen de locaux où pouvaient être pratiquées des anesthésies était déjà très élevé (31,4 en CHU; 7,2 en CHG et 6 dans les établissements privés). Depuis, ce nombre a augmenté, des éléments nouveaux étant apparus, entraînant le développement de l’activité anesthésique en dehors du bloc opératoire dans des services médico-techniques, à la maternité et dans les structures d’ambulatoire.

En dehors des chirurgiens, les demandeurs d’anesthésie sont nombreux :

  • Obstétriciens, avec le développement de l’analgésie obstétricale par anesthésie péridurale, dont le nombre dépasse dans de nombreux centres 70 % des accouchements. Il est à noter qu’en dehors du légitime soulagement de la douleur maternelle (qui peut être plus importante que celle de nombreuses interventions réalisées sous anesthésie), cette présence concourt à la sécurité de l’accouchement en cas de complication.
  • Gastro-entérologues, avec les endoscopies essentiellement la colonoscopie avec près de 100 % des actes sous anesthésie dans de nombreux centres, mais aussi l’écho-endoscopie, la fibroscopie pour wirsungographie ou cholangiographie rétrograde, les réductions tumorales au laser.
  • Urologues en dehors du bloc opératoire, avec la destruction des calculs par lithotripsie, les néphrostomies percutanées en radiologie.
  • Cardiologues avec les chocs électriques et les actes d’exploration, notamment chez l’enfant.
  • Cancérologues avec la cobaltothérapie, les poses de chambres implantables.
  • Les centres d’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG)
  • Psychiatres avec la sismothérapie
  • Radiologues, de façon croissante. En effet, de nombreux actes de radiologie sont désormais interventionnels : dilatations vasculaires, embolisations par ballons, chimionucléolyse du rachis, poses de prothèses endobiliaires, anastomoses porto-caves transjugulaires …

8.2. Relation avec la sécurité

La liste des actes demandant la présence d’un anesthésiste-réanimateur risque encore de s’allonger dans les années à venir, car il s’agit de techniques médicales en plein développement. L’augmentation des demandeurs d’anesthésie entraîne souvent un travail anarchique, qu’il est difficile de gérer au moment où la démographie des anesthésistes-réanimateurs est en situation difficile, et est source d’insécurité et de surcoût. En effet ces nouveaux demandeurs sont moins anciennement au fait des contraintes de l’anesthésie et expriment volontiers qu’ils souhaitent simplement une « petite neuroleptanalgésie », pour que le patient ne bouge pas et ne se plaigne pas d’inconfort, en rajoutant que le recrutement dans l’établissement l’impose en raison de la concurrence. Lorsqu’il s’agit d’actes de courte durée et de risque relativement faible, telles les endoscopies diagnostiques, les contraintes de l’anesthésie apparaissent lourdes : consultation préalable, matériel pour l’anesthésie et sa surveillance, salle de réveil … Elles restent pourtant indispensables et sont rendues plus difficiles par la dispersion des sites. Pour nombre des nouvelles indications proposant une alternative au traitement chirurgical classique, comme la radiologie ou l’endoscopie interventionnelles, il s’agit au contraire de malades difficiles, volontiers précédemment récusés pour la chirurgie en raison d’un état général fragile. L’anesthésie y dure souvent des heures, dans un espace réduit, plongé dans la pénombre, dans un site où l’anesthésiste-réanimateur est souvent seul, loin du reste du plateau technique, et seul praticien à gérer la globalité de la sécurité du patient en dehors de l’acte réalisé (examens d’hémostase, carte de groupe, procédures en cas d’accident).

L’éclatement géographique de l’activité anesthésique va à l’encontre des impératifs de sécurité, concernant l’environnement humain et matériel, comme le souligne le reste du rapport sur les facteurs humains et les accidents d’anesthésie.

En effet tout acte d’anesthésie doit se faire en présence :

  • d’un médecin anesthésiste-réanimateur pouvant intervenir immédiatement. En cas de problème celui-ci doit pouvoir être aidé par un deuxième membre de l’équipe travaillant à proximité.
  • d’un matériel important de surveillance et de ventilation avec en complément obligatoire la présence d’une Salle de Réveil à proximité immédiate.

