Source : Le quotidien du médecin

Le Conseil national professionnel (CNP) d’anesthésie-réanimation, qui regroupe syndicats et sociétés savantes de la spécialité (SFAR, SNARF, SNPHARe, SMARNU, SNJAR, CNEAR*), explique, par la voix de son président, le Pr Bertrand Dureuil du CHU de Rouen, comment la profession relève les défis posés par l’épidémie de Covid-19.

La fréquence des formes graves de Covid-19 observées chez un nombre important de patients, en Chine puis en Europe, a très vite mis en exergue la nécessité d’une capacité d’accueil élevée en secteur de réanimation. Celle-ci doit, dans l’état actuel des choses, permettre l’admission en réanimation d’environ 25 % des patients hospitalisés.

Les projections initiales avaient estimé les besoins à environ 10 000 lits mais de nouvelles données épidémiologiques les ont portées à 14 500. Disposer d’une telle capacité, alors qu’en situation normale, la France n’en compte que 5 087 semble un véritable défi. La gestion de ces lits très spécifiques est coordonnée majoritairement par les services d’anesthésie-réanimation et pour une part par les services de médecine intensive et réanimation.

La première contrainte pour ouvrir un lit de réanimation,est de disposer de moniteurs de surveillance et de nombreux appareils biomédicaux spécifiques, tels que respirateurs, appareils de dialyse et de perfusion. Cette technicité très lourde fait qu’il n’est pas possible de transformer une chambre d’hospitalisation classique en chambre de réanimation. La deuxième contrainte, la plus importante, est qu’il faut associer des compétences médicales et paramédicales très spécifiques à la réanimation et disponibles 24h/24h. C’est le défi que le ministre de la Santé, Olivier Véran, a lancé à la communauté des soignants pour donner à tous nos concitoyens, les meilleures chances face au Covid-19.

Face à ce défi, notre première chance est de disposer dans notre spécialité des compétences humaines adéquates. Par ailleurs, au-delà des lits existants, il a fallu trouver de nouveaux locaux au sein des structures permettant d’assurer des soins de réanimation. Très vite, face à l’arrivée des premiers patients, les unités de surveillance continue, qui habituellement accueillent des patients moins lourds, et certains secteurs des services d’urgence ont été transformés en unités de réanimation par le renforcement de leurs personnels et de leur dotation en matériel.

Déprogrammation massive des interventions chirurgicales

Malgré cela, la capacité d’accueil s’est révélée rapidement insuffisante. Une des décisions majeures pour trouver une solution a été le déclenchement du plan blanc, généralisé à l’ensemble des établissements de santé publics et privés. Ceci a permis notamment de déprogrammer les interventions chirurgicales non urgentes pour libérer de nouvelles capacités en lits de réanimation et de créer de nouveaux lits en salle de réveil et même au sein des blocs opératoires.

Par ailleurs, des infirmiers de salle de réveil et des infirmiers anesthésistes, qui ont l’expérience et les compétences en soins critiques, ont pu être redéployés sur ces nouveaux secteurs aux côtés des anesthésistes réanimateurs et des internes d’anesthésie-réanimation.

Aide du secteur privé dès les premières heures

Dès les premières heures, des anesthésistes-réanimateurs, des chirurgiens, des personnels soignants du privé ont proposé leur aide aux équipes de l’hôpital public. Des plans de formation, adossés à des tutoriels de la Société française d’anesthésie-réanimation, ont été mis en place, par exemple sur l’optimisation de la ventilation artificielle ou la protection face au risque contagieux. Jamais une déprogrammation chirurgicale aussi massive n’avait été appliquée sur l’ensemble du territoire. L’appui de nos collègues chirurgiens à cette nouvelle configuration du plateau technique et la compréhension des patients concernés par ces déprogrammations ont été non seulement indispensables, mais également remarquables. Cette organisation va nous permettre d’atteindre les 10 000 lits de novo de réanimation. Dans le même temps, les patients non Covid devant bénéficier d’un acte chirurgical urgent continuent d’être pris en charge.

Une mobilisation sans précédent

Au-delà de la question des équipements de protection individuelle (masques notamment) ou des respirateurs qui a focalisé beaucoup d’attention, nous voudrions souligner la réactivité des directions des établissements de soins. En effet, l’ouverture de ces lits supplémentaires implique de disposer d’un matériel important, de réorganiser la permanence des soins et de dépasser certaines contraintes budgétaires.

Il reste que la répartition très inhomogène de l’épidémie, affectant tout particulièrement les régions Grand Est et Île-de-France a complexifié la gestion des lits de réanimation. Des transferts de patients par les moyens de transport médicalisés par les équipes du SAMU, d’anesthésie-réanimation et de l’armée ont été indispensables vers les territoires moins affectés par l’épidémie.

Au total, c’est bien la mobilisation sans précédent de la totalité des personnels et des médecins des établissements de santé publics et privés qui a permis de relever, en un temps très court, le défi d’augmenter le nombre de lits de réanimation tout en assurant la qualité des soins indispensable à la prise en charge des patients les plus graves.

Pour le Conseil national professionnel : Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR), Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs de France (SNARF), Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanmiateurs (SNPHARe), Syndicat des médecins anesthésistes-réanimateurs non universitaires (SMARNU), Syndicat des jeunes anesthésistes-réanimateurs (SNJAR), Collège national des enseignants d’anesthésie-réanimation (CNEAR)

Pr. Bertrand Dureuil, département d’anesthésie-réanimation et SAMU (CHU de Rouen), president@cnpar.org