Tout travail anesthésique isolé est source d’insécurité pour le malade.

Pour l’activité de garde, une équipe d’anesthésie ne peut travailler que dans une seule unité de bloc opératoire avec une Salle de Réveil ouverte en permanence.

Pour la Maternité, il est utile de rappeler la circulaire n° 127 du 5 mai 1988 sur la sécurité et environnement de la naissance : « Un médecin anesthésiste doit toujours être disponible pour intervenir lorsque cela est nécessaire (anesthésie et analgésie) » (9) . En conséquence si la Maternité est isolée, le personnel anesthésique ne doit pas partager son travail entre plusieurs structures. Une équipe de garde comportant un médecin anesthésiste-réanimateur doit être réservé à la Maternité (40) . L’idéal serait que la maternité soit à proximité immédiate des structures précédentes, notamment dans les établissements de capacité moyenne ou faibles, afin de pouvoir disposer rapidement d’une équipe chirurgicale et anesthésique, et d’utiliser la Salle de Réveil.

8.3. Conséquences

Pour des raisons de sécurité et d’efficacité, mais aussi d’économie, il est souhaitable de regrouper au maximum l’ensemble des activités anesthésiques dans le minimum d’unités. Il faut qu’à l’unité d’action s’ajoute l’unité de lieu et qu’une certaine homogénéité d’activité soit réalisable.

Le regroupement horizontal ou vertical du plateau technique est une obligation : urgences, réanimation, unité de soins intensifs chirurgicaux, radiologie, et bloc opératoire ainsi que les locaux du Service d’Anesthésie-Réanimation à l’intérieur de cet ensemble.

Le bloc opératoire doit obligatoirement rassembler l’ensemble des interventions chirurgicales moyennes et lourdes de l’établissement. Ce n’est que dans les structures importantes, où la masse critique est atteinte, qu’on peut envisager la création de plusieurs pôles d’activités à proximité immédiate de l’unité centrale. Elles doivent être fermées en garde, l’activité descendant au dessous du seuil critique.

Une autre structure plus légère, accolée si possible à la précédente, doit pouvoir regrouper l’ensemble des activités médico-techniques comprenant notamment, endoscopie, chirurgie ambulatoire et autres spécialités médicales. Elle doit comprendre, en dehors des zones d’intervention et d’anesthésie, une Salle de Réveil, et une zone de détente avant et après l’intervention, ainsi qu’une zone administrative et d’accueil spécifiques (3, 18) . Il est à noter que la voie du décret a été utilisée pour la définition des structures d’ambulatoire, alors qu’un tel texte manque actuellement en matière de Salles de Réveil et d’équipement anesthésique des blocs opératoires pour les structures traditionnelles.

Toute anesthésie en radiologie devrait être réalisée dans une salle où les impératifs de sécurité propres à l’anesthésie sont respectés. Ces salles doivent être suffisamment grandes pour pouvoir rassembler tout le matériel anesthésique nécessaire, identique à celui d’une salle d’opération. Ces salles devraient se situer à proximité immédiate d’une autre structure d’anesthésie.

En conclusion, l’idéal serait de ne pas dépasser quatre unités d’anesthésiologie, c’est-à-dire :

  • le bloc central rassemblant toutes les spécialités chirurgicales
  • l’unité mère et enfant comprenant le bloc Maternité (la chirurgie gynécologique se pratiquant au bloc central avec les autres spécialités)
  • le bloc de chirurgie ambulatoire et d’actes médico-techniques, y compris l’endoscopie digestive
  • le service de radiologie, si possible à proximité du plateau technique.

8.4. Les consultations

Des locaux réservés à la consultation d’anesthésie sont indispensables à la bonne évaluation pré-anesthésique. Ils seront identiques à toute consultation médicale (accueil, secrétariat, salle d’attente, salle d’examen, salle de prélèvement et d’électrocardiographie). L’idéal serait qu’ils se situent dans des structures de polycliniques, regroupant l’ensemble des consultations. Une salle de réunion permettra d’informer le public sur l’anesthésie, notamment en Maternité.

 

9. Propositions

La réduction des accidents d’anesthésie devrait permettre d’épargner plusieurs centaines de vies par an. L’absence de relevé continu de ces accidents et du nombre d’anesthésies en France sont des obstacles à une évaluation précise du risque lié à l’anesthésie. Cependant, la réalisation d’une enquête du type de celle effectuée par l’INSERM entre 1978 et 1982 prend du temps, et il apparaît plus urgent de prendre les dispositions visant à réduire ces accidents, plutôt que de renouveler une telle enquête, les mesures à prendre étant connues. En revanche, il y a lieu de se doter des moyens d’évaluer année par année le résultat de telles mesures, de façon à apporter sans délai les corrections nécessaires.

L’évaluation continue de la mortalité liée à l’anesthésie est particulièrement importante pour accompagner une politique soutenue de sécurité dans ce domaine.Si la réalisation d’une enquête analogue à celle de l’INSERM n’apparaît pas réaliste, et risque plutôt de faire perdre du temps, on peut en revanche explorer la possibilité de réaliser périodiquement des « mini-enquêtes », sur quelques sites sélectionnés à partir de la précédente enquête. L’analyse ne pourrait porter sur les seuls décès, et devrait s’étendre à tous les accidents susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital, qui sont plus nombreux et constituent un indicateur reconnu du niveau de sécurité. L’avantage d’une telle enquête est d’utiliser une méthodologie connue ; son inconvénient est de ne pas fournir de données pour la totalité des anesthésies.

Une autre possibilité est l’obligation de déclarer les décès survenus dans les 72 heures suivant une intervention sous anesthésie, ce qui permettrait de saisir une information générale de Santé Publique. Cette déclaration entraînerait une lettre envoyée à l’opérateur et à l’anesthésiste-réanimateur, leur demandant si le décès est, à leur avis, principalement, accessoirement, ou pas du tout, lié à l’opération, à l’anesthésie ou à la pathologie. L’inconvénient de cette démarche est qu’elle n’est pas habituelle en France, contrairement à l’Angleterre. L’avantage est l’appréciation globale de la mortalité péri-opératoire, avec une possibilité d’informations pertinentes concernant l’anesthésie. La publication des résultats aurait le mérite de la transparence, permettant d’informer le public, autrement que par l’annonce sporadique d’accidents, avec toute la charge émotionnelle qu’une telle annonce comporte. La structure, impliquant nécessairement des anesthésistes-réanimateurs, est à définir avec les pouvoirs publics, avec pour mission exclusive le recueil centralisé de l’information et la proposition de mesures préventives générales.

La connaissance du nombre de décès n’a de sens que si le nombre d’anesthésies en France est connu. Le PMSI actuel ne le permet pas, ce qui mérite d’être modifié.

Par ailleurs, l’existence d’un accident anesthésique, non mortel mais potentiellement grave, doit être porté à la connaissance du médecin traitant et figurer dans le dossier médical minimal commun de l’établissement.

L’évaluation doit permettre de suivre l’impact des mesures suivantes.

La consultation pré-anesthésique a un caractère obligatoire. Elle vise à détecter les patients nécessitant des mesures particulières : examens complémentaires, ajustements de traitement, choix du type d’anesthésie, modalités de surveillance post-opératoire. Les questionnaires remplis par le malade ou son médecin traitant, l’interrogatoire téléphonique préalable, peuvent améliorer cette consultation, mais ne peuvent s’y substituer. Il y a lieu de favoriser les consultations faites plusieurs jours avant l’anesthésie, de façon à pouvoir prendre les mesures nécessaires en temps utile. Pour cela chaque établissement doit mettre à la disposition de cette consultation les locaux et les moyens nécessaires. Une campagne d’information pour le public et le milieu médical apparaît souhaitable.L’organisation du programme opératoire est un élément important de la sécurité anesthésique. Un tableau opératoire ne tenant pas compte des disponibilités anesthésiques et du non-passage en consultation augmente les risques du patient. La mise au programme au dernier moment d’une intervention non urgente, chez un patient non examiné par un anesthésiste-réanimateur, ne doit plus se voir. Il est proposé que le programme, établi à l’avance, soit cosigné par le chirurgien et l’anesthésiste-réanimateur. D’éventuels rajouts sont également à soumettre à l’aval de l’anesthésiste-réanimateur.

L’induction anesthésique est une période particulièrement mouvementée, durant laquelle l’anesthésiste-réanimateur doit pouvoir se faire aider, en cas d’intubation difficile, de vomissements à l’induction ou de choc allergique. L’organisation doit donc permettre cette aide, qu’un regroupement des sites anesthésiques facilite.

L’équipement des sites d’anesthésie doit permettre la détection précoce des principaux accidents per-opératoires, ce qui devrait conduire à la prévention de plus de la moitié d’entre eux, et doit comporter au minimum, débitmètre de sécurité, mesure continue de la teneur en oxygène du mélange gazeux administré, oxymètre de pouls, sphygmomanomètre et électrocardioscope et, si une ventilation artificielle est appliquée, un capnomètre, outre le respirateur muni d’alarmes de pression et de volume. La publication d’un décret rendant obligatoire cet équipement, avec une date limite d’application de l’ordre de deux années, apparaît être la solution la plus adaptée.

La salle de Réveil est un élément essentiel de la sécurité du patient anesthésié, car c’est au cours de la période post-opératoire que les accidents mortels liés à l’anesthésie et à la chirurgie sont les plus fréquents. Qu’il s’agisse d’accidents respiratoires post-opératoires précoces, souvent de nature anesthésique, ou d’accidents cardio-vasculaires souvent liés à une complication de la chirurgie ou de l’état pathologique du patient, leur réduction passe par leur détection précoce en Salle de Réveil. Par le terme Salle de Réveil il faut entendre non seulement un lieu, mais également un personnel infirmier et du matériel. Les précédentes circulaires ministérielles les ont convenablement définies, mais n’ont réussi à obtenir une réelle politique de création de Salles de Réveil que dans les nouvelles structures hospitalières. L’analyse de la situation actuelle de la surveillance post-anesthésique en France démontre que celle-ci n’est pas optimale. Dans les CHU, près d’un patient sur deux ne bénéficie pas encore de cette surveillance. Cette situation est la même dans les hôpitaux publics non universitaires et a peu de chances d’être meilleure dans le secteur libéral. La transformation des circulaires ministérielles précédentes en textes réglementaires devrait permettre de corriger rapidement cette situation. La réglementation doit être telle qu’en l’absence de Salle de Réveil il ne soit pas autorisé de donner une anesthésie. Lorsque l’établissement participe à un service d’urgences, le fonctionnement de la Salle de Réveil doit en tenir compte. Les réalités de l’économie et de la démographie médicale rendent préférables un site unique, apte à accueillir l’ensemble des patients anesthésiés, quelle que soit l’heure.

L’accréditation des établissements en matière d’anesthésie est un moyen privilégié pour faire respecter les normes de sécurité anesthésique. ces normes concernent les structures (Salle de Réveil, bureaux de consultation, dispersion des sites d’anesthésie), les équipements (respirateurs, chariots d’urgence, monitorage) et les hommes (nombre d’anesthésistes-réanimateurs et d’infirmières, en fonction des structures). Ces normes sont indiquées pour la plupart dans ce rapport, et sont à réactualiser avec les organisations professionnelles. Les organismes chargés de les vérifier doivent tirer leur légitimité des pouvoirs publics.

Les gardes ne peuvent, en l’état actuel du nombre d’anesthésistes-réanimateurs, donner lieu à une interdiction de présence sur les lieux de travail le lendemain. En revanche, il est proposé que le lendemain d’une garde active l’activité de bloc opératoire ne soit pas autorisée. Le fait que les réflexes soient émoussés par la privation de sommeil est en effet moins crucial pour une visite post-opératoire ou une consultation que pour une réponse rapide à un événement per-anesthésique inattendu.

La formation initiale mérite qu’un post-internat soit organisé, avec une augmentation substantielle du nombre de postes de chefs de clinique.

La formation permanente doit faire l’objet d’une réflexion en profondeur, tant au niveau des médecins anesthésistes-réanimateurs que des infirmières(ers)-anesthésistes diplômées(és) d’état, car l’évolution des techniques ne permet pas de considérer qu’une telle formation puisse rester durablement facultative. L’obligation d’assister à un nombre donné de formations accréditées, sur un laps de temps, est une solution acceptable. La réflexion doit porter sur le contenu de la formation continue, sa périodicité, l’organisme décernant les accréditations. La formation doit être accomplie dans le cadre d’objectifs définis par une société savante, telle la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation, ou par l’équivalent d’un « board », d’un collège, comme dans d’autres pays européens, telle la grande Bretagne, ou comme aux USA.

La sécurité peut être comparée à une chaîne, dont la solidité vaut celle de son maillon le plus faible. A cet égard, la mesure la plus urgente devrait concerner le caractère obligatoire, réglementaire, des Salles de Réveil.

 

Références

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28- GRIVAUX JF. (p 60) In: « Aspects juridiques de la sécurité en anesthésie-réanimation ». Arnette, Paris, 1991

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36- PIERCE EC Jr. Anesthesia patient safety movement. ASA Newsletter. 55:4-8, 1991

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38- Recommandations concernant l’anesthésie du patient ambulatoire, SFAR, Septembre 1990

39- Recommandations concernant la période préanesthésique, SFAR, Septembre 1991

40- Recommandations concernant la pratique de l’analgésie obstétricale, SFAR, Septembre 1992

41- Recommandations concernant la surveillance des patients en cours d’anesthésie, SFAR, Septembre 1989

42- Recommandations concernant la surveillance des patients en cours d’anesthésie, SFAR, Septembre 1993

43- Recommandations concernant la surveillance et les soins postanesthésiques, SFAR, Septembre 1990

44- Sondage BVA. L’image des anesthésistes-réanimateurs français. SNARF, Octobre 1992

45- Sondage CSA. Image et opinion des français sur les médecins anesthésistes-réanimateurs. SNPHAR, Bolus, mars 1991

46- Standards for postanesthesia care. ASA Newsletter. 52:7, 1988

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50- TIRET L, N’DOYE, HATTON F. Description des services d’anesthésiologie dans les établissements publics français. Études statistiques. 3:39-57, 1986

51- UTTING JE, GRAY TC, SHELLEY FC. Human misadventure in anaesthesia. Can Anaesth Soc J. 26:472-478, 1979

52- VICKERS MD. Le nombre d’anesthésistes et leur charge de travail. Cah Anesthésiol. 36:390-395, 1988

53- WEINGER MB, ENGLUND CE. Ergonomic and human factors affecting anesthetic vigilance and monitoring performance in the operating room environment. Anesthesiology. 73:995-1021, 1990

 

Annexe 1

Classification de l’American Society of Anesthesiologists (ASA)

 

ClasseDescription
1Patient en bonne santé
Exemple : hernie inguinale chez un patient par ailleurs en bonne santé.
2Patient avec une maladie générale modérée
Exemple : bronchite chronique ; obésité modérée ; diabète contrôlé par le régime ; infarctus du myocarde ancien ; hypertension artérielle modérée.
3Patient avec une maladie générale sévère mais non invalidante
Exemple : insuffisance coronaire avec angor ; diabète insulino-dépendant ; obésité pathologique ; insuffisance respiratoire modérée.
4Patient avec une maladie générale invalidante mettant en jeu le pronostic vital
Exemple : insuffisance cardiaque sévère ; angor rebelle ; arythmie réfractaire au traitement ; insuffisance respiratoire, rénale, hépatique ou endocrinienne avancée.
5Patient moribond qui ne survivrait pas 24 heures, avec ou sans opération
Exemple : rupture d’anévrysme de l’aorte abdominale en grand état de choc